Dryden Canadiens Maple Leafs

« C'est une rivalité entre deux villes, une rivalité de cultures. »
Ken Dryden a longtemps été aux premières loges de la rivalité entre les Canadiens de Montréal et les Maple Leafs de Toronto, à titre de gardien légendaire devant le filet du Tricolore durant les glorieuses années 1970, et comme président des Maple Leafs dans sa ville natale de Toronto de 1997 à 2003.

« Soudainement, Toronto et Montréal vont s'affronter pendant une tonne de matchs », a souligné Dryden, qui a été un acteur important dans cette rivalité. « Il y a de fortes chances que les deux équipes s'affrontent en séries éliminatoires.
« Ça fait longtemps que ce n'est pas arrivé. »
En raison de la pandémie de la COVID-19, les sections de la LNH ont été modifiées, si bien que les Canadiens et les Maple Leafs s'affronteront 10 fois cette saison sur un calendrier de 56 matchs. Les deux équipes offrent leur meilleur jeu depuis des années, alors l'historique rivalité pourrait s'enflammer après n'avoir été qu'une braise vacillante pendant des décennies.

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Pour la première fois depuis les années 1960, Toronto et Montréal sont parmi les meilleures équipes de la LNH en même temps. Les deux anciennes équipes de Dryden se sont affrontées pour la 750e fois, samedi à Toronto. Les deux buts des Canadiens en troisième période ont permis la remontée dans un gain de 2-1. Samedi prochain, les deux équipes croiseront à nouveau le fer, cette fois à Montréal, et ce 751e duel permettra aux deux organisations de se hisser au premier rang de l'histoire de la LNH pour le plus de matchs entre deux clubs, un de plus qu'entre les Canadiens et les Bruins de Boston.
La lutte est serrée entre les deux équipes cette saison dans la section Nord Scotia. Toronto (11-3-1) a une avance de trois points sur les Canadiens (9-4-2), qui sont deuxièmes.
Depuis le début de cette rivalité, en 1917, Montréal a le dessus 360-290-88-12. C'est la même chose en séries éliminatoires, puisque les Canadiens ont remporté huit des 15 séries avec une fiche cumulative de 42-29. Croyez-le ou non, mais les deux plus vieilles équipes de la LNH ne se sont pas rencontrées en séries depuis 1979, quand les Canadiens avaient balayé les Torontois en route vers leur quatrième championnat de suite.

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Dryden a joué toute sa carrière de 397 matchs en saison et 112 en séries avec les Canadiens entre 1971 et 1979. Il avait pris une sabbatique lors de la saison 1973-74 pour étudier en droit. Sa fiche contre les Maple Leafs est de 30-2, avec neuf matchs nuls.
« Ni les Canadiens ni les Maple Leafs n'étaient très bons dans les premières décennies de l'histoire de la LNH, a rappelé l'ancien gardien de 73 ans. Ils pouvaient gagner la Coupe Stanley ici et là, mais pas aussi régulièrement que d'autres équipes. »
En effet, entre 1917 et 1939, Toronto et Montréal ont remporté le championnat deux fois. Puis, les deux formations ont décidé de se retrousser les manches.
La rivalité a pris de l'ampleur dans les années 1940, s'est rappelé Dryden, quand « les Canadiens sont devenus bons et que les Leafs sont devenus vraiment bons ». Toronto a gagné la Coupe cinq fois, le Tricolore à deux reprises.
Le momentum de la rivalité n'a pas ralenti dans les années 1950. « Il y avait plusieurs éléments d'une rivalité même si ce n'en était pas une quand on regardait le calibre des deux équipes, puisque les Canadiens sont devenus la référence (en gagnant la Coupe six fois) alors que les Leafs ont connu une difficile décennie (une conquête). »
Puis sont arrivées les années 1960, quand la rivalité entre les deux formations était à son paroxysme.
Durant cette décennie, les Black Hawks de Chicago, en 1961, ont gagné la seule Coupe qui n'a pas été remportée par les Canadiens (cinq fois) ou les Maple Leafs, qui l'ont soulevé à quatre occasions, dont une fois en 1967, leur dernière conquête.
« C'était une rivalité linguistique et culturelle, une rivalité du monde des affaires, des universités - McGill et l'Université de Toronto », s'est rappelé Dryden. « C'était à tous les niveaux, une rivalité avec tout ce qu'il y avait de plus important au Canada.
« Pour qu'une rivalité sportive soit vraiment intense, les deux équipes doivent être au même niveau. Montréal et Toronto l'étaient presque dans les années 1940, mais ce n'était pas le cas dans les années 1950. Puis, les années 1960 ont été une décennie de grande qualité, et le moment marquant de cette rivalité. »

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Alors qu'il grandissait dans les rues de Toronto dans les années 1950, Dryden pouvait à peine comprendre l'animosité qui existait entre les deux équipes séparées par plus de 500 kilomètres, mais aussi par une frontière provinciale et un fossé en matière de politiques, de langue et de culture. Les Maple Leafs et les Canadiens jouaient leurs matchs à domicile les samedis, ceux de Toronto étant diffusés dans son marché ainsi que dans l'Ouest canadien, alors que celles du Tricolore se retrouvaient à la télévision québécoise et dans les provinces maritimes.
« Pour nous, à Toronto, la ville de Montréal avait toujours l'avantage et ça nous tapait sur les nerfs. Quand je suis devenu assez vieux pour suivre le hockey, j'ai vu qu'elle avait aussi l'avantage au hockey.
« Mais dans les années 1960, Toronto est devenue aussi grosse que Montréal. Des événements comme Expo 67 devenaient une possibilité pour les villes canadiennes. Il pouvait y avoir une compétition à ce niveau. On s'approchait du niveau où ce serait possible d'avoir une équipe des Ligues majeures de baseball. Toronto ne cessait de grandir et devenait un centre du monde des affaires au pays.
« Tout se passait à pleine vitesse en ce qui a trait à la concurrence entre les deux villes. Au hockey, c'était incroyable. Il y avait cette rivalité entre les entraîneurs Toe Blake (Canadiens) et Punch Imlach (Maple Leafs). La rivalité a complètement changé dans cette décennie. »
Dryden estime que la haine entre les deux villes s'est calmée après les années 1960 pour un certain nombre de raisons.
« Linguistiquement et culturellement, les Québécois se sont repliés sur eux-mêmes dans les années 1970, a-t-il expliqué. Toronto et le reste du Canada avaient moins d'importance dans la vie de tous les jours et ce que la rivalité pouvait représenter.
« Les Canadiens ont à nouveau dominé dans les années 1970, alors que les Leafs étaient quand même bons », s'est souvenu le gagnant de six championnats de la Coupe Stanley. « Je me souviens que lorsque je jouais, je voulais que la rivalité entre Montréal et Toronto soit aussi intense que quand j'étais enfant. Mais ce n'était pas exactement pareil puisque nous étions vraiment meilleurs que les Leafs. »

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Les Torontois ont par la suite passé les années 1980 dans les bas-fonds de la section Norris, alors que les Canadiens ont gagné la Coupe en 1986 puis en 1993, leur dernière.
« Depuis ce temps, les Leafs et les Canadiens n'ont jamais été dominants pendant une longue période, a souligné Dryden. Le dernier moment où il y aurait pu avoir des flammèches, c'est en 1993, quand les Leafs ont presque atteint la Finale, où ils auraient affronté les Canadiens. »
Ce n'est pas arrivé. Toronto s'est incliné en sept matchs lors de la Finale de l'Association Clarence Campbell contre les Kings de Los Angeles. Les Canadiens ont finalement battu les Kings en cinq parties par la suite.
En plus, avec le réalignement des sections en 1993-94, les Canadiens se sont retrouvés dans l'Est, alors que les Maple Leafs ont atterri dans l'Ouest. Avec moins de duels au menu, la rivalité s'est refroidie.

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Lors d'une entrevue en 2003, six ans après avoir accepté la présidence des Maple Leafs, Dryden est revenu sur la réaction des partisans des deux côtés. À Montréal, certains le considéraient comme un traître, alors qu'à Toronto, presque tous les amateurs étaient heureux de l'accueillir.
« [À Montréal], on me disait : ''Comment as-tu pu?''. Ça ne me surprend pas nécessairement, puisque l'autre équipe était la grande rivale. Ce que j'ai répondu, et je le pense vraiment, c'est que les deux équipes sont les plus similaires de toute la Ligue. Elles ont le même genre d'historique et leurs partisans sont également intenses à travers le pays. »
Ce n'est pas pour rien qu'on répète souvent que ce qui unit le plus le Canada, c'est la haine des Montréalais pour Toronto et vice-versa.
Mais cette saison, les Maple Leafs et les Canadiens jouent du hockey excitant et ils se verront beaucoup. Comme c'était le cas des années 1960, quand Dryden était jeune.
« Et c'est pourquoi nous allons regarder les matchs. »