11 Price portrait

Carey Price, le gardien comptant le plus de victoires dans l’histoire des Canadiens de Montréal, a presque assurément disputé le dernier match de sa carrière de 15 ans dans la LNH, une blessure au genou l’ayant empêché de continuer à jouer après la saison 2021-22. Le 11 novembre à Toronto, LNH.com a passé six heures en compagnie de Price pour un entretien exclusif portant sur sa carrière et sa vie après le hockey qui sera rapporté en deux parties. La deuxième partie a été publiée mardi.

TORONTO – Carey Price a arrêté le premier tir qu’il a affronté dans la LNH, un lancer d’une distance de huit pieds décoché par l’attaquant des Penguins de Pittsburgh Mark Recchi après 51 secondes de jeu en première période le 10 octobre 2007.

Une seconde plus tard, il effectuait un deuxième arrêt, frustrant Sidney Crosby sur le retour.

Price a stoppé son dernier tir le 20 avril 2022, un arrêt sur un lancer de 38 pieds qui provenait du bâton de l’attaquant des Panthers de la Floride Ryan Lomberg à 16:57 de la troisième période.

Entre ses arrêts aux dépens de Recchi et Lomberg, le vétéran des Canadiens de Montréal a repoussé 21 057 tirs en saison régulière au cours d’une carrière qui a pris fin lorsque son genou s’est révélé incapable d’endurer plus longtemps les rigueurs liées à la position de gardien de but.

7 Price last game

La semaine dernière, 16 ans et un mois après avoir disputé son premier match dans la LNH, et 18 mois après son dernier, Price était assis au bord d’une fenêtre d’un hôtel de Toronto, le lac Ontario à sa gauche, son avenir devant lui. Il a raconté son parcours, du début à la fin.

« Je m’ennuie de disputer des matchs, a admis Price avec un air mélancolique. C’est probablement ce qui me manque le plus du hockey. J’ai toujours aimé le volet préparation et, évidemment, la nature compétitive de notre sport. »

L’athlète de 36 ans n’est pas officiellement à la retraite. Le contrat de Price est en vigueur jusqu’au terme de la saison 2025-26. Les Canadiens peuvent inscrire son nom sur la liste des blessés à long terme pendant sa convalescence. Il a mentionné qu’il était prêt à lever sa clause de non-mouvement si jamais l’équipe trouvait preneur pour son contrat.

« Assurément, je veux aider, peu importe la manière, a-t-il dit. Je fais toujours partie de cette équipe, alors si je peux aider de quelque façon que ce soit, je suis là. »

2 Price 2005 draft exhibition

Aujourd’hui installé à Kelowna, en Colombie-Britannique, lui qui a déménagé de Montréal vers sa province natale, Price se dévoue entièrement à sa jeune famille.

Il mise sur une feuille de route étincelante, à laquelle il ne manque qu’une conquête de la Coupe Stanley, lui qui a gagné tout le reste ou presque.

Il a connu une saison historique en 2014-15 au terme de laquelle il a raflé quatre honneurs individuels. Grâce à sa fiche de 44-16-6, neuf blanchissages, une moyenne de buts alloués de 1,96 et un pourcentage d’arrêts de ,933, il a mis la main sur le trophée Hart à titre de joueur le plus utile, le trophée Vézina à titre de meilleur gardien, le trophée Ted Lindsay à titre de joueur par excellence voté par ses pairs, et le trophée William M. Jennings pour avoir conservé la plus faible moyenne de buts alloués de la ligue, honneur partagé avec Corey Crawford des Blackhawks de Chicago.

« Tout le monde tente d’être le meilleur », a déclaré Price au début du camp d’entraînement qui a précédé la saison 2015-16, alors que son étagère à trophées venait d’être garnie à souhait.

« C’était assurément valorisant, et c’est une chose à laquelle je vais pouvoir m’attarder lorsque j’aurai fini de jouer. J’aimerais toutefois renouveler l’expérience, et remporter encore plus de choses. C’est simplement dans la nature des athlètes. »

1 Price 2014 NHL Awards

Il était 10 h le 11 novembre, et l’horloge biologique de Price était réglée trois heures plus tôt. Il avait atterri la veille en soirée. Et il allait retourner à la maison moins de 24 heures après son arrivée en vue d’une participation à une séance d’autographes à l’Exposition de cartes sportives de Toronto. Les Canadiens allaient vaincre les Bruins de Boston 3-2 en prolongation au Centre Bell pendant son périple en avion vers l’Ouest.

Portant des jeans, des bottes de cowboy, un T-shirt noir et un coupe-vent, Price se fait de plus en plus à l’idée que ce n’est pas lui qui sera devant le filet à Montréal, dans le cadre d’un duel contre d’éternels rivaux.

Il s’attend toutefois à s’ennuyer davantage de son sport pendant l’hiver.

« L’automne est une période occupée pour moi, avec les enfants qui retournent à l’école, a-t-il raconté. Je suis quelqu’un qui aime avoir des passe-temps, alors je me garde occupé. Mais la saison dernière, en décembre, janvier et février, au plus fort de l’hiver, j’étais assis chez moi et je me disais à quel point je souhaitais être en train de jouer. »

12 Price seated

« Sur une base quotidienne, je me sens très bien, et je me dis même que je pourrais encore être en mesure de jouer. Puis je me mets à faire quelque chose, et mon genou enfle, ce qui constitue un bon rappel que ça ne va pas se produire. Il y a une grande part de moi qui souhaiterait que je puisse encore jouer. De temps à autre cependant, mon corps me rappelle pourquoi ce n’est pas le cas. »

Le curriculum vitae de Price dans la LNH est impressionnant, à titre de gardien le plus victorieux de l’histoire des Canadiens. La Coupe Stanley est le seul trophée d’importance sur lequel il n’a pas mis la main. Le plus près qu’il s’en est approché, c’est à trois victoires, au cours de la finale de 2021, remportée par le Lightning de Tampa Bay en cinq parties.

Avec 361 victoires en saison régulière, il devance le regretté membre du Temple de la renommée Jacques Plante, qu'il a dépassé le 12 mars 2019, par 47 gains. Il devance aussi Plante pour les matchs joués (712) et amorcés (700), tandis qu’il se trouve tout juste devant un autre membre du Temple de la renommée, Patrick Roy, pour les arrêts (19 304) et les tirs reçus (21 059). Ses 49 jeux blancs lui confèrent le troisième rang de l’histoire des Canadiens derrière George Hainsworth (75) et Plante (58).

Price Michel Plante 2017

Sélectionné par les Canadiens au cinquième rang au total du repêchage 2005 alors qu’il évoluait avec les Americans de Tri-City dans la Ligue de hockey de l’Ouest (WHL), Price allait laisser sa marque sur la scène du hockey à Montréal après avoir connu un parcours auréolé dans les rangs juniors et dans les ligues mineures professionnelles.

Le natif d’Anahim Lake, en Colombie Britannique est débarqué à Tri-City depuis Williams Lake à titre de choix de première ronde des Americans (septième au total) au repêchage bantam de la WHL 2002. Sa carrière a pris son envol lorsqu’il a remporté la médaille d’argent pour le Canada au Championnat du monde des moins de 18 ans 2005, puis l’or au Championnat mondial junior 2007, alors qu’il est nommé joueur le plus utile et meilleur gardien de la compétition.

Price a fait le saut chez les professionnels le 10 mars 2007, alors qu’il a paraphé son premier contrat avec les Canadiens dans le domicile de Dennis et Jill Williams, sa famille d’accueil de Tri-City à Pasco, dans l’État de Washington.

« On dirait que c’était hier, et en même temps on dirait que ça fait 100 ans que j’ai signé ce contrat », a-t-il mentionné.

3 Price first contract

Price allait remporter la Coupe Calder dans la Ligue américaine de hockey en 2007 avec l’équipe-école des Canadiens, les Bulldogs de Hamilton, et il hérite à nouveau du titre de joueur par excellence des séries éliminatoires. Il effectue ses débuts dans la LNH l’automne suivant contre les Penguins.

Il partage la saison 2007-08 entre Montréal et Hamilton, avant de faire le saut dans la LNH pour de bon en 2008. En 2014, il remporte la médaille d’or avec le Canada aux Jeux olympiques de Sotchi, en Russie, avec en prime le titre, un autre, de meilleur gardien du tournoi.

« Tout le monde a apporté une contribution, d’une manière ou d’une autre, et je crois que c’est ce qui a rendu ce sentiment encore plus spécial, a indiqué Price au sujet de la conquête de l’or olympique. Tous ceux qui se trouvaient sur la glace lorsque l’hymne national était joué à la fin du tournoi ont eu leur mot à dire dans cette conquête. »

En 2016, Price a été le pilier du Canada à la Coupe du monde de hockey et a mené son pays aux grands honneurs avec un dossier de 5-0, une moyenne de 1,40, un taux d’efficacité de ,957 et un jeu blanc.

Pendant tout ce temps, il a continué de s’illustrer à Montréal, alors que sa charpente de 6 pieds 3 pouces et 217 livres constituait une présence imposante et rassurante devant le filet, avec des performances en apparence sans effort en raison de son positionnement exceptionnel. Avec du recul, sa lourde charge de travail n’a probablement pas aidé sa cause.

9 Price Sochi gold

Price a été forcé à l’inactivité en raison de multiples blessures au cours de sa carrière, mais il a toujours rebondi, du moins jusqu’à aujourd’hui, à son retour en action. Il a d’ailleurs obtenu le trophée Bill Masterton en 2022 pour souligner sa persévérance et son dévouement envers son sport.

Il a reçu le trophée Masterton après avoir pris part à seulement cinq matchs, tous disputés dans les deux dernières semaines de la saison 2021-22, après avoir passé la totalité de l’année à se remettre d’une opération au genou subie l’été précédent à New York.

Alors qu’il procédait à la réparation d’une déchirure à un ménisque, le chirurgien a découvert une lésion ostéochondrale, c’est-à-dire que le cartilage qui sert à absorber les chocs s’était complètement détaché du condyle fémoral, vraisemblablement en raison de l’usure et des traumatismes répétés. L’articulation excessivement sollicitée de Price était donc réduite à deux os qui frottaient l’un sur l’autre.

Des spécialistes de Pittsburgh ont par la suite proposé l’idée d’une intervention additionnelle, soit d’enlever du cartilage et de l’os d’une partie de son genou et de les transplanter sur sa portion blessée. Price a choisi de ne pas explorer cette option, puisque cette opération n’offrait pas de garantie et qu’une longue réadaptation allait vraisemblablement lui coûter une saison complète. De plus, cette intervention pouvait avoir un impact négatif sur son mode de vie, axé sur le plein air, après sa carrière.

6 Price last game warmup

Il a donc travaillé tout au long de la saison 2021-22 afin de renforcer un genou qui n’était plus en mesure de servir la cause d’un gardien de but.

« C’était difficile », a lancé Price avec un léger rire en faisant référence à ces cinq matchs, probablement les derniers de sa carrière, quatre à domicile et un sur la route. J’ai passé la majeure partie de cette année-là à me préparer à jouer, mais je sentais que quelque chose n’allait pas. Chaque fois que je tentais de prévoir un retour, même avec un échéancier très prudent, il s’agissait de pas de bébés.

« Nous avons repoussé trois ou quatre fois ma date de retour au jeu. Chaque fois que j’augmentais le rythme pour m’approcher de la pleine intensité requise pour évoluer au poste de gardien de but, mon genou enflait. Il enflait tellement que je ne pouvais plus faire les gestes que je devais être en mesure de faire pour bien jouer.

« Ce fut toujours dans ma nature d’endurer la douleur et de jouer malgré ça. Je savais que j’allais disputer ces cinq parties, peu importe la douleur. Mais dans mon esprit, je savais aussi que ce n’était pas quelque chose que j’allais pouvoir endurer pendant une saison complète.

« Chaque jour où je sautais sur la glace, le genou enflait. Je tentais de diminuer l’enflure le plus possible. Je prenais des anti-inflammatoires, mais je ne pense pas que ça m’a beaucoup aidé. J’ai reçu quelques injections pour passer au travers. Les derniers matchs ont vraiment été éprouvants. »

8 Price Rocket torch

Au cours de cette saison, Price a aussi eu à relever des défis à l’extérieur de la patinoire. En octobre 2021, Price a volontairement adhéré au Programme d’aide aux joueurs de la LNH/AJLNH.

Il a par la suite parlé ouvertement de ses problèmes d’alcool et de son traitement, tout d’abord avec une publication très candide sur Instagram qui lui a valu une vague de soutien exceptionnel. Admettre son problème et rechercher un traitement pour régler celui-ci a eu profond impact sur la communauté des Premières Nations du Canada, dont Price est un fier membre.

Il s’agissait d’un aveu public difficile pour un homme qui a toujours eu à cœur de protéger sa vie privée, lui qui était plus grand que nature pour les partisans à titre de joueur le plus populaire des Canadiens.

« Au cours des dernières années, je me suis laissé sombrer dans un état de noirceur, dont il m'est devenu impossible de sortir sans aide, a-t-il écrit le 9 novembre 2021, après la publication du communiqué qui annonçait qu’il intégrait un centre de traitement. Les choses avaient atteint un point où j'ai réalisé que je devais prioriser ma santé, tant pour moi-même que pour ma famille. Nous encourageons nos enfants à demander de l'aide quand ils en ont besoin, et c'était ce que je devais faire.

« Je travaille présentement à rétablir ma santé mentale après plusieurs années à la négliger, ce qui prendra évidemment du temps. »

Près de six mois plus tard, après avoir disputé quatre matchs en fin de saison, Price a sauté sur la glace du Centre Bell le 29 avril 2022 avec le sentiment qu’il s’agissait peut-être de la fin de sa carrière.

Top photo: Carey Price photographié à son hôtel de Toronto, le lac Ontario derrière lui, le 11 novembre 2023. © Dave Stubbs/NHL.com