NHL.com publie « Cinq questions avec… » tous les mardis. On y discute avec des acteurs clés du monde du hockey et on revient sur leur carrière.
La plus récente édition met en vedette Jacques Caron, l'ancien entraîneur des gardiens des Devils du New Jersey.
Cinq questions avec… Jacques Caron
L'ancien entraîneur des gardiens des Devils discute de son travail avec Brodeur et de ce qui a fait de lui l'un des grands de l'histoire de la LNH
© Len Redkoles/Getty Images
Jacques Caron se souviendra toujours de ses échanges amicaux avec Yogi Berra, qui a été admis au Temple de la renommée du baseball.
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« Yogi était mon meilleur ami et nous discutions de plusieurs sujets, dont l'aspect mental dans le sport », a raconté Caron, l'ancien gardien de la LNH ayant longtemps été l'entraîneur des gardiens des Devils du New Jersey.
« Yogi disait être en mesure de s'imaginer frapper la balle avant même qu'elle atteigne le marbre, et ce, peu importe le type de lancer. C'était instinctif », s'est remémoré Caron au sujet du défunt receveur des Yankees de New York. « Il savait qu'il allait pouvoir frapper la balle, car son subconscient le lui disait. C'est comme un gardien. Si je suis positionné et que je sais que je vais faire l'arrêt, la position du tireur ne change rien. Dans ma tête, je vais arrêter la rondelle. »
L'homme de 79 ans a expliqué que c'est justement cet instinct qui a permis au gardien Martin Brodeur, qui a été admis au Temple de la renommée du hockey, d'exceller à sa position pendant aussi longtemps. Brodeur a joué pendant 22 saisons avec les Devils et les Blues de St. Louis avant d'annoncer sa retraite le 15 janvier 2015, à l'âge de 42 ans. Il a remporté la Coupe Stanley trois fois (1995, 2000, 2003) et établi une multitude de records dans la LNH chez les gardiens durant ses 21 saisons avec les Devils et Caron comme mentor.
Caron s'est joint aux Devils au mois d'août 1993, juste à temps pour la saison recrue de Brodeur et il a été entraîneur des gardiens là-bas pendant 20 saisons. Les Maple Leafs de Toronto lui ont également confié une affectation spéciale entre février 2017 et juin 2018.
La carrière professionnelle de Caron s'est amorcée en 1959-60 et a duré 18 ans, alors qu'il a évolué pour les Kings de Los Angeles, les Blues et les Canucks de Vancouver de 1967-68 à 1973-74.
Voici cinq questions avec… Jacques Caron :
Que faut-il pour être un bon entraîneur des gardiens?
« Ça prend un bon gardien à diriger. À ma première année avec les Devils, j'ai vu Marty jouer avec Utica, dans la Ligue américaine de hockey (LAH), car le hasard a fait que j'étais à Binghamton en réadaptation après un accident de voiture. On voyait le potentiel, mais Marty se compliquait la tâche. Si tu essaies trop, c'est comme ne pas en faire assez, et tu n'es pas assez patient. Il adoptait un style papillon et il avait des problèmes avec ses deux genoux (en raison de deux opérations). Je lui ai dit que s'il voulait jouer longtemps, nous allions devoir modifier son style. Il a accepté sans broncher. Il n'a rien remis en question, et nous avons commencé à faire plusieurs exercices de mobilité pour lui permettre d'apprendre à être patient et à suivre le rythme du jeu. »
© B Bennett/Getty Images
As-tu consulté Tony Esposito, l'un des pionniers du style papillon, avant de devenir entraîneur des gardiens des Devils en 1993?
« Tony était l'un de mes meilleurs amis. Il était tellement un bon gardien et un mentor pour plusieurs, donc je voulais connaître ses secrets. Au départ, il ne voulait rien me dire. Il me disait que c'était personnel. Je lui ai donc payé quelques bières de plus, puis je lui ai redemandé : "Tony, je vais être entraîneur des gardiens et je veux être le meilleur, donc je veux savoir ce qui t'a rendu meilleur." C'est à ce moment-là qu'il m'a parlé de sa théorie du segment de cinq minutes. Pourquoi pensez-vous que [Brodeur] a cumulé 125 blanchissages? C'est un record qui ne sera jamais battu. Pour être à ton mieux pendant 60 minutes, tu dois diviser un match par segments de cinq minutes lors desquels tu dois te sentir invincible. Tu dois le ressentir pour que lorsqu'un joueur s'amène devant toi, tu saches que tu ne peux pas être battu. C'est de cette façon que Marty retardait toujours le premier but. Cette mentalité l'a conduit à réussir des jeux blancs. Il retardait le but, puis le retardait encore et encore. »
As-tu reçu d'autres conseils de la part d'anciennes légendes de la LNH?
« Terry Sawchuk, avec qui j'ai joué à Los Angeles (1967-68), et mon ami Johnny Bower. Terry était le meilleur pour suivre la rondelle constamment. Pour ce faire, il m'a expliqué qu'il faut garder son bâton devant la rondelle en permanence pour suivre le rythme du jeu. Tu dois également t'assurer d'être bien positionné pour ne pas être trop profond devant ton filet. Johnny, évidemment, était le meilleur pour harponner la rondelle. J'ai pris part au même camp d'entraînement que Johnny à Toronto (dans la Ligue de hockey de l'Ontario). J'avais 17 ans. Il m'a dit : "Jacques, c'est très simple, tu dois toujours harponner avec le talon du bâton d'abord." J'ai dit à Marty que c'était la meilleure façon de faire. Tu ne peux pas considérer que tu es trop bon pour ne pas poser de questions si tu veux devenir le meilleur, car certains de ces joueurs étaient les meilleurs dans leur domaine. Tu prends un peu de leurs conseils et tu mets tout ça ensemble. Je pense que ç'a très bien fonctionné. »
Pourquoi Brodeur était-il si bon?
« Je pense que le plus bel atout de Marty était son amour du hockey. Il n'avait peur de rien, car il n'avait pas le temps d'avoir peur. Il aimait tellement le hockey qu'il ne s'en lassait jamais. Tu pouvais lui donner un conseil et il allait y croire, puis l'appliquer, et on pouvait voir l'amélioration dans son jeu. Marty est le gardien le plus complet que j'ai vu à l'œuvre. Il était bon pour passer la rondelle. Combien de gardiens avez-vous vus inscrire des buts en séries éliminatoires de la Coupe Stanley? J'ai été chanceux de le rencontrer et de pouvoir travailler avec lui. »
Travaillez-vous sur certains projets pour demeurer actif?
« J'écris un livre sur ma vie et sur le côté mental du hockey. [Brodeur] va écrire la préface, donc ça m'a gardé occupé au cours de la dernière année. Ils disent que c'est facile d'écrire un livre, mais pas du tout. Nous avons tous l'histoire de notre vie à raconter, mais il faut le faire pour une raison spécifique, et la mienne est de continuer à aider les jeunes gardiens. Ce n'est pas pour faire de l'argent. J'ai gardé contact avec quelques gardiens dans la LNH, comme Keith Kinkaid, Scott Wedgewood, Frederik Andersen, et bien sûr, je parle encore à Scott Clemmensen, qui est entraîneur des gardiens à Binghamton, [dans la Ligue américaine de hockey]. J'aime aider les autres, et je trouvais que je pouvais atteindre encore plus de gens en écrivant un livre. J'aimerais que ce soit fait avant la saison prochaine, pour avoir le temps de le réviser. Ils veulent que je parle un peu plus de ma vie personnelle. »
Question bonus : Avez-vous déjà eu l'occasion de discuter de la position de gardien avec Dominik Hasek?
« Oui, bien sûr. Je me rappelle que Dom m'avait dit : "Jacques, il faut que tu sois en contrôle." Si tu n'es pas en contrôle, tu ne sauras pas comment réagir, car tu te concentres sur ce que le joueur devant toi va faire. Le truc est de forcer le joueur à faire ce que tu veux, plutôt que le contraire. C'est la raison pour laquelle Dominik Hasek était si bon. J'ai dit la même chose à Marty. Face à un joueur en échappée ou lors d'un tir de punition, le principe est le même. Quand le joueur fonce vers toi et s'arrête avant de tirer, tu t'arrêtes toi aussi au sommet de ton demi-cercle. Les joueurs font habituellement une feinte et tu peux les suivre, car tu es en contrôle et tu n'es pas pris au dépourvu. Arrête-toi, sois agressif, déplace-toi du bon côté et harponne la rondelle. Certains gardiens le font et ont beaucoup de succès. »