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OTTAWA – Il y a de ces scénarios qui ne se peuvent que dans les films.

La Lettonie a réalisé l’improbable au Championnat mondial junior, vendredi, en l’emportant 3-2 en tirs de barrage face au Canada, dans la capitale fédérale, grâce à un but d’Eriks Mateiko au huitième tour d’une séance sous haute tension.

« Mon coach m’a juste dit de tirer, alors j’ai tiré », a lancé le héros de la soirée qui en était alors à sa deuxième tentative face à Jack Ivankovic – la première ayant échoué.

« Je ne me souviens même pas du moment où la rondelle est rentrée dans le filet, a-t-il poursuivi. C’est comme si j’avais perdu la mémoire. J’ai eu besoin de 10 minutes pour me souvenir où j’avais lancé. »

L’attaquant des Sea Dogs de Saint-Jean avait aussi touché la cible plus tôt dans la rencontre pour créer l’égalité 1-1 sur le jeu de puissance en troisième période. Peteris Bulans, des Saguenéens de Chicoutimi, l’a imité avec 2:29 à écouler au cadran pour forcer la tenue de la prolongation.

« C’est incroyable, les émotions sont irréelles, a commenté Bulans, le capitaine de cette équipe. Tous les partisans ont regardé ça à 5 h du matin à la maison. […] C’était fou. J’étais sur le banc et j’appréciais le moment. Je n’ai pas de mots pour décrire ça. Quelqu’un doit me pincer parce qu’on dirait un rêve. »

Un rêve, peut-être. Mais le mot miracle semble plus approprié.

En quatre affrontements entre les deux pays au Mondial junior avant celui de vendredi, le Canada avait dominé la petite nation de hockey 41-4 au chapitre des buts, signant évidemment quatre victoires. Le résultat logique de la marge de talent entre les deux nations.

Sur la glace du Centre Canadian Tire, le gardien Linards Felbergs – du Phoenix de Sherbrooke – a décidé que c’en était assez de cette domination. Il a repoussé 55 lancers et a frustré les huit tireurs à lui faire face en tirs de barrage, mettant la table pour des célébrations émotives pendant l’hymne national.

« C’est fou, a dit le portier. Je ne réalise pas encore ce que nous avons accompli. Je suis encore sous le choc. Je regardais la foule et les partisans étaient tous bouche bée. Nous sautions partout. »

De l’autre côté de la patinoire, personne ne sautait. Les ouailles de Dave Cameron avaient tout simplement hâte de voir les cérémonies d’après-match prendre fin pour pouvoir quitter la glace après cette gênante défaite. Ils sont sortis à plat, comme s’ils attendaient que la victoire tombe du ciel.

Complètement désorganisés, indisciplinés et désintéressés, par moments, ils ont eu ce qu’ils méritaient.

« Il faut leur lever notre chapeau, a simplement résumé Cameron. On a tiré 57 fois. Ils ont bloqué des tirs, leur gardien a bloqué le reste. On a passé la majorité du match dans leur zone, mais nous n’avons pas généré assez de chances. Si on joue ce match-là dix fois, on gagne probablement neuf fois. »

Le retour de la dentelle

Le problème, c’est que les Canadiens n’avaient qu’une occasion de jouer ce match. Et, soyons honnêtes, ils auraient dû ne faire qu’une bouchée des Lettons – malgré leur dévouement et le brio de Felbergs.

Au-delà de la prestation hautement décevante, on retiendra surtout le manque d’exécution et d’engagement des Canadiens. Ajoutez à cela les sept avantages numériques qu’ils ont offerts aux Lettons, et qui leur ont finalement coûté deux buts, ainsi que la victoire.

« Je crois qu’on a eu une tonne de bonnes chances, a argué le capitaine Brayden Yager. S’ils n’avaient pas bloqué autant de tirs, nous en aurions peut-être eu 90. Ils ont fait du bon travail pour se placer dans les lignes et leur gardien a bien fait. Il faut leur donner du mérite. »

La vérité, c’est que plusieurs de ces tirs provenaient de la périphérie. Les Canadiens ont décidé de sortir les aiguilles pour tricoter et faire dans la dentelle au lieu de jouer, comme ils l’avaient promis, à la « manière canadienne ». Tout ce qui avait été fait avec succès dans la victoire contre la Finlande a été oublié.

Jett Luchanko, en désavantage numérique, et Calum Ritchie, sur le jeu de puissance, ont été les deux seuls marqueurs. Jack Ivankovic, le troisième gardien de 17 ans à amorcer un match devant la cage canadienne et le premier depuis Jimmy Waite en 1987, a cédé deux fois sur 26 lancers, et face à Mateiko en tirs de barrage.

« Ce n’est évidemment pas le meilleur sentiment, mais je sais que nous allons rebondir, a plaidé Ritchie. C’est un court tournoi. On recommence tous les jours. Il faut regagner nos esprits et nous préparer pour le match contre l’Allemagne. »

La suite sans Schaefer?

Le pire dans tout ça, c’est que le Canada risque de devoir remédier à cette contre-performance sans l’aide de Matthew Schaefer – l’un des meilleurs espoirs en vue du prochain repêchage, et l’un des éléments indispensables de la brigade canadienne.

L’arrière a semblé se blesser à l’épaule gauche en tout début de rencontre à la suite d’une montée à l’emporte-pièce. Il est entré en collision avec le poteau et a immédiatement retraité au vestiaire. Hockey Canada a indiqué qu’il ne reviendrait pas dans le match, sans en dire davantage.

On a toutefois remarqué que les joueurs ne parlaient pas au conditionnel lorsque questionnés au sujet de sa potentielle absence.

« Ça craint, a réagi Ivankovic. Il est mon meilleur ami. Je n’ai pas aimé le voir tomber au combat comme ça. Il avait un bon début de tournoi. Ça craint et il va assurément nous manquer. »