Au cours de sa jeunesse, Kim St-Pierre s'émerveillait devant le désir de vaincre de Patrick Roy, l'un des plus grands de l'histoire. Elle n'aurait toutefois pu imaginer, même dans ses rêves les plus fous, qu'elle irait le rejoindre un jour au Temple de la renommée.
Ce sera pourtant le cas lundi, 15 ans après l'intronisation de Roy, alors que St-Pierre sera admise à titre de membre de la cuvée 2020.
La confiance de Kim St-Pierre l'a menée au Temple de la renommée
La gardienne, membre de la cuvée 2020, a remporté l'or trois fois aux Jeux olympiques ainsi que le Championnat du monde à cinq reprises avec le Canada
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En raison de la pandémie de la COVID-19, St-Pierre a dû attendre presque 17 mois avant de finalement se voir ouvrir les portes du Temple, et non cinq comme c'est habituellement le cas, puisqu'elle a reçu l'appel de Lanny MacDonald, président du Temple de la renommée, en juin 2020.
« J'ai simplement pu célébrer pendant plus longtemps, a philosophé St-Pierre en riant. Jusqu'ici, j'avais peut-être un peu de difficulté à croire que ça arrivait pour vrai. »
St-Pierre sera accompagnée de 30 membres de sa famille et amis proches qu'elle s'est faits tout au long de sa vie, avec en tête de lice son mari, Lenny Jo Goudreau, leurs fils, Liam et Ayden, ses parents, André et Louise, et ses frères, Yan et Karl.
« Je ne sais pas à quoi m'attendre », a admis St-Pierre au sujet des festivités qui auront lieu à Toronto. « Ils m'ont dit que ce serait une grande fin de semaine, mais je n'ai jamais été à une intronisation. Je n'ai pas mis les pieds au Temple de la renommée depuis 2001 ou 2002. J'ai hâte de pouvoir le faire visiter à mes fils. »
St-Pierre devient la huitième femme à être élue au Temple, et la première gardienne. C'est approprié, puisqu'elle a elle-même été une pionnière dans un sport qu'elle a commencé à pratiquer à l'âge de huit ans dans sa ville natale de Saint-Jean-sur-Richelieu, à une quarantaine de kilomètres au sud de Montréal. Elle a disputé sa première dizaine de saisons au sein d'équipes de garçons, à une époque où les occasions pour les jeunes joueuses étaient presque inexistantes.
St-Pierre allait cependant devenir une triple médaillée d'or olympique pour le Canada, en plus de participer neuf fois au Championnat du monde féminin de la FIHG, le remportant cinq fois et terminant au deuxième rang les autres fois. En 13 ans avec l'équipe nationale, elle a conservé une moyenne de buts alloués de 1,17 et un pourcentage d'arrêts de ,939.
Elle a aussi connu une brillante carrière dans les rangs universitaires à l'Université McGill à Montréal où elle a décroché un baccalauréat en kinésiologie. St-Pierre a presque à elle seule redressé le programme de hockey féminin de McGill au cours de son passage entre 1998 et 2004. Elle a fait l'impasse sur la saison 2001-02 afin de faire partie de l'équipe olympique. Elle a aussi brièvement évolué avec l'équipe masculine de McGill à sa dernière saison en 2003-04.
Deux fois championne de la Coupe Clarkson avec les Stars de Montréal de la défunte Ligue canadienne de hockey féminin, St-Pierre a même affronté les tirs des joueurs des Canadiens de Montréal au cours d'un entraînement en octobre 2008, en remplacement de Carey Price, ennuyé par la grippe, tandis que Jaroslav Halak se trouvait dans l'autre filet.
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« Je n'avais pas peur parce que j'étais vraiment concentrée, a mentionné St-Pierre à l'époque. Je n'ai pas la chance de m'entraîner avec les Canadiens chaque jour. J'ai rêvé de jouer un jour dans la LNH. Je sais aujourd'hui que ce n'est pas possible, mais le simple fait de pouvoir m'entraîner avec eux représente une expérience que je vais chérir. »
Guy Carbonneau, qui a dirigé les Canadiens entre 2006 et 2009, a fait partie de ceux qui ont été impressionnés.
« Elle a été excellente, a affirmé Carbonneau. J'ai trouvé qu'elle s'est très bien tirée d'affaire. Je ne pense pas que nos joueurs ont enlevé de la vélocité à leurs lancers. Ils l'ont mise à l'épreuve et elle a tenu son bout. C'était plaisant à voir. »
St-Pierre a été élue joueuse la plus utile, meilleure gardienne et membre de l'équipe d'étoiles à presque tous les niveaux auxquels elle a évolué depuis qu'elle a enfilé les jambières pour la première fois. Bientôt, sa plaque commémorative sera exposée dans le Grand hall Esso du Temple de la renommée, aux côtés de celles de nombreuses autres légendes du hockey.
St-Pierre et Roy ont plus en commun que l'endroit où sera exposée leur plaque dans cette salle historique, assure Caroline Ouellette, une ancienne coéquipière de St-Pierre et l'une de ses meilleures amies.
Parmi les histoires les plus célèbres à son sujet, Roy a un jour dit à ses coéquipiers des Canadiens de marquer un seul but, et qu'il allait leur donner la victoire. Ouellette, quatre fois championne olympique qui a remporté l'or avec St-Pierre en 2002, 2006 et 2010, se souvient que son amie avait volé ce truc au gardien qui a soulevé la Coupe Stanley à quatre reprises.
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« Kim nous a dit que tout ce dont elle avait besoin, c'était un but, a raconté Ouellette. C'était peut-être une blague, mais elle avait tenu parole.
« L'une des choses qui distinguaient vraiment Kim des autres était sa capacité à naviguer sur la mince ligne entre l'arrogance et la confiance. Si vous étiez dans son équipe, vous ressentiez une telle confiance, parce que vous saviez qu'elle allait réaliser tous les arrêts. Et lorsque vous l'affrontiez, elle semblait faire tous les arrêts avec une facilité déconcertante.
« Elle me rappelait Patrick Roy de tellement de manières, notamment lorsqu'elle rajoutait de la moutarde sur ses arrêts de temps à autre. Ça nous donnait de la liberté et de la confiance pour nous porter en attaque pour marquer, parce que nous savions qu'elle allait être intraitable derrière nous. »
Comme tous les pionniers, St-Pierre n'a pas eu le chemin facile. Elle a déménagé à Chateauguay, en banlieue de Montréal, quand elle avait 10 ans, et elle a dû faire face aux critiques de parents qui disaient qu'elle volait la place d'un garçon sur l'équipe masculine avec laquelle elle jouait. Sans oublier les moqueries de ses adversaires.
« Ils ne voulaient pas perdre contre une fille, a-t-elle expliqué. Je n'ai jamais rien pris personnel. »
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St-Pierre ne s'est jamais considéré comme une pionnière, mais tout simplement une gardienne enthousiaste désirant jouer au plus haut niveau de hockey possible, peu importe le genre de ses coéquipiers.
Elle avait les gênes d'une sportive. Son père, André, a évolué comme défenseur dans la Ligue centrale de hockey, lui qui a été repêché par les Rangers de New York en quatrième ronde (53e) du repêchage de 1970, mais qui n'a jamais pu atteindre la LNH. La mère de St-Pierre, Louise, était une enseignante d'éducation physique et une triathlète.
Le hockey n'était qu'une facette de la vie de la jeune Kim. Elle était une excellente gymnaste, en plus de pratiquer la natation, le soccer, le tennis et le softball. Dans chacune des disciplines, elle aurait probablement pu devenir une athlète d'élite. Mais c'est d'être gardienne de but qui l'intéressait, et elle s'y est dédié sans compromis.
Elle a commencé à jouer au hockey pour passer du temps avec ses frères sur la patinoire dans la cour derrière chez elle, et lorsqu'elle a décidé d'enfiler les jambières, son père a décidé d'en apprendre plus sur la position et a passé des heures à l'entraîner.
« Il a toujours été très très calme, tout comme ma mère. Je suis certain qu'ils étaient stressés de me voir jouer, mais je ne l'ai jamais ressenti. Ils se sont toujours assuré que ce soit amusant pour moi et que j'aimais mon expérience. L'association de hockey de Chateauguay a été géniale avec moi et mes coéquipiers m'ont protégé comme s'ils étaient mes frères. Ils m'ont fait sentir que j'avais ma place. »
St-Pierre a fait face à beaucoup d'adversité, dont être retranché quatre fois pour l'équipe québécoise de hockey féminin. À l'âge de 18 ans, elle croyait que sa carrière était terminée jusqu'à ce que le téléphone sonne. Le directeur général du programme féminin de l'Université McGill Dan Madden l'invitait à se joindre à l'équipe.
Mais comme elle ne parlait pratiquement pas l'anglais, et qu'elle ne connaissait personne à McGill, ce fut difficile de la convaincre. Mais elle a finalement accepté l'offre et elle est devenue la vedette de l'équipe, alors qu'elle a inscrit 60 records et a été élue joueuse la plus utile à quatre occasions. C'est à cet endroit qu'elle a rencontré son futur mari, mais aussi sa meilleure amie, Amey Doyle, qui était son adjointe devant le filet.
En raison de ses succès à McGill, St-Pierre a rapidement retenu l'attention de l'entraîneuse de l'équipe canadienne de hockey féminin Danièle Sauvageau, et c'est à ce moment que sa carrière internationale a pris son envol.
La première médaille d'or olympique de St-Pierre, gagnée lors des Jeux de Salt Lake City en 2002, est probablement le plus grand moment de sa carrière. Le Canada venait de perdre huit matchs consécutifs contre les États-Unis, grandement favorites, et durant la finale, le Canada a écopé de 13 pénalités.
Mais St-Pierre, avec dans le dos le numéro 33 de son idole, a effectué 25 arrêts pour aider le Canada à signer un gain de 3-2.
« Kim a été notre roc, a souligné Ouellette. Elle était intimidante devant le filet. Tu savais que ce serait difficile de marquer, et je pense que les Américaines l'ont ressenti. Ç'a joué dans leur tête parce qu'elle était un mur.
« Kim était assurément une excellente gardienne, la meilleure avec qui j'ai joué, mais elle est une encore meilleure personne. Si vous demandez à n'importe quelle personne qui la connaît, elle vous parlera immédiatement de sa gentillesse et sa conscience d'autrui.
« Toutes ses coéquipières l'adoraient, ce qui est très rare. Elle a une personnalité dévouée et généreuse envers les autres. Je l'ai déjà vu quitter le but alors qu'on avait l'avance juste pour que son adjointe puisse jouer et qu'elles se partagent le blanchissage. »
St-Pierre demeure un modèle pour les jeunes filles et garçons. Un rôle dont elle est fière, elle qui fait du bénévolat au Québec, où elle a vu de grandes joueuses comme France St-Louis, Danielle Goyette et Thérèse Brisson ouvrir la voie avant elle.
Elle se souvient aussi d'avoir été inspirée par Manon Rhéaume, qui a remporté deux fois le Championnat mondial de hockey féminin devant le filet du Canada, en plus de disputer des matchs préparatoires avec le Lightning de Tampa Bay en 1992 et 1993.
Dans la vie de tous les jours, St-Pierre est gestionnaire du développement des affaires pour BOKS Canada, un organisme à but non lucratif qui, à l'aide de volontaires et de partenaires corporatifs, travaille avec les écoles à travers le pays afin de créer des programmes qui font la promotion de l'activité physique chez les enfants.
Elle travaille aussi pour la chaîne de télévision RDS avec Sauvageau, et elle fait une apparition une fois par semaine lors d'une émission dédiée au hockey. D'autres opportunités pourraient se présenter.
« Je vois les Tessa Bonhomme, Cassie Campbell, Jennifer Botterill et Cheryl Pounder qui couvrent le hockey à la télé », a-t-elle lancé à propos de ses anciennes coéquipières. « C'est génial de voir plus de femmes. »
Alors que le grand moment où elle fera son entrée au Temple de la renommée approche, St-Pierre se souvient de tout ce qu'elle a appris sur elle-même durant ce périple glorieux, dont l'importance d'être une bonne coéquipière, autant sur la glace qu'à l'extérieur.
« La confiance, c'est énormément important. Si tu n'as pas confiance en toi, c'est vraiment difficile de l'obtenir de tes entraîneurs ou tes coéquipiers. Ça doit venir de toi.
« Dans le hockey et dans la vie, tout est une question de préparation et de confiance. Si tu n'es pas prêt à sauter sur la glace, si tu n'as pas travaillé assez fort dans au gym et que tu n'es pas mentalement prêt, prêt à jouer, alors tu n'es pas préparé. C'est quelque chose que j'ai apporté avec moi dans ma vie professionnelle. Si j'ai une réunion ou une conférence et que je n'ai pas une bonne préparation, tout est stressant et ta confiance fait défaut. C'est ce que le hockey m'a appris. »
À son image, St-Pierre était en pleine écriture de son discours d'intronisation, deux semaines avant la cérémonie.
« Je réalise que c'est vrai et c'est excitant. J'ai vraiment hâte d'être sur place! »
Crédit photo:Temple de la renommée du hockey; Kim St-Pierre; Getty Images; McGill Athletics