Jagr Lalime bagde Lepage 2

MONTRÉAL – « Hey, le kid! Ça s’en vient. »

Patrick Lalime s’étirait non loin de la ligne rouge centrale quand Jaromir Jagr s’est penché vers lui pour lui servir cet avertissement en rigolant. C’était le 26 novembre 1999, il y a près de 25 ans, mais l’ancien gardien s’en souvient encore comme si c’était hier.

Dans l’uniforme des Sénateurs d’Ottawa, il s’apprêtait à disputer son premier match au fameux igloo de Pittsburgh depuis la dispute contractuelle qui avait mis fin à son association avec les Penguins après sa saison recrue. Il allait devoir freiner les ardeurs de l’intimidant no 68, alors capitaine de son ancienne équipe.

Ça ne s’est pas passé exactement comme il l’aurait espéré.

« Il a réussi un tour du chapeau, a lancé en riant l’analyste de TVA Sports, rencontré dans les couloirs du Centre Bell. Il a marqué son dernier but alors qu’il était seul dans l’enclave. J’avais essayé de le harponner deux ou trois fois, et il n’attendait que ça. Il me l’a mis top net. »

Vérification faite, c’est exactement comme ça que ça s’est passé. Ce que Lalime n’avait pas précisé, ou ce qu’il avait effacé de sa mémoire, c’est que Jagr avait marqué ses trois buts en l’espace de sept minutes en deuxième moitié de première période. Chaque fois, il a célébré en envoyant son traditionnel baiser à la foule.

Le gardien québécois avait cédé une autre fois au début du deuxième vingt face à Matthew Barnaby, évidemment sur une passe de Jagr, et avait été chassé de la rencontre – une victoire de 5-0 des Penguins.

« J’avais beau avoir fait de l’extra avec lui après chaque entraînement pendant une saison complète, il était tellement imprévisible et tellement bon qu’il a réussi à m’avoir », a souligné Lalime, qui n’a cédé que trois autres fois face à légende tchèque dans leurs 12 duels subséquents.  

L’anecdote est amusante, mais ce ne sont pas les premiers souvenirs qui viennent à l’esprit du Québécois lorsqu’on évoque son court passage d’une saison avec celui qui verra son chandail no 68 être retiré par les Penguins, dimanche.

Lalime n’avait encore aucune expérience dans la LNH quand il a mis les pieds dans le vestiaire occupé notamment par Mario Lemieux, Ron Francis et Jagr, lors de la saison 1996-97. Ç’a de quoi marquer un esprit.

« C’était intimidant, a-t-il reconnu. Jaromir était tellement travaillant que ç’a établi les standards dans mon cas. Je le regardais aller sur la glace et dans le vestiaire. À la fin des pratiques, il venait me voir et me disait de rester dans les buts. Il travaillait sur son jeu pendant 40 minutes toutes les fois.

« Il était déjà parmi les meilleurs de la Ligue et il travaillait toujours pour essayer de trouver la coche de plus. Ç’aurait été facile pour lui de s’asseoir là-dessus, mais il avait sa recette et il l’a gardée jusqu’à la fin. »

Une machine

La fin, justement, n’est pas encore arrivée. À 52 ans, six ans après avoir quitté la LNH, Jagr évolue toujours dans la ligue tchèque. Il a même enfilé les patins pour s’entraîner avec les Penguins, samedi, à la veille de l’hommage qui lui sera rendu au PPG Paints Arena.

« Je ne suis pas surpris par sa longévité, a affirmé Lalime. C’est un des premiers gars que j’ai vu s’entraîner aussi sérieusement. À l’époque, on nous donnait une feuille avec quelques trucs à faire pour l’été. Ce n’était pas aussi encadré qu’aujourd’hui. Mais Jagr était toujours dans le gym, il était en avance là-dessus.

« C’est une machine d’entraînement, a-t-il poursuivi. Son bas de corps était incroyable, il était puissant dans les batailles à un contre un, personne n’était capable de lui enlever la rondelle. »

Même si le passage de Lalime avec les Penguins a été bref, il a créé de bons liens avec le Tchèque. En plus de lui servir de chair à canon après les entraînements, l’ancien gardien a aussi été son voisin de banc dans l’avion de l’équipe. Les deux hommes ont renoué avec grand plaisir dans les dernières années.

« Je l’ai adoré, a conclu l’analyste. Il était toujours souriant et c’était contagieux. C’est un des meilleurs de l’histoire. Pour moi, Jaromir Jagr, c’est Pittsburgh. Je suis content que les Penguins l’honorent finalement. »