Cinq questions avec… Barbara Underhill
Underhill occupe un poste de consultante en patinage avec deux équipes de la LNH
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Ancienne championne du monde et du Canada en patinage artistique en duo, Underhill n'avait jamais pensé être impliquée dans le hockey, si ce n'est que d'aller conduire ses garçons à l'aréna pour leurs matchs. Mais en 2006, l'entraîneur de Guelph dans la Ligue de hockey de l'Ontario (Underhill et son mari Rick Gaetz en sont copropriétaires) lui a demandé si elle aimerait aider les joueurs à améliorer leur coup de patin.
« Je m'ennuyais vraiment de patiner, alors j'ai dit "Oui, je veux bien essayer" », a raconté Underhill, qui avait agi à titre d'analyste à la télévision pendant 16 ans avant de se faire offrir ce poste.
« Je ne savais pas trop dans quoi je m'embarquais. Je me souviens seulement d'être sautée sur la glace à Guelph et d'avoir eu ce sentiment particulier, je savais que c'était la place où je devais être et la direction que je devais prendre. Ça faisait tellement de bien d'être à nouveau sur une patinoire. J'y avais été toute ma vie. Je me sentais revivre. J'ai alors pris la décision de délaisser mon travail à la télévision et de me concentrer sur mon nouvel emploi à temps plein. »
Voici cinq questions avec… Barbara Underhill.
Comment se sont déroulés les premiers entraînements et quand l'appel de la LNH est-il survenu?
« Je me suis lancée [dans le projet en 2006] et j'ai commencé à travailler avec plusieurs joueurs de l'équipe de Guelph. Mon objectif était simplement de les aider et d'apprendre mon nouveau métier. C'est évidemment très différent avec des lames de patins artistiques qu'avec des lames de patins de hockey. Jouer un match est aussi bien différent. Il y avait plusieurs éléments à prendre en considération, et je me suis en quelque sorte immergée, devenu obsédée par l'idée de tout comprendre.
« Pendant la première année, j'ai commencé à recevoir des appels d'équipes de la LNH. J'imagine qu'ils avaient vu les joueurs avec lesquels je travaillais, les résultats que j'obtenais. Je crois que le moment était bien choisi aussi. Je suis arrivée dans un temps où le patin devenait de plus en plus important au hockey, il devenait un des aspects les plus critiques. Mais ce qui est drôle, c'est que je n'ai jamais dit "Je veux devenir entraîneuse de patinage dans la LNH". C'est simplement arrivé. Quand vous aimez quelque chose et que vous en faites une passion, les portes s'ouvrent. »
Comment avez-vous développé un programme qui vous convenait?
« C'était par essai-erreur. Une journée, je suis revenue à la maison alors que mon mari avait participé à un tournoi de golf et il avait un vidéo qui montrait son élan en comparaison avec celui de Tiger Woods. On pouvait voir ce qu'il faisait de la mauvaise façon. Je n'oublierai jamais cela, car ç'a sonné une cloche pour moi, je me suis dit que je pourrais faire cela au hockey. C'était avant l'époque des iPads et ce genre de choses, alors j'ai dû me doter de ces grosses caméras et j'ai dit "Je peux faire des comparaisons avec les joueurs, mais je dois trouver mon Tiger Woods." Je savais à l'époque que [l'ancien attaquant de la LNH] Mike Gartner était reconnu comme un des meilleurs patineurs, il avait d'ailleurs remporté l'épreuve du plus rapide patineur au Concours d'habiletés [de la LNH en 1996]. Je l'ai appelé et je lui ai demandé si on pouvait le filmer en train de patiner. J'ai donc étudié ses mouvements. C'était tellement efficient et sans effort, tellement parfait et symétrique. Puis, j'ai obtenu un logiciel qui me permettait de télécharger des séquences de joueurs en mouvement, et de comparer les deux en les plaçant côte à côte aux mêmes angles. Je pouvais montrer le produit au joueur en lui disant "Regarde, voici ton coup de patin par rapport à celui de Gartner. Regarde comment ses genoux travaillent sous ses hanches, les tiens s'élargissent trop". Ce fut l'élément le plus important parce que, non seulement j'étais capable d'en apprendre, mais les joueurs étaient en mesure d'avoir un aspect visuel. Lorsqu'ils le voient, ils peuvent le mettre en pratique et mieux comprendre.
« Ma technique a évolué pendant 10 ans, et j'apprends encore même aujourd'hui. Je fais les choses un peu différemment qu'au début, car j'apprends des joueurs chaque jour. Je veux continuer à apprendre et à m'améliorer, trouver des approches différentes, penser plus large. Pour moi, chaque joueur représente un casse-tête. J'aime essayer de tout comprendre, d'assembler les pièces. Quand tu bouges, tout doit être fluide, toutes tes articulations doivent bouger. S'il y en a une qui est coincée, ton épaule par exemple, tout le reste est chamboulé. Alors on travaille pour que tout soit synchronisé et sur ce qui doit être fait. »
Qu'est-ce que ça vous fait de voir les joueurs mettre vos leçons en application?
« C'est la partie la plus plaisante de mon travail. Quand je vois un joueur s'améliorer, quand je vois un joueur atteindre la prochaine étape, quand je vois un joueur disputer son premier match dans la LNH et qu'il me texte par la suite pour me remercier, je ne suis qu'un petit morceau du casse-tête. Il y a tellement d'autres personnes; c'est un village entier qui tente de passer au prochain niveau. Mais c'est gratifiant parce que je passe tellement de temps seul à seul avec ces gars-là. Souvent, je passe du temps avec des joueurs qui reviennent de blessures. Je les vois dans un état très vulnérable. J'apprends à connaître le joueur et je crois que c'est le meilleur sentiment de le voir atteindre la prochaine étape, sachant que vous y êtes pour quelque chose. Quand je pense à ma carrière de patinage artistique, je pense au nombre de personnes que ç'a pris pour nous permettre de nous rendre au sommet, vous savez? C'est fou de penser aux gens qui vous ont appuyés et sans qui vous n'auriez pas pu faire bonne figure. J'ai été chanceuse de pouvoir compter sur une équipe formidable et c'est super de me retrouver de l'autre côté de la médaille aujourd'hui. Une fois de temps en temps, vous voyez le rêve d'un jeune se réaliser, c'est fantastique. »
Avec combien de joueurs travaillez-vous et quelle est la durée de vos entraînements?
« Il n'y a pas vraiment de chiffres précis (pour les joueurs). Il y en a beaucoup, parfois trop. C'est dommage, car je veux aider tout le monde. Mais vous ne pouvez être sur la glace que quelques heures par jour. Ce que je fais demande beaucoup d'efforts physiques. Je ne veux pas me tenir sur le banc et simplement regarder. Je dois participer, je dois être impliquée physiquement, et c'est ce que j'aime par-dessus tout, le fait de pouvoir encore patiner, c'est ma vie. C'est plutôt génial de pouvoir encore faire ce que j'aime. J'adore l'aspect physique, alors quand j'en arriverai au point où mon corps ne suivra plus, je trouverai un nouveau rôle. Ce sera difficile pour moi. Donc, je tente de me maintenir en forme du mieux que je le peux.
« [Le temps des entraînements] diffère, mais généralement je travaille avec un joueur pendant 45-60 minutes durant l'été. Durant la saison, particulièrement s'il joue des matchs, je vais diminuer la séance à 25 ou 30 minutes. Je travaille pour Tampa comme pour Toronto, alors je voyage à Syracuse, le club-école [du Lightning], et à Tampa Bay également. Il y a des moments hors de l'ordinaire où je rends visite à un espoir, mais la majorité du temps, je suis à Toronto. »
Nous venons de célébrer le Mois de l'égalité des sexes. Qu'est-ce que ça représente pour vous?
« Avant que je m'implique dans le hockey, je n'avais jamais rêvé ou même pensé à devenir une entraîneuse de patinage dans la LNH. Ce n'était pas une question de genre. Quand j'ai eu le poste, c'était une question d'expertise; je possédais l'expertise dont ils avaient besoin. Personnellement, je n'ai jamais considéré qu'être une femme me mettait des bâtons dans les roues. Je n'ai jamais considéré qu'il y avait des barrières dans ma vie. Peut-être que je devrais remercier mes parents; je dois remercier mon sport, car il m'a permis de pourchasser ce que je voulais pourchasser. L'autre chose est que j'ai rapidement appris que les échecs amènent du positif. Je n'avais pas peur (de mon nouvel emploi) parce que j'ai échoué tellement de fois dans ma carrière de patinage que je savais qu'il y a toujours des leçons à en tirer. Je me souviens d'être arrivée dans cette chambre remplie d'hommes, de directeurs généraux et de hauts placés. Je suis entrée et je leur ai démontré ce que je pouvais faire. Je n'ai pas eu le sentiment de ne pas être à ma place, car je savais pertinemment que je possédais l'expertise qu'ils recherchaient. Si vous avez confiance en vos moyens, il ne devrait pas y avoir de barrière quant aux genres.
« Ceci étant dit, les choses ont changé drastiquement depuis mon arrivée dans la LNH. Aujourd'hui, quand je me rends à la patinoire, il y a plein de femmes avec qui je travaille au quotidien, ce qui est vraiment génial. J'adore ça, car j'ai l'impression qu'on peut amener quelque chose. Pour moi, il n'a jamais été question que ce ne soit qu'un monde de gars. Je suis arrivée en sachant ce que je faisais. Mais c'est fantastique de voir maintenant de jeunes filles et de jeunes garçons réaliser que tout est possible. Je veux que les jeunes sachent qu'il ne faut pas penser qu'il y a des barrières. Faites seulement ce que vous aimez et laissez les choses aller. Mais vous devez aimer ce que vous faites. Soyez à l'affût chaque jour et devenez meilleur encore dans ce que vous faites, et les portes s'ouvriront devant vous. »