Lafleur aide d'autres patients atteints du cancer
La légende des Canadiens a profité d'une journée avec la Coupe, et tente de profiter au maximum du « temps qu'il a emprunté »
La légende des Canadiens de Montréal a passé du temps avec le précieux trophée dans des événements mondains comme dans des rencontres informelles avec différents leaders, qu'ils proviennent d'entreprises ou d'équipes de hockey peewee, à des banquets huppés sous le toit de cathédrales ou à des festivités extérieures sous le vinyle de tentes où le menu est essentiellement composé de hot dogs et de hamburgers.
Dimanche dernier, sous un ciel sans nuage, Lafleur a reçu la Coupe Stanley à son domicile en banlieue de Montréal, et jamais le Saint-Graal du hockey n'a eu autant d'importance pour lui. Jamais ce trophée n'a semblé plus étincelant, et jamais sa signification sur le plan personnel ne l'a jamais frappé de manière aussi forte.
Toutes les trois semaines depuis le mois de janvier, l'ancienne gloire des Canadiens âgée de 69 ans se présente à un hôpital montréalais afin de soumettre à une séance de traitement contre le cancer - 10 minutes de chimiothérapie suivies de 30 minutes d'immunothérapie. La veille, il doit subir un test sanguin afin de se préparer pour la séance du lendemain.
Pendant un moment, il s'est également soumis à une radiothérapie, puisque le cancer s'était propagé de ses poumons à ses côtes. Il affirme que les médecins sont satisfaits de la manière dont il a répondu à ce traitement agressif.
Lafleur ne sait jamais comment il va réagir à la chimiothérapie et à l'immunothérapie, des séances qui vont se dérouler toutes les trois semaines pendant encore 18mois dans le cadre d'un programme de deux ans, en plus de se soumettre à des examens de tomodensitométrie aux huit semaines.
Au début, il sortait de ces séances complètement épuisé, et devait dormir de 18 à 20 heures le lendemain. Il a indiqué avec soulagement que l'impact sur son corps avait été moins grand au cours des derniers traitements.
Son parcours a été particulièrement difficile depuis septembre 2019, alors qu'un examen de routine a révélé que Lafleur avait quatre artères coronaires presque complètement bloquées. Un cancer des poumons a été détecté au cours de son pontage d'urgence, mais il a fallu attendre deux mois avant qu'il soit suffisamment remis pour que les chirurgiens puissent lui enlever le tiers de son poumon droit.
Lafleur se trouvait sur la route de la guérison quelques mois plus tard, et il recommençait à effectuer des apparitions en public, mais le cancer a refait surface en octobre dernier. Les traitements de radiothérapie, chimiothérapie et immunothérapie font partie de sa vie depuis le mois de janvier.
En raison de son système immunitaire compromis et de la pandémie de COVID-19, Lafleur a fait bien attention de ne pas trop souvent se retrouver en public. Graduellement, il recommence à faire non seulement ce qu'il aime, mais aussi ce qu'il considère être sa responsabilité.
« Je m'ennuie de pouvoir faire ce que je fais de mieux - des promotions, des rencontres avec les partisans, aller à des réceptions, des événements caritatifs pour amasser des fonds pour d'autres », a-t-il expliqué, lui qui suit l'exemple incroyable donné par son ami et idole, le regretté Jean Béliveau, le plus grand capitaine de l'histoire des Canadiens. « C'est ce que j'ai fait toute ma vie. C'est ce dont je m'ennuie. Je ne veux pas rester à la maison et regarder les murs. »
Lafleur avait subi son huitième traitement quelques jours avant l'arrivée de la Coupe Stanley à son domicile dimanche. Il s'agissait de la première fois qu'il avait le trophée à lui tout seul, du moins légalement.
En 1978, alors que les Canadiens célébraient leur troisième conquête de quatre consécutives (et le quatrième championnat de cinq pour Lafleur au cours de sa carrière), Lafleur a élaboré un plan détaillé afin de s'emparer du trophée qui se trouvait dans le coffre de la voiture du directeur des relations publiques Claude Mouton, stationnée à l'extérieure de la taverne montréalaise qui appartenait à la légende de l'équipe Henri Richard. Il a ensuite apporté le trophée à Thurso, au grand plaisir des habitants de sa ville natale, puis dans la cour de son domicile en banlieue de Montréal.
Ces événements se sont produits 15 ans avant que ne soit instaurée la tradition d'accorder à chaque joueur de l'équipe gagnante une journée avec le trophée.
Il y a environ dix ans, la Coupe et les autres trophées individuels remportés par Lafleur au cours de sa carrière qui l'a mené au Temple de la renommée du hockey ont fait une apparition discrète dans son restaurant au nord de Montréal.
Les quelques heures qu'il a passées avec la Coupe Stanley dimanche ont toutefois représenté la première occasion pour Lafleur de véritablement partager la plus grande récompense du monde du hockey avec les membres de sa famille, qu'il considère comme ses piliers : son épouse, Lise; son fils Martin et son épouse, Angelica; son fils Mark et sa copine, Natacha; ainsi que la fille de 3 ans de Martin et Angelica, Sienna Rose, la seule petite fille de Lafleur.
« La famille d'un joueur ne reçoit pas le crédit qu'elle devrait recevoir », a déclaré Lafleur, qui a souligné que cette visite de la Coupe alors qu'il livre une bataille contre le cancer est davantage pour sa famille et pour les autres que pour lui-même. « Et Sienna Rose aura désormais, et pour toujours, une photo d'elle avec la Coupe Stanley. »
Lafleur s'est fait offrir une journée avec la Coupe à l'été 2005, alors que la saison 2004-05 de la LNH a été annulée en raison d'un conflit de travail. Plusieurs anciens joueurs qui n'avaient jamais eu cette chance ont bien profité de cette occasion, mais Lafleur a refusé, expliquant à Philip Pritchard, conservateur du Temple de la renommée aussi connu sous le pseudonyme de « Gardien de la Coupe », que des joueurs plus vieux que lui devraient avoir cette chance en premier, et que son tour viendrait.
Seize ans plus tard, son tour est bel et bien arrivé. Son ami de longue date Donnie Cape a organisé cette journée en communiquant avec le directeur de l'Association des anciens joueurs de la LNH Glenn Healy et avec Pritchard, tout en obtenant un coup de pouce de la part de la LNH.
Dans le cadre de cette visite, la Coupe Stanley, après avoir passé du temps au domicile de Lafleur, s'est déplacée pendant deux heures chez un concessionnaire Mercedes-Benz des environs. Il s'agissait d'un événement destiné à promouvoir une collecte de fonds pour le Fonds Guy Lafleur, une campagne qui vise à amasser des fonds pour la recherche pour le cancer qui a été mise sur pied en mars avec le Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM), où il subit ses traitements.
Des dizaines de personnes se sont présentées à cet événement privé qui a été conçu afin que les gens puissent se faire photographier en toute sécurité avec la Coupe Stanley et Lafleur, qui est pleinement vacciné contre la COVID-19. D'ici le 1er novembre, le Groupe Dilawri souhaite faire un don entre 50 000 $ et 100 000 $ à ce fonds, en fonction de la vente de ses véhicules neufs parmi ses 10 concessionnaires au Québec.
Ce qui n'était pas prévu lorsque la visite de la Coupe a été planifiée, c'est que les Canadiens allaient accueillir les Jets de Winnipeg ce soir-là pour le match no 3 de la deuxième ronde des séries éliminatoires de la Coupe Stanley.
Biens conscients que les équipes superstitieuses ne peuvent concevoir que le trophée soit même présent dans leur ville au cours des séries éliminatoires, Pritchard et son collègue du Temple de la renommée Mario Della-Savia ont remis le trophée dans son coffre et lui ont fait traverser la frontière avec l'Ontario, en route vers Toronto, 90 minutes avant le début de la rencontre. Lafleur a rejoint Yvan Cournoyer et Réjean Houle, ambassadeurs des Canadiens comme lui, dans une loge du Centre Bell pour assister à la victoire de 5-1 de Montréal.
La présence de Lafleur dans l'amphithéâtre a été soulignée sur l'écran géant, et les 2500 partisans présents dans les gradins, dont une forte proportion l'adule toujours 36 ans après son dernier match avec les Canadiens lui ont donné une ovation monstre. Il a été l'un des joueurs les plus électrisants de sa génération, et aucun autre joueur depuis Lafleur n'a fait sauter les partisans des Canadiens de leur siège comme il a pu le faire en marquant des buts après avoir traversé la patinoire d'un bout à l'autre.
Après avoir brillé offensivement dans les rangs juniors avec les Remparts de Québec, Lafleur a été sélectionné au tout premier rang par les Canadiens au Repêchage de la LNH 1971, qui a eu lieu à Montréal il y a 50 ans exactement jeudi.
« Je regarde des images de cette journée, les vêtements que je portais, et je suis simplement soulagé de voir que tout le monde s'habillait ainsi », a-t-il lancé en riant.
Lafleur a inscrit 518 buts, ce qui lui vaut le deuxième rang de l'histoire de l'équipe derrière les 544 filets de Maurice « Rocket » Richard, entre 1971-72 et 1984-85, et ses 1246 points font de lui le joueur le plus prolifique à avoir porté l'uniforme du Tricolore. Il a ajouté 107 points (42 buts, 65 passes) avec les Rangers de New York et les Nordiques de Québec entre 1988 et 1991, lui qui est revenu dans la LNH à la suite d'une retraite de quatre ans, et après avoir été intronisé au Temple de la renommée en 1988.
L'attaquant a remporté le trophée Art Ross à titre de meilleur pointeur de la LNH et le trophée Ted Lindsay, remis au joueur par excellence de la ligue à la suite d'un scrutin mené auprès des membres de l'Association des joueurs de la LNH, en 1976, 1977 et 1978. Il a aussi reçu le trophée Hart, remis au joueur le plus utile de la LNH, en 1977 et 1978, ainsi que le trophée Conn-Smythe, à titre de joueur par excellence des séries éliminatoires, en 1977.
Encore aujourd'hui, Lafleur est, à juste titre, très fier de son « vol » de la Coupe en 1978. Il mentionne que son premier championnat, en 1973, est peut-être le plus spécial de tous, puisqu'il se rappelle avoir entendu ses coéquipiers lui dire que c'est seulement après avoir gagné ce trophée qu'un joueur peut véritablement comprendre à quel point ce moment est magique.
Il a aussi raconté en riant ce qui s'est passé sur le vol du retour en provenance de Chicago à la suite de cette première conquête, alors qu'il a éjecté son coéquipier Claude Larose, dont la jambe était fracturée, de sa civière afin qu'il puisse s'en servir, lui qui s'était désaltéré au point d'être incapable de marcher.
Jamais, affirme Lafleur, il ne s'est lassé de la compagnie de cette coupe argentée, peu importe le nombre de fois qu'il l'a vue. Lorsqu'il est avec elle, il pense toujours à ses coéquipiers - à ceux qui sont encore parmi nous, et à ceux, trop nombreux, qui nous ont quittés.
« Lorsque vous avez la chance d'être avec la Coupe, ça fait ressurgir tellement de souvenirs, ça ravive la douleur que nous avons dû endurer pour la gagner, a-t-il poursuivi. Lorsque vous la remportez une fois, vous voulez la gagner à nouveau pour votre équipe, pour vos partisans, et pour vous-mêmes. Vous pensez aussi à tous les joueurs qui ont fait partie de notre équipe. C'est ce dont vous vous ennuyez le plus lorsque votre carrière prend fin, la famille que vous formez avec vos coéquipiers. »
La Coupe Stanley fera toujours partie de l'aura de Lafleur, et ce pour le reste de sa vie. Il se plonge dans une profonde introspection alors qu'il raconte à haute voix la manière dont sa propre situation l'a poussé à rencontrer des gens de tous âges qu'il voit livrer bataille courageusement contre la maladie. Il n'est pas inhabituel de le voir se présenter sans prévenir chez quelqu'un qui est, comme lui, atteint du cancer, quelqu'un qu'il ne connaît pas, afin de lui offrir quelques moments de joie.
« Le CHUM m'a demandé de créer un fonds, et j'étais heureux de le faire, a mentionné Lafleur. Ils ont besoin de tellement d'argent pour effectuer des recherches. Lorsque je vais là-bas toutes les trois semaines, il y a tellement de gens qui reçoivent des traitements. C'est incroyable… Je me demande souvent quand nous allons finir par trouver un remède contre le cancer, alors que nous sommes capables d'aller sur la Lune et sur Mars. La recherche est tellement importante. Le succès de celle-ci signifie que nous pouvons améliorer la vie des patients qui sont atteints du cancer.
« Notre présence sur cette Terre et ce que nous y faisons, c'est tellement minime. Individuellement, nous n'avons pas une grande importance. Comme on dit, j'écoule le temps que j'ai emprunté. »
Après avoir dit cela, Lafleur s'est interrompu, accablé par l'émotion. Il a finalement ajouté :
« C'est ce que je réalise, a-t-il poursuivi. Je tente d'aider les autres maintenant, mais ce n'est pas la même chose. Je veux en faire tellement, tellement plus, mais je ne peux pas. Cette maladie est trop répandue, et pas seulement chez les personnes âgées. Ça touche aussi de jeunes enfants. Je me souviens avoir travaillé pour amasser des fonds pour la recherche sur la leucémie quand j'ai commencé à jouer pour les Canadiens. Des enfants… je veux dire… pourquoi un enfant a le cancer?
« J'entends parler de tellement, tellement de gens qui sont atteints du cancer. J'ai effectué des appels vidéo et des appels téléphoniques, pas par le biais des Canadiens, mais avec des gens qui me connaissent ou qui ont réussi à trouver comment me parler. Des gens me demandent si je peux appeler une personne de leur connaissance. Je les encourage du mieux que je le peux. C'est important de le faire.
« En tant que joueurs, nous avons été adorés par les partisans. Je dois redonner à ces gens, puisque c'est eux qui m'ont permis de jouer, qui m'ont donné de l'énergie. Est-ce que je tire ma force d'eux en ce moment? Oui, c'est le cas. Est-ce que je leur donne de la force? Je l'espère, pour que nous soyons sur un pied d'égalité. »
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Crédit photos: HHoF Images; Connor McCollam; Getty Images; Guy Lafleur; Evelyn Cournoyer; Dave Stubbs