Notre chroniqueur Anthony Marcotte nous parle de l'actualité chez le Rocket de Laval, ainsi que dans l'ensemble de la Ligue américaine de hockey (LAH). Il permettra aux partisans de suivre assidûment ce qui se passe dans l'antichambre de la meilleure ligue de hockey au monde.
UTICA -Aider les gens a toujours fait partie du quotidien de Samuel Laberge. L'ancien capitaine de l'Océanic de Rimouski, qui évolue aujourd'hui avec les Comets d'Utica, le club-école des Devils du New Jersey, a notamment décroché à deux reprises le titre de joueur humanitaire de l'année au cours de son passage dans la LHJMQ.
Marcotte: La famille avant tout pour Samuel Laberge
L'attaquant des Comets d'Utica n'a pas hésité à mettre ses rêves en veilleuse quand son père a été frappé par le cancer
Aider son prochain vient donc naturellement pour le natif de Châteauguay, encore plus quand la famille est touchée directement par la maladie. Même si pour le faire, il doit mettre de côté ses propres rêves.
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À l'automne 2019, c'est avec des sentiments partagés qu'il mettait le cap vers Winnipeg afin de participer au camp du Moose du Manitoba dans la Ligue américaine en vertu d'un essai professionnel. Après deux saisons au sein du club-école des Stars de Dallas, Laberge obtenait une deuxième chance ailleurs afin de réaliser son rêve de jouer dans la LNH. Sauf qu'au cours des semaines précédentes, il avait appris une terrible nouvelle. Son père, Pierre, était atteint d'un cancer des os.
Laberge n'aura finalement passé que quelques jours au Manitoba. La tête ailleurs, le cœur n'y était tout simplement pas pour donner tout ce qu'il pouvait afin de se tailler un poste et d'y passer la saison. Le hockey étant une affaire de sacrifices, le fougueux attaquant ne se voyait pas demeurer là-bas dans ces conditions. L'appel de la maison était trop fort.
« Mes parents ont tout fait pour moi afin que je joue au hockey, alors je devais le leur redonner en prenant cette décision, a raconté Laberge. Ça peut arriver de devoir faire un pas de recul pour mieux avancer. Aujourd'hui, je n'ai aucun regret, tellement que je pense avoir pris la meilleure décision de ma vie. »
Le travail a toujours fait partie du quotidien de Laberge, autant dans la vie de tous les jours que sur la patinoire où chaque but compté l'a souvent été au pic et à la pelle. Un gars de caractère qui ne s'en laisse pas imposer, mais qui est aussi extrêmement apprécié de ses coéquipiers.
De nos jours, on peut compter sur les doigts d'une seule main les joueurs d'une équipe junior qui ont un emploi pendant la saison morte. La plupart habitent le domicile familial et se consacrent entièrement à l'entraînement pendant l'été. Ce n'était pas son cas.
« Samuel a toujours travaillé pendant qu'il jouait dans le junior », se rappelle Daniel Archambault, qui a rencontré Laberge alors que ce dernier s'entraînait à l'âge de 14-15 ans au gymnase de son ami Steve Bégin, un ancien coéquipier chez les Foreurs de Val-d'Or. « Je me souviens qu'il se levait très tôt le matin pour son entraînement, qu'il allait ensuite travailler dans un entrepôt de piscines, et il avait aussi un quart de travail à la Cage aux sports le soir. Sam, c'est un vrai de vrai, et il n'a jamais eu peur de travailler et de mettre tous les efforts pour réussir. »
Archambault, qui est aujourd'hui entraîneur adjoint des Éperviers de Sorel-Tracy dans la Ligue de hockey nord-américaine (LNAH), est devenu au fil du temps un confident pour le jeune Samuel. Il était donc bien au fait des problèmes de santé de Pierre Laberge et se doutait bien aussi que son fils était ébranlé par la situation. Quand Samuel a décidé de rentrer à la maison, un coup de fil s'imposait. Autant comme ami que comme homme de hockey.
« C'était bien certain qu'un gars comme Sam allait attirer l'attention de toutes les équipes de notre ligue, a souligné Archambault. Je me devais de lui offrir l'occasion de venir jouer à Sorel. Il allait devenir un joueur très important pour nous. Je ne voulais toutefois pas lui mettre de pression, car je savais qu'il avait d'autres priorités. »
« Plus de la moitié des équipes de la LNAH m'ont appelé pour m'embaucher, se souvient Laberge. Au début, je pensais vraiment mettre le hockey de côté. Le coup de fil de Dan est arrivé au bon moment et le fait que Sorel ne soit pas trop loin de la maison ne m'empêchait pas de faire ce qui m'avait au départ incité à abandonner le hockey : m'occuper de mon père. »
Laberge a donc accepté d'enfiler l'uniforme des Éperviers, avec lesquels il allait connaître une excellente saison de 29 points en 33 parties, avant qu'elle ne soit freinée par la pandémie de COVID-19. Il se félicite aujourd'hui d'avoir accepté de faire fi des préjugés défavorables envers la LNAH, un circuit beaucoup plus identifié aux poings qu'aux points à travers les années.
« Je ne serais pas ici aujourd'hui si ce n'était pas de la LNAH, tranche-t-il. C'est une excellente ligue dont le calibre a beaucoup augmenté depuis quelques années. J'ai eu beaucoup de fun, et l'opportunité que les Éperviers m'ont donnée m'a vraiment donné le goût de rejouer au hockey. J'ai pu passer du temps de qualité avec mon père tout en continuant ma passion. »
Les deux hommes se partageaient le volant lors de leurs allers-retours Châteauguay-Sorel pendant la saison. Archambault se souvient d'un Laberge assez ébranlé et qui cherchait à en donner plus pour l'équipe.
« Sam, c'est un gars très discipliné, raconte-t-il. Les gens ne le savent peut-être pas, mais il travaillait très dur avant de se présenter chez nous pour jouer des matchs. Il coulait du ciment de trottoir à longueur de journée avant d'aller jouer. Je le sentais fragile et c'est pour ça qu'on l'a fait commencer sur un troisième trio. On voulait qu'il s'amuse d'abord et avant tout. Ça n'a pas été long que ça s'est mis à débloquer pour lui. »
L'état de santé de Pierre Laberge a pris du mieux au fil de la saison et une idée a commencé à germer dans la tête de Samuel, soit de tenter de retrouver sa place dans la jungle du hockey professionnel et de viser la LNH.
« J'en ai vu des gars de caractère dans ma carrière, et Samuel est en haut de la liste, poursuit Archambault. Quand il a commencé à nous dire qu'il aimerait repartir en bas de l'échelle dans l'ECHL afin de se donner une autre chance, plusieurs le trouvaient fou. Je me souviens d'avoir dit à sa copine que s'il y en avait un qui était capable de le faire, c'était Samuel. C'est le genre de gars à qui tu demandes 100 push-ups, et il va en faire 125. Il ne regarde jamais ce que les autres font, il se regarde dans le miroir et trouve le moyen de s'améliorer. Ça prend une grosse force mentale pour faire ça. »
Laberge s'est donc retrouvé à Allen au Texas dans l'ECHL en vue de la saison 2020-2021. Ses bons résultats l'ont incité à redoubler d'ardeur pour atteindre son objectif. La saison suivante, il s'est retrouvé avec le Thunder d'Adirondack avant de signer un essai professionnel à Utica. Depuis, son essai s'est transformé en contrat formel et le voilà de retour pour une deuxième saison dans l'antichambre de la LNH.
Le 26 septembre dernier, les Devils l'ont récompensé en lui donnant la chance de disputer une partie préparatoire au Centre Bell. Toute la famille était sur place, incluant papa Pierre qui se déplace désormais en fauteuil roulant en raison de la progression de la maladie. Peu importe, ne serait-ce que pour une journée, toute la famille Laberge allait oublier le maudit cancer afin d'encourager Samuel à battre les Canadiens par la marque de 2-1. Un moment que personne n'est près d'oublier.
« C'est le plus beau moment de ma carrière jusqu'à maintenant, mais j'ai le goût d'en revivre d'autres, précise-t-il. Je n'oublierai jamais la chaleureuse étreinte que m'a faite mon père après le match. Je me dis que tous ces sacrifices en auront valu la peine. »