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MUSKEGON, Michigan – Sacha Boisvert a enfourché son vélo et franchi les deux blocs qui séparent son domicile du Trinity Health Arena dans la petite ville de Muskegon pour l’entretien prévu au calendrier depuis déjà quelques semaines. 

Nous ne sommes qu’au début février, mais ça ressemble drôlement au printemps à l’ouest de l’état du Michigan, aux abords du lac qui porte le même nom. Il y a de petits amas de neige ici et là, mais rien qui nécessite le port des bottes – surtout pas pour un adolescent de 17 ans.

« Je n’ai pas de char, je prends mon vélo tous les jours. Je peux venir ici pour patiner quand je veux », explique-t-il alors qu’on s’assoit dans le lounge des joueurs des Lumberjacks, de la USHL.

C’est le quotidien de l’attaquant québécois depuis l’an dernier. Il saute sur la glace presque tous les jours pour l’entraînement de l’équipe, puis pour la séance d’habiletés individuelles et il passe beaucoup de temps dans le gymnase. À travers ça, il y a l’école en ligne et les matchs, évidemment.

« C’est juste du hockey ici. C’est ça que j’aime vraiment. Pour moi, c’est parfait », résume celui qui est vu par plusieurs comme un potentiel choix de première ronde au prochain encan de la LNH.

Le Trifluvien en est à sa deuxième campagne dans le circuit junior américain, sa cinquième au pays de l’Oncle Sam. Il a depuis fort longtemps décidé que son développement passera par la voie américaine – il se poursuivra d’ailleurs à l’Université de North Dakota, l’an prochain.

D’ici là, une des 32 formations de la grande ligue mettra le grappin sur lui. Mais Boisvert ne veut pas sauter d’étapes. Sa tête est à Muskegon, et il est concentré sur ce qu’il doit accomplir tous les jours pour devenir le joueur qu’il souhaite incarner au prochain niveau. Que ce soit dans deux, cinq ou huit ans.

« Mon objectif n’est pas d’être le meilleur joueur à 18 ans, a précisé le jeune homme de 6 pieds 2 pouces et 178 livres. L’objectif, c’est d’être le meilleur joueur de ma cuvée quand tout le monde sera à pleine maturité. »

Vous aurez donc compris que le jeune homme ne manque pas d’ambition ni de confiance en ses moyens. Il n’est surtout pas pressé. Il veut bien faire les choses, et le parcours américain lui offre le luxe du temps et l’occasion de parfaire son jeu avec une approche plus centrée sur le développement individuel.

« Ça démontre tout l’engagement de Sacha envers le processus », a souligné son entraîneur Parker Burgess, assis dans son bureau, quand on l’a informé des propos de son poulain.

« Il a la maturité de reconnaître que tout ça est un marathon plutôt qu’un sprint. Il ne veut pas aboutir quelque part trop tôt. Il veut s’assurer d’être en mesure de dominer au niveau auquel il évolue avant de passer à l’étape suivante. Sa tête est exactement là où ses pieds sont. C’est ce que tu veux voir, comme entraîneur. »

En termes de domination, Boisvert tire plutôt bien son épingle du jeu. Après avoir hérité de grandes responsabilités dès la deuxième moitié de sa première saison, l’an dernier, il sonne désormais la charge chez les Lumberjacks. Avec ses 27 buts en 41 matchs, il est le deuxième buteur du circuit.

« Je savais que je pouvais être aussi dominant, a laissé tomber celui qui totalise 45 points. Je suis un gars confiant dans la vie et je sais ce que je suis capable de faire. J’ai confiance en mes moyens. Le but n’était pas d’être le meilleur buteur, mais de gagner des matchs en étant le plus dominant sur la glace. »

On en revient donc au processus qui mène aux résultats. C’est ce qui le définit.

« Je mentirais si je disais qu’on ne s’attendait pas à ça, a ajouté Burgess. Il est arrivé ici à 16 ans et il a amassé 45 points. Ce n’est pas facile à faire. On avait tous hâte de voir ce qu’il nous réservait et il parvient encore à nous surprendre tous les jours avec les choses qu’il est capable de faire. »

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La discipline avant tout

Tout ça n’est pas arrivé par hasard. Boisvert a toujours accordé une grande importance à l’entraînement et aux répétitions. Pour en arriver au point où il se dit que « chaque fois que je lance, ç’a de bonnes chances de rentrer », il a décoché des centaines et des centaines de rondelles dans sa cour arrière.

Chaque été, il s’entraîne évidemment sur glace et dans le gymnase, mais il peut aussi compter sur l’aide de son père Jimmy – l’ancien entraîneur du boxeur Simon Kean – pour lui concocter de souffrantes séances extérieures. Au menu : des courses dans le sable, des sauts de haies et des sprints en montagne.

« Ce n’est pas la partie la plus le fun quand c’est ton père qui te pousse, rigole-t-il. Il m’a inculqué la discipline; je devais faire mon lit tous les matins et me coucher tôt. Je le fais encore ici à Muskegon. Ce sont pleins de bonnes habitudes qui font maintenant partie de ma routine. »

Les résultats sont là. Boisvert a gagné 20 livres par rapport à sa première saison dans la USHL, et ça lui permet de s’affirmer encore plus dans son style de jeu offensif, certes, mais aussi hargneux et combatif.

« Sacha est très compétitif, a conclu Burgess. Il ne craint pas de sacrifier son corps. Il va frapper, il va bloquer des tirs. Il va se battre. Il va protéger ses coéquipiers s’il le faut. C’est un dur. Il a tellement de cran que je dois parfois tirer sur la laisse pour le ralentir. Ça en dit beaucoup sur l’ensemble de qualités qu’il possède. »

Ça en dit aussi beaucoup sur ses racines. Il n’enfile peut-être plus les gants de boxe bien souvent, mais il n’a pas peur de les laisser tomber sur la glace.