MONTRÉAL-- Carey Price s'apprête à ajouter un nouveau chapitre à l'histoire des Canadiens de Montréal, et le fils de l'homme qu'il s'apprête à dépasser, un des plus grands gardiens dans l'histoire du hockey, a hâte de le voir l'écrire.
Price et Plante unis par des liens familiaux et leur place chez le CH
Les deux gardiens n'ont jamais fait connaissance, mais sont liés à jamais à l'approche d'un autre record qui sera réédité
Price a 313 victoires en saison régulière à son actif, une de moins que le légendaire Jacques Plante, qui occupe le premier rang dans les annales des Canadiens pour les victoires récoltées par un gardien. Il aura l'occasion d'égaler le record de Plante cette semaine, et peut-être même de l'améliorer, puisque les Canadiens disputeront trois matchs en quatre soirs en Californie, contre les Kings de Los Angeles, les Sharks de San Jose et les Ducks d'Anaheim.
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« Les records sont faits pour être battus », a déclaré Michel Plante, 67 ans, dont le salon est un hommage à son père décédé puisqu'on y retrouve des toiles encadrées et un chandail. « Carey qui rejoint mon père, ce sera un événement très important pour les Canadiens de Montréal, et pour Carey. Il le mérite. Il a remporté ces matchs. Surtout qu'il l'a fait en jouant à Montréal. C'est un monde complètement différent des autres équipes, le fait de vivre avec toute cette pression. »
Le record a gagné en importance à chaque victoire que Price a signée, même si parfois il était tellement dans le moment présent qu'il devait demander au personnel de l'équipe à quel point il était près d'y arriver ou non.
Si Price établit effectivement un nouveau record et le fait sien sur la côte Ouest, attendez-vous à ce que les Canadiens célèbrent l'exploit à leur retour au Centre Bell, le 12 mars, lors de la visite des Red Wings de Detroit. Si c'est le cas, ce serait alors la première fois que Michel Plante rencontrerait le gardien qui a dépassé son regretté père.
Ç'a peu d'importance aux yeux du fils de Plante que Price ait profité de la prolongation et de la fusillade, un privilège que n'avait pas son père, pour aller chercher des victoires supplémentaires. Price (313-220-67) a remporté 244 matchs en temps réglementaire, 39 autres en prolongation et 30 en tirs de barrage. Plante, dont le numéro 1 a été retiré par les Canadiens en 1995, neuf ans après sa mort à l'âge de 57 ans, a remporté 314 matchs avec les Canadiens, subi 133 défaites et récolté 107 parties nulles. Étant donné qu'il a souvent joué pour des équipes puissantes, il aurait peut-être remporté la moitié de ces rencontres ou plus en prolongation ou en fusillade.
Michel Plante dans son salon avec des objets souvenirs en hommage à son regretté père
« Tu ne peux pas comparer les époques, à cause de l'équipement, des règles, du calendrier, a noté Plante. Je suis fier de la moyenne de buts alloués de mon père avec les Canadiens (2,22), qui est meilleure que celles de Carey (2,47), de Ken Dryden (2,24) et de Patrick Roy (2,78). »
Plante a par ailleurs affiché le meilleur taux d'arrêts dans la LNH à trois reprises lorsqu'il jouait à Montréal - en 1955-56 (,930), 1958-59 (,925) et 1961-62 (,923).
S'il avait l'occasion de discuter avec Plante aujourd'hui, Price affirme que le sujet de la conversation porterait sur l'équipement, « comme ça arrive la plupart du temps entre gardiens. Je lui poserais sans doute des questions sur son approche et sa mentalité par rapport au hockey, et sa technique ».
Le lien entre Price et Plante a des racines très intéressantes. Le père de Price, Jerry, un gardien, a été réclamé par les Flyers de Philadelphie au huitième tour (126e au total) du repêchage 1978 de la LNH, mais il n'a jamais disputé un seul match. Quand même, lorsqu'il s'est présenté au camp d'entraînement cet automne-là, l'entraîneur des gardiens des Flyers l'a pris sous son aile. L'entraîneur en question étant Jacques Plante.
© Dave Sandford
L'hommage de Carey Price à Jacques Plante sur le masque qu'il a porté lors de la Classique héritage Tim Hortons 2011
« Pour une raison quelconque, Jacques m'aimait bien », a déclaré Jerry Price au site web des Canadiens, au mois de mars de l'an dernier. « Je pense que c'est parce que j'essayais de m'inspirer de Bernard Parent et Jacques a également été le mentor de Bernard. »
Effectivement, Parent, qui a remporté la Coupe Stanley avec les Flyers en 1974 et 1975, raconte que c'est en passant du temps avec Plante de 1970 à 1972, lorsqu'ils étaient des coéquipiers chez les Maple Leafs de Toronto, qu'il a pu profiter des enseignements de ce dernier et apprendre à devenir un gardien de calibre professionnel.
« À force de m'asseoir avec (Plante) et de l'entendre parler de différents aspects du jeu, j'ai pu voir que c'était quelque chose qu'il adorait, qui le passionnait, a noté Jerry Price. C'est ce qui m'a fasciné, parce c'est ce que j'adorais faire, moi aussi. Il n'y a rien que j'aimais plus que le hockey et jouer devant les buts. Jacques était comme ça. »
Le père et le fils ont eu des discussions à propos de Plante, et Carey Price a porté des images de Plante deux fois sur ses masques - le 4 décembre 2009 à l'occasion du match qui avait pour but de souligner le 100e anniversaire du premier match des Canadiens à l'époque qui précédait la LNH, dans l'Association nationale de hockey, et le 20 février 2011 à l'occasion de la Classique héritage Tim Hortons à Calgary, alors qu'on pouvait voir les yeux, la bouche et les oreilles de Plante qui entouraient le visage de Price.
Depuis que Price est arrivé à Montréal en 2007 - il était alors un espoir de 20 ans fort prometteur-, Michel Plante a regardé l'athlète originaire d'Anahim Lake, en Colombie-Britannique, s'engager dans les montagnes russes qui caractérisent la vie du dernier rempart des Canadiens. C'est là un phénomène qu'il a vu de près avec son père.
Michel Plante dans les bras de son père, dans le vestiaire du Forum de Montréal, durant le camp d'entraînement précédant la saison 1956-57. Courtoisie David Bier, Canadiens de Montréal
En tant que jeune Montréalais au milieu des années 1950, Plante a vu son père atteindre des sommets de performance tout en devant encaisser les critiques à Montréal, là où le travail du gardien est constamment scruté à la loupe par les partisans et les représentants des médias, bien plus que dans le cas des autres joueurs.
Une chose est sûre, il y a eu plus de sommets que de creux de vague. Plante a remporté six championnats de la Coupe Stanley avec les Canadiens (1953, 1956 à 1960). Il a remporté six de ses sept trophées Vézina à Montréal, de 1956 à 1960 ainsi qu'en 1961-62, puis il a partagé son dernier avec son coéquipier des Blues de St. Louis Glenn Hall en 1968-69.
« Même si maintenant, ils ont des entraîneurs seulement pour eux, les gardiens sont encore seuls dans leur monde, a noté Michel Plante. Ils sont le dernier homme sur la glace pour arrêter la rondelle. Ce sont vraiment des individus spéciaux, donc c'est sûr que je regarde plus le gardien et la façon dont il se débrouille.
« Carey a été au sommet à ses quatre ou cinq premières années à Montréal, puis il s'est blessé, et les gens ont commencé à le critiquer très sévèrement, même en m'en parlant. Je leur disais, 'Ce n'est pas un travail facile et je pense qu'il fait de son mieux'. S'il est blessé, il y a des choses qu'il doit soigner et, éventuellement, il va rebondir. »
Jacques Plante et Carey Price qui ne remplissent pas la même proportion du filet
Rebondir, Price l'a fait de belle façon cette saison, après avoir connu la pire campagne de sa carrière. En 2017-18, il a affiché un dossier de 16-26-7 avec un taux d'arrêts de ,900 et une moyenne de buts alloués par match de 3,11. Cette saison, alors qu'il en est à la première année d'une prolongation de contrat de huit ans, il montre une fiche de 27-19-5 avec un taux d'arrêts de ,916 et une moyenne de 2,54.
« En tant qu'athlète et en général, plusieurs d'entre nous veulent évidemment donner leurs meilleures performances et l'an dernier, j'ai le sentiment que je n'y suis pas arrivé », a déclaré Price lors d'un récent entretien au centre d'entraînement de son équipe. « Cette saison, je trouve que nous jouons tous mieux, pas seulement moi. Je sens que j'ai retrouvé ma constance et j'ai le sentiment que notre jeu d'équipe est plus constant également. »
Il y a un an, Price était assis dans le vestiaire de son équipe et commentait le fait d'avoir rattrapé Plante au chapitre des matchs disputés par un gardien (556). Une photo de Plante se trouvait 11 casiers plus loin, en tant qu'un des huit gardiens des Canadiens qui font partie du Temple de la renommée et à qui on a rendu hommage de cette façon.
Price a reconnu à ce moment-là qu'il ne sait « pas tant de choses que ça (sur Plante), bien honnêtement », bien qu'il en ait appris davantage à mesure qu'il s'est approché de son total de victoires.
Il a peut-être découvert que Plante était reconnu pour son excellent maniement de la rondelle avec le bâton, ce qui est une des forces de Price. En fait, Plante avait si peu confiance en la capacité de ses défenseurs de dégager la rondelle qu'il le faisait lui-même, se rendant loin dans les coins et jusqu'aux cercles de mise en jeu, et même plus loin encore, pour alimenter ses attaquants. « Jake the Snake », comme le surnommaient les anglophones, ne serait guère entiché des règles d'aujourd'hui, qui forcent le gardien à rester dans une zone bien délimitée.
Jacques Plante dégageait souvent la rondelle lui-même. Courtoisie du Temple de la renommée du hockey.
Quand Price dépassera Plante au chapitre des victoires, il occupera le premier rang dans toutes les catégories les plus importantes pour les gardiens des Canadiens, sauf les jeux blancs. Il est premier de tous les temps pour les matchs disputés, lui a dépassé la saison dernière le total de 556 affiché par Plante et en compte maintenant 610. Il est également premier pour les minutes de jeu disputées, avec 35 953.
Price est quatrième pour les blanchissages, son total de 43 le laissant derrière les 46 de Dryden, les 58 de Plante et les 75 du meneur, George Hainsworth, un gardien de la première époque qui a enregistré 49 jeux blancs en trois saisons de 1926 à 1929, avant que la LNH permette la passe avant.
« Ça, ça va être difficile à aller chercher dans le hockey d'aujourd'hui », a lancé Price à la blague en parlant du record de Hainsworth. « J'ai l'impression que les blanchissages deviennent de plus en plus difficiles à aller chercher, mais il me reste bien des années. Ce sera un autre objectif que je vais viser un jour, mais pour l'instant il y a des choses plus importantes. »
Donc, au moment où Price a plus que jamais le total de victoires de Plante dans sa mire, Michel Plante songe à la façon dont son père aurait réagi s'il avait vu son record être réédité après avoir tenu pendant plus d'un demi-siècle.
« Je suis certain que ça n'aurait pas dérangé mon père, a-t-il dit. Papa aimait partager ses connaissances. Et il était très méticuleux, ce que Carey est aussi, je pense. Je me souviens qu'à l'époque de la LNH à six équipes, il connaissait la plupart des joueurs par coeur. Il disait, 'Si ce gars-là fonce vers moi de ce côté-là de la patinoire, il va faire une passe comme ça ou tirer'. Il n'y avait pas de vidéo à l'époque. Il y allait de mémoire. Et quand ça arrivait, c'est comme s'il avait la vidéo devant lui.
Jacques Plante et Carey Price qui portent des pièces d'équipement très différentes
« Je voudrais que Carey sache ceci à propos de mon père : il aimait les gens. Si quelqu'un l'arrêtait pour parler de hockey, ou lui dire quelque chose de personnel, il prenait toujours le temps de lui parler. C'est là un aspect de la personnalité de mon père qui m'a vraiment touché. J'étais très fier de ça. Il n'a jamais agi comme une grande vedette. Il savait que les gens qui venaient à l'aréna étaient de vrais partisans. C'était important pour lui.
« C'est là quelque chose dont il faudrait toujours prendre soin - les gens de notre entourage. Pour moi, ce sont les qualités humaines qui sont l'aspect le plus important chez une personne. Écouter les gens et les avoir à coeur. Peu importe si le gars portait un habit ou des jeans, mon père le considérait comme une personne. »
Price aura bientôt ce genre de conversation en personne avec Michel Plante. Pour l'instant, le record de victoires par un gardien avec une concession qui a vu le jour avant la création de la LNH a quelque chose d'un peu irréel.
« Évidemment, je suis très fier de toutes les réalisations qui viennent avec le fait d'avoir été là aussi longtemps, a dit Price. J'imagine que j'aurai plus le temps d'y réfléchir quand je serai en fin de carrière. Pour le moment, c'est difficile de mettre les choses en perspective quand tu penses avoir encore plusieurs années devant toi. J'ai l'impression que c'est une étape vers quelque chose de plus grand encore. »
\Les photos de Carey Price, sauf le masque de la Classique héritage, sont une courtoisie de CCM Hockey.*