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La cérémonie d'intronisation du Temple de la renommée du hockey 2018 aura lieu lundi. La présente cohorte est constituée du commissaire de la LNH Gary Bettman et de Willie O'Ree, le premier joueur noir de la LNH, chez les bâtisseurs et de Martin Brodeur, Martin St-Louis, Alexander Yakushev et Jayna Hefford chez les joueurs. Le chroniqueur de NHL.com Nicholas J. Cotsonika nous offre un profil de Bettman.

TORONTO-- Gary Bettman se tient debout devant son immortalité.
Le commissaire de la LNH est dans le Grand Hall par un après-midi tranquille d'octobre. Il regarde la plaque vide où il sera immortalisé après son intronisation au Temple de la renommée du hockey, lundi.
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Elle est située sous celle de Teemu Selanne et au-dessus de celle qui sera à Martin Brodeur, juste au niveau de ses yeux. Il aurait pu observer son reflet sur la plaque et imaginer à quoi ressemblera son portrait et ce qu'indiquera l'inscription qui résumera l'impact qu'il a eu pendant plus de 25 ans sur une ligue vieille de plus d'un siècle.
Il a plutôt choisi de plaisanter à propos de sa taille.
« En fait, c'est la hauteur parfaite pour moi », a-t-il lancé avec le sourire.

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Le Grand Hall est le lieu de culte du hockey. Sous un plafond de vitrail et dans un silence respectueux, les plaques des membres du Panthéon sont illuminées. Les trophées brillent dans leurs présentoirs. La Coupe Stanley est exposée au grand public sur son piédestal.
« J'ai toujours considéré le Grand Hall comme un sanctuaire qui représente ce qu'il y a de bien et de bon dans le sport. J'ai toujours trouvé que la cérémonie d'intronisation, ici… », a déclaré le commissaire Bettman, la gorge nouée. « Ce serait peut-être un peu trop extrême de dire qu'elle est spirituelle, mais j'ai toujours trouvé que c'était un endroit de réflexion, de force et de stabilité pour le sport. »
C'est le Gary Bettman que peu de gens connaissent. Il est humble et reconnaissant envers sa place dans le monde du hockey. C'est ce que ç'a représenté pour lui d'être le premier et seul commissaire de la LNH, lui qui préside les activités de la Ligue depuis le 1er février 1993, et c'est ce que ça représentera pour lui de rejoindre ce club exclusif dans la catégorie des bâtisseurs.
Quand il était enfant, il prenait le métro pour aller au Madison Square Garden et assister aux matchs des Rangers de New York dans les sièges les moins chers. À l'université Cornell, il a eu un abonnement de saison pendant ses quatre années d'études. Une saison, par le plus heureux des hasards, il a obtenu un siège dans la cinquième rangée derrière le but.
« J'ai pu tout voir de très près », a-t-il indiqué.
Alors qu'il n'était qu'un jeune avocat, il a acheté des billets dans les hauteurs du Nassau Coliseum, le 21 mai 1981, pour voir les Islanders de New York défaire les North Stars du Minnesota 5-1 et ainsi remporter le deuxième de quatre titres consécutifs. Il a entendu les partisans faire le décompte, il a ressenti leurs cris, il a vu les joueurs des Islanders se réunir avant d'aller serrer la main de leurs adversaires des North Stars.
Puis, il a vu la Coupe Stanley. À cette époque, la LNH était la seule grande ligue sportive à présenter son trophée de championnat devant les partisans.
« J'étais complètement sidéré comme amateur de sports. Je me suis dit que c'était la plus belle chose que je n'avais jamais vue, a-t-il expliqué. Le trophée était là et chaque joueur avait la chance de le soulever devant des milliers de partisans en délire. C'est à ce moment que j'ai réalisé que la Coupe Stanley avait du charisme. »

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Il ignorait alors qu'un jour, il présenterait lui-même la Coupe Stanley aux champions. Il juge qu'il s'agit d'abord et avant tout d'un grand honneur.
« C'est un sport qui, plus que tous les autres, commémore son histoire et ses traditions. Ce trophée, depuis que je l'ai vu pour la première fois en personne, c'est le plus grand trophée de tous, a-t-il poursuivi. C'est la plus belle tradition de tous les sports. »
Au fond de lui, derrière sa carapace d'homme d'affaires à cravate, se cache un partisan qui a l'autorisation de sortir des gradins.
« Ce qui me fascine, c'est que j'ai la meilleure place pour voir l'émotion pure et naturelle de ce moment », a-t-il mentionné en tendant les bras et en serrant les poings. « Être aussi près des célébrations du titre le plus difficile à gagner et voir tout ça… Ce n'est pas filtré par la télévision. Je ne suis pas loin, je suis juste là et je regarde. »
Il met l'accent sur ces derniers mots. Juste. Là. Je regarde.
Depuis 25 ans, le commissaire Bettman a donné de nombreux discours lors de la cérémonie d'intronisation au Temple de la renommée. La dynamique demeure similaire.
« Ces gens deviennent immortels, d'une certaine façon, parce qu'ils vont se trouver ici, dans le Grand Hall, pour toujours, a-t-il révélé. J'ai toujours trouvé ça incroyable parce que j'ai toujours été impressionné par leurs réactions devant cette reconnaissance et leur attitude pendant cet instant. »
Même lorsqu'il déambule dans le Temple de la renommée du hockey au quotidien, la dynamique est similaire.
« Regardez les visages de tous ces gens, a-t-il continué. En fin de compte, ce sont les gens qui sont au centre de tout ça, non? »
Vendredi, il recevra une bague. Il va donner un discours lors de sa propre intronisation et il va avoir sa propre place permanente dans le Grand Hall lundi. Les gens vont observer sa réaction.
Le moment est venu. Alors, comment se sent-il?
« En fait, je ne sais pas », a-t-il répondu.
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Lorsque le commissaire Bettman a annoncé à sa femme Shelli qu'il serait admis au Temple de la renommée du hockey, elle lui a répondu : « Est-ce que ça veut dire qu'ils veulent que tu prennes ta retraite? »
« Je ne sais pas exactement ce qu'elle voulait dire », a lancé l'homme de 66 ans en riant. « Mais non. J'ai encore beaucoup d'énergie et d'enthousiasme et il nous reste beaucoup de choses à accomplir. »
Alors, pourquoi maintenant?
Le commissaire adjoint de la LNH Bill Daly a écrit sur NHL.com que le commissaire Bettman était déjà « à n'en point douter le dirigeant le plus influent de l'histoire de la Ligue nationale de hockey. »
Brian Burke, un dirigeant réputé dans la LNH et un membre du comité de sélection du Temple de la renommée du hockey, prétend qu'il faudrait plutôt se demander pourquoi le commissaire Bettman n'y a pas été admis avant.
« Ce que Gary a fait pour la Ligue nationale de hockey est incomparable », a expliqué Burke, qui a déjà œuvré sous les ordres du commissaire Bettman à titre de premier vice-président et directeur des opérations hockey de la LNH de 1994 à 1998. « La Ligue est passée d'une petite entreprise à une énorme société sous le règne de Gary Bettman. »
La LNH est passée de 24 à 31 équipes en Amérique du Nord et une 32e à Seattle pourrait bientôt venir grossir ses rangs. Les revenus ont augmenté de 400 millions de dollars à 4,5 milliards de dollars par saison. Un nouveau système économique procure une plus grande stabilité et un meilleur équilibre compétitif. De nouveaux règlements ont amélioré la qualité du jeu et la sécurité des joueurs. La LNH a offert des matchs à l'extérieur, outre-mer et en ligne. Et plus encore.
« La plupart des visionnaires, quand ils atteignent le sommet d'une montagne, ils en cherchent immédiatement une autre, a illustré Burke. Gary regarde cinq montagnes plus loin. »
Tandis que le commissaire Bettman est debout sur un balcon donnant sur le Grand Hall, Lanny McDonald, un membre du Temple de la renommée du hockey et président de son conseil d'administration, s'arrête pour lui serrer la main et le prendre dans ses bras.
« Si on compare l'état de la Ligue [d'il y a 25 ans] à son état actuel, il a de quoi être très satisfait », a déclaré McDonald.

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Pendant que McDonald continue de vanter l'état du sport, le commissaire Bettman semble mal à l'aise. Il s'appuie sur le mur, il baisse la tête, il se prend les mains, il bouge les pieds, puis il retourne au balcon et regarde les amateurs qui visitent les expositions avant d'intervenir une autre fois.
« Je veux seulement ajouter que je ne suis jamais satisfait », a lancé le commissaire Bettman.
Jeremy Jacobs, le propriétaire des Bruins de Boston et président du Bureau des gouverneurs de la LNH, affirme que le commissaire Bettman s'est immergé dans le sport dès son arrivée.
« Personne ne travaille plus fort que lui », a révélé Jacobs, qui a été admis au Temple de la renommée du hockey à titre de bâtisseur l'an dernier. « Je ne connais personne qui consacre plus de temps que lui sur une base quotidienne pour faire progresser le sport. C'est ce qui l'inspire. Il adore travailler et c'est son sujet préféré.
« Il est assurément admissible au Temple de la renommée en raison du rôle qu'il a joué. Au fil des années, il a fait progresser ce sport [d'une manière] qui n'avait jamais été vue auparavant. »
Certains de ses gestes ne sont pas connus du public et ils ne le seront jamais.
« Je peux vous affirmer qu'il ne m'a jamais répondu par la négative quand vient le temps d'aider les joueurs », a déclaré Glenn Healy, un ancien gardien de la LNH qui a été le directeur des affaires des joueurs de l'Association des joueurs de la LNH avant de devenir le directeur administratif de l'Association des anciens joueurs de la LNH.
« Donc, si vous croyez qu'il n'est là que pour les propriétaires et qu'il ne pense qu'aux profits, je peux vous assurer que c'est complètement faux. Il a aidé beaucoup de joueurs sans que son nom soit mentionné. Il n'a jamais voulu qu'on le nomme. Je pourrais vous raconter des histoires qui vous laisseraient bouche bée. »
L'influence du commissaire Bettman se fait déjà sentir de manière subtile, directement ou indirectement, partout dans le Temple de la renommée du hockey.
Il est quelque part à l'arrière-plan d'une photo datant du 18 juin 1993. Des personnalités avaient alors procédé à la pelletée de terre inaugurale quand le Temple a déménagé à son emplacement actuel. Son nom se retrouve aussi sur le trophée Lester Patrick, qu'il a reçu en 2001 pour ses services exceptionnels rendus au hockey aux États-Unis. Sa photo se trouve aussi dans une exposition sur la LNH dans le monde.

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« Pour nos joueurs, pour ceux que je représente aujourd'hui et ceux avec qui j'ai joué dans le passé, il a eu un impact considérable que ce soit en contribuant à la hausse de nos salaires, en nous donnant de meilleurs avantages sociaux ou en créant plus d'emplois dans notre sport pour soutenir plus de familles et d'enfants, a mentionné Healy. On ne peut pas le nier. On ne peut pas, c'est bien réel. »
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Il y a trois ou quatre ans, le commissaire Bettman a visité le Temple de la renommée du hockey avec son petit-fils Matthew. Ils ont regardé les expositions et ils ont joué au hockey sur table. Matthew, qui est maintenant âgé de 12 ans, joue au hockey au niveau AAA.
« J'ai surtout été marqué par sa réaction, a confié le commissaire Bettman. Tout le fascinait. »
Debout devant sa plaque dans le Grand Hall, le commissaire Bettman reçoit un appel. C'est sa petite-fille Zoe, âgée de 10 ans, la sœur de Matthew. Il s'éloigne un peu pour lui parler.
Après 25 ans, le temps peut s'embrouiller. Il affirme que ce sont des événements familiaux qui lui servent de repères. Lorsqu'il est devenu commissaire de la LNH, sa fille la plus jeune, Brittany, avait quatre ans. Elle a maintenant 30 ans et elle a donné une autre petite-fille à son père, Maddie, âgée de 10 mois.
« Il a toujours réussi à trouver un équilibre entre son horaire de travail extrêmement chargé et sa famille, a ajouté Burke. Il a un excellent sens de l'humour et c'est une bonne personne. Ça m'attriste de voir que les gens ne connaissent pas cette facette de sa personnalité.
« Qu'est-ce que ça signifie pour Gary? Je pense qu'il en est très fier, mais je ne crois pas que c'est pour cette raison qu'il fait ce métier. Il retire plus de fierté des avancées du sport que des récompenses personnelles. »
Le commissaire Bettman affirme que tout cela est possible grâce à tous ceux qui ont travaillé fort sur la glace et en dehors pour faire progresser le sport jusqu'à son état actuel.
« En fait, je ne suis qu'un symbole de ce travail », a-t-il indiqué.
Cette plaque, le symbole d'un symbole, sera exposée pour les générations à venir. Les enfants, les petits-enfants et les arrière-petits-enfants du commissaire Bettman pourront venir la contempler. Pouvez-vous imaginer leurs réactions?
« C'est ce qui représente l'immortalité, a-t-il conclu. C'est ce qui est difficile à saisir. Je ressens la même chose quand j'assiste à une cérémonie où l'on retire le numéro d'un joueur. Wow! Il va être là-haut pour toujours. »