OVECHKIN RECORD BADGE BOUCHER

Philippe Boucher a disputé 17 saisons dans la LNH, récoltant 94 buts et 300 points en 748 matchs. Le défenseur natif de Saint-Apollinaire a notamment connu deux saisons de 40 points et plus. Il a participé au Match des étoiles en 2007, en plus de soulever la Coupe Stanley avec les Penguins de Pittsburgh à sa dernière saison dans la LNH en 2009. Choix de première ronde (13e au total) des Sabres de Buffalo en 1991, il a successivement porté les couleurs des Sabres, des Kings de Los Angeles, des Stars de Dallas et des Penguins. Au terme de sa carrière de joueur, il a occupé des postes de direction chez l'Océanic de Rimouski, les Remparts de Québec et les Voltigeurs de Drummondville dans la Ligue de hockey junior Maritimes Québec (LHJMQ). Philippe a accepté de collaborer avec l'équipe de LNH.com afin de traiter de divers sujets de l'actualité du hockey.

S’il y a un record qui semblait inatteignable quand j’étais joueur, c’était celui de buts en carrière de Wayne Gretzky. Ce qu’Alex Ovechkin a réussi ce week-end en inscrivant son 895e filet est tout simplement incroyable.

C’est difficile de réaliser qu’il y aura bientôt un joueur qui aura atteint le plateau des 900 buts dans la LNH. Des marqueurs légendaires, il en a défilé plusieurs au fil des années, de Mike Bossy à Jaromir Jagr en passant par Steven Stamkos plus récemment. Mais aucun ne présente le profil d’Ovechkin. C’est un joueur unique.

J’étais avec les Stars de Dallas en 2005-06 quand Ovechkin est arrivé dans la LNH. Tout de suite, on a compris qu’il y avait quelque chose de différent avec lui. Il avait un talent de marqueur indéniable, mais son jeu était physique. Il frappait, il dérangeait. Les attentes étaient énormes.

Mais 895 buts? Le record de Gretzky? Nous n’aurions jamais même pensé avoir cette conversation.

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J’ai pu affronter Ovechkin à six reprises, et c’est époustouflant de le voir aller. Ma force sur la glace était de bloquer les lancers, mais avec Ovi, c’était pratiquement impossible. Il a cette capacité de lancer tout juste à côté de la partie de ton corps qui devrait bloquer le tir. C’est simple, la rondelle semble te passer au travers.

Deux qualités expliquent les succès d’Ovechkin durant toutes ces années. La première est la grandeur de la zone de laquelle il peut décocher un tir. Que la rondelle se retrouve au bout de ses bras ou à deux pieds de ses patins, ça ne l’empêchera pas d’envoyer un laser vers le filet. La deuxième est qu’il n’a pas besoin d’une passe parfaite pour s’élancer. À vrai dire, il est incroyablement dangereux quand la rondelle est bondissante, parce que son lancer se transforme en balle papillon pour les gardiens, impossible à bien suivre du regard.

Les joueurs adverses savent d’où Ovechkin va lancer, de son fameux bureau du cercle gauche. Tout le monde s’y prépare, c’est dans le plan de match, les gardiens sont prêts à se déplacer, les défenseurs prêts à bloquer le lancer – même si plusieurs n’en ont pas envie, croyez-moi.

Et malgré tout, il réussit à marquer. Ça en dit long sur son talent de tireur.

Bien évidemment, les comparaisons sont nombreuses entre le record d’Ovechkin et celui de Gretzky. Lequel a le plus de valeur selon l’ère dans laquelle il a été réussi?

Certains vont rappeler que Gretzky jouait dans les années 1980, décennie où il se marquait en moyenne 7,7 buts par matchs, tandis que la moyenne de buts par rencontre durant la carrière d’Ovechkin est de 5,74. D’autres vont dire que Gretzky jouait à une époque où l’accrochage était légion, qu’il y avait moins d’équipes et que le talent était plus concentré, qu’il n’y avait pas de prolongation à 3-contre-3, etc.

Le clan adverse va répondre qu’Ovechkin a réussi son exploit à l’ère du plafond salarial, où il est impossible de se « paqueter un club » comme c’était le cas pour les Oilers dans les années 1980. Ou qu’Ovechkin a réussi son exploit alors que le niveau de talent dans la Ligue n’a jamais été aussi fort grâce à la présence de joueurs de partout à travers la planète et l’émergence des États-Unis comme puissance mondiale. Et d’autres vont souligner que Gretzky a marqué la majorité de ses buts à une époque où de nombreux gardiens ressemblaient à des épouvantails tellement ceux-ci étaient inefficaces en comparaison aux gigantesques portiers modernes.

L’équipement, les conflits de travail, le nombre de points en carrière, l’efficacité des tirs, tout le tralala peut y passer. Mais au final, qu’est-ce que ça change? Ça ne donne rien de comparer les époques, c’est le nombre de rondelles dans le filet qui compte.

Un gros merci à Sid

Est-ce qu’Ovechkin aurait été en mesure de ravir le record de Gretzky sans la présence de Sidney Crosby dans la LNH au même moment que lui? C’est une excellente question.

La rivalité entre les deux joueurs a été incroyable dès leurs débuts dans la LNH. Crosby aura toujours poussé Ovechkin à être meilleur, que ce soit lors de leur saison recrue, quand le Russe a devancé le Canadien pour le trophée Calder, en séries éliminatoires ou encore aujourd’hui, alors qu’après 20 saisons, ils sont toujours au coude à coude pour la production en carrière.

Crosby va avoir rendu Ovechkin meilleur, et l’inverse est tout aussi vrai.

J’étais aux premières loges à la ligne bleue des Penguins pour le duel entre les deux phénomènes au deuxième tour des séries éliminatoires de 2009. Tous les joueurs réalisaient à quel point nous avions de la chance de les regarder aller. C’était comme un match de tennis à l’intérieur d’une partie de hockey. Deux gars qui se poussaient l’un et l’autre, qui voulaient être les meilleurs pour le succès de leur équipe respective.

Nous avions finalement remporté la série en sept matchs, avant de mettre la main sur la Coupe Stanley quelques semaines plus tard.

Les trois conquêtes de la Coupe Stanley de Crosby auront inévitablement ajouté de la pression sur les épaules d’Ovechkin. Et c’est peut-être ce qui explique pourquoi sa fin de carrière est aussi spectaculaire. Il a changé sa philosophie de travail lors de la saison 2017-2018 pour remporter cette première Coupe Stanley, et depuis, il n’a pas levé le pied. C’est difficile à croire, mais il a une meilleure moyenne de buts par match depuis cette saison 2017-18 (337 en 556 matchs) que lors des huit saisons qui ont précédé cette conquête de la Coupe (339 en 597 rencontres).

Cette longévité défie toute logique. Aucun joueur actif ne parviendra à s’approcher de cette nouvelle marque.

Robidas à l’image du paternel

Si Ovechkin a vécu un moment important de sa carrière cette semaine, il n’est pas seul. Justin Robidas a effectué ses débuts dans la LNH vendredi avec les Hurricanes de la Caroline, et il a amassé un but et une passe lors de ses deux premiers matchs.

C’est un excellent départ, et ce n’est qu’un début à mon avis. Et si jamais ça se corse, le Québécois de 22 ans n’aura pas besoin de regarder bien loin s’il a besoin d’un peu d’inspiration, puisque son père Stéphane est toujours là pour le conseiller entre deux matchs des Canadiens de Montréal, dont il est l’entraîneur adjoint.

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Je connais Justin depuis qu’il est aux couches, puisque son père et moi avons été coéquipiers chez les Stars de Dallas pendant six saisons, c’est-à-dire les six premières années de vie de Justin, qui a maintenant 22 ans. Ça ne nous rajeunit pas!

Justin possède la ténacité de son père. Stéphane avait été repêché au septième tour par les Canadiens en 1995, mais ça ne l’a pas empêché de disputer 937 matchs dans la LNH. De son côté, Justin a été choisi par les Hurricanes au cinquième tour en 2021. Après son stage junior, lors duquel il a remporté la Coupe Memorial avec les Remparts de Québec, il a été envoyé en ECHL la saison dernière. Ça aurait pu être un dur coup de se retrouver si loin de son rêve, mais il s’est accroché, si bien que moins de 12 mois plus tard, il vit son rêve de jouer dans la LNH!

*Propos recueillis par Nicolas Ducharme, journaliste LNH.com