Pour ceux qui n’ont aucune idée de l’histoire, je vous offre un court résumé. Les Penguins avaient embauché Michel Therrien au mois de décembre 2005. Il remplaçait Ed Olczyk. Moins d’un mois après son arrivée derrière le banc à Pittsburgh, Michel a offert une conférence de presse légendaire. Il a enguirlandé toute l’équipe, qualifiant même notre défensive de l’une des pires de la LNH. Il a marqué l’imaginaire le 7 janvier 2006 après une défaite de 4-3 contre les Thrashers d’Atlanta et un certain Kovachou (Ilya Kovalchuk).
Michel l’avait déjà dit. Mais c’était une grande pièce de théâtre. Il avait scripté sa virulente sortie. Il avait prévenu Tom McMillan, l’ancien vice-président des communications pour les Penguins, et Jennifer Bullano, qui était la directrice des communications, avant de rentrer pour sa conférence.
Je vous le confirme 19 ans plus tard. C’était bel et bien un scénario inventé par Michel.
Michel cherchait une façon d’attirer toute l’attention sur lui. Les vieux de la vielle utilisaient parfois cette stratégie. John Tortorella peut encore le faire. Il est probablement l’unique entraîneur-chef aujourd’hui qui a un caractère assez bouillant pour rincer un peu tout le monde.
Pour Michel, c’était une façon de donner un peu d’air à ses joueurs. Il avait été très intense dans son discours. Quand on célèbre l’anniversaire d’une conférence de presse, c’est le signe que c’était légendaire. J’ai regardé plusieurs fois la vidéo d’un peu plus de deux minutes. Je ne m’en tannerai jamais. Il y a des classiques dans sa sortie, mais pour moi, les bruits de bouche restent au sommet.
En 2005-06, Sidney Crosby vivait sa première saison avec les Penguins. J’étais aussi l’une des recrues. Et Mario Lemieux en était à sa dernière année dans la LNH.
Sans le vouloir, je m’étais retrouvé au cœur de cette envolée de Michel. Vers la fin de sa conférence, il avait dit que j’étais le seul joueur qui était passé proche de réussir un bon jeu dans ce match, mais qu’il ne restait qu’une seule seconde au match et que je ne mesurais que 5 pieds 8 pouces. Il avait terminé sa phrase avec un savant bruit de bouche.
Je ne m’étais pas trop fait taquiner par mes coéquipiers dans les jours suivants sauf sur ma grandeur. Je vous raconte une petite anecdote. Quand j’ai répondu au tweet de Spittin’ Chiclets comme quoi ce n’était pas ma taille réelle, il y a une personne qui a eu l’idée de changer ma page Wikipédia pour indiquer que je mesure 5 pieds 8 pouces. J’ai trouvé ça vraiment drôle.
Je me souviens que les gars avaient beaucoup reparlé de la sortie de Michel. Même s’il y avait un côté folklorique, on ne pouvait pas demeurer insensible. Il avait ciblé toute l’équipe et il nous avait embarrassés d’une certaine façon.
Mais il fallait le prendre avec un grain de sel. Nous connaissions une saison pénible. Michel venait de débarquer à Pittsburgh. Il avait eu le poste un mois plus tôt. Avant lui, Eddie Olczyk était un entraîneur proche de ses joueurs. Quand une équipe opte pour un changement, elle cherche souvent un entraîneur avec une mentalité différente. Michel voulait laisser son empreinte sur l’équipe rapidement. Notre équipe n’était pas très bien construite cette saison-là. C’était la fin d’un règne avec des joueurs plus vieux. Sid (Crosby) représentait l’unique belle histoire avec 102 points à son année recrue.
Mais deux ans plus tard, nous avions atteint la finale de la Coupe Stanley avec Michel comme entraîneur. En 2008, nous avions perdu en six matchs contre les Red Wings de Detroit.
Michel avait apporté une structure aux Penguins et il avait rapidement fait de nous l’une des meilleures équipes de la LNH. J’aime le dire souvent, mais il est probablement le meilleur entraîneur pour bien lire son banc. Il avait le don de faire les bons petits changements à certains trios pour changer le cours d’un match. Il gardait ses joueurs imputables.
Il y a une histoire qu’on a racontée moins souvent. Au match qui suivait sa conférence de presse après la défaite contre les Thrashers, Michel avait offert un autre gros discours dans le vestiaire des Penguins. Il avait dit qu’on se croyait bien tough (dur) avec nos tatouages et des trucs du genre. Mais il y avait un seul joueur à cette époque avec des tattoos et c’était Ryan Malone. Ryan se sentait ciblé juste un peu.
La première décision de Michel
J’ai choisi de vous reparler de cette fameuse conférence du 7 janvier 2006 à Pittsburgh puisqu’elle fait partie de l’histoire des Penguins. Jamais je n’oserais me moquer de Michel. J’ai trop de respect pour lui. Il a réalisé de belles choses avec les Penguins.
Michel était un coach intense et émotif. Il utilisait aussi tous ses outils dans son coffre à outils. Il se tournait parfois vers des jeux psychologiques avec des joueurs. Il pesait sur les boutons pour sortir le meilleur de ses joueurs même s’il avait recours à l’occasion à des méthodes plus anciennes.
Il a connu une très belle carrière comme entraîneur dans la LNH. Je lui lève mon chapeau. Mais sur une note personnelle, je n’avais pas trop aimé ses débuts à Pittsburgh. À sa première journée avec les Penguins, il m’avait renvoyé dans la Ligue américaine à Wilkes-Barre/Scranton. Je jouais au sein du troisième trio avec les Penguins à Pittsburgh et le lendemain, je me retrouvais au sein du cinquième trio et je prenais ensuite la route de Wilkes-Barre.
Michel trouvait que je faisais trop la fête à Pittsburgh. Il voulait m’envoyer un message en me disant que je n’étais pas encore un joueur établi de la LNH. Je lui en avais reparlé plusieurs années plus tard à l’émission de Max et Bruno sur les ondes de RDS. Nous avions interviewé Michel. Quand j’étais revenu sur sa première décision avec les Penguins qui consistait à me retourner dans les mineurs, il avait répondu que c’était planifié. Même s’il était émotif, il calculait très bien ses choses.
Il avait à cœur mon bien. Il désirait me réveiller afin que je ne devienne pas un simple joueur de passage dans la LNH. J’étais resté seulement deux semaines dans la Ligue américaine. Michel m’avait ensuite donné ma chance comme joueur. Et je l’avais saisie.
*Propos recueillis par Jean-François Chaumont, journaliste principal LNH.com