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Choix de première ronde des Nordiques de Québec au Repêchage 1993 de la LNH, Jocelyn Thibault a disputé 586 matchs au cours de sa carrière de 15 saisons dans la LNH. Il a porté l'uniforme des Nordiques, de l'Avalanche du Colorado, des Canadiens de Montréal, des Blackhawks de Chicago, des Penguins de Pittsburgh et des Sabres de Buffalo, signant 238 victoires. Il a été entraîneur des gardiens de l'Avalanche pendant deux saisons et il est désormais propriétaire du Phoenix de Sherbrooke dans la LHJMQ. Il a accepté de collaborer avec l'équipe de LNH.com pour traiter des dossiers chauds devant les 31 filets de la Ligue.
Ce que vous lirez dans cette chronique ne risque pas de vous jeter par terre. Si vous suivez moindrement le hockey depuis le début du millénaire, vous avez assurément remarqué que les gardiens « format réduit » sont en voie de disparition dans la LNH.

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Le constat est très facile à faire à vue d'œil, mais j'avais envie de creuser un peu et d'observer ce que les chiffres nous montrent en comparant la saison 2001-02 à celle en cours - 20 ans plus tard.

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Quand on ne regarde que la moyenne - à peine deux pouces de différence - on pourrait penser que ce n'est pas énorme. Mais lorsqu'on s'attarde aux données en détail, on réalise que seulement 19 pour cent des gardiens actuels (six sur 32) mesurent 6 pieds 1 pouce ou moins, alors que c'était la moyenne il y a 20 ans. Ça démontre à quel point la position a changé en 20 ans, et même en 40 ans si l'on recule plus loin.
On peut aussi remarquer que plus de la moitié des portiers actuels font 6 pieds 3 pouces et plus, tandis que les Sean Burke et les Roman Turek étaient les exceptions de l'époque, du haut de leurs 6 pieds 4 pouces. À cette taille, on répertorie maintenant 12 hommes masqués, soit six fois plus. Disons qu'Arturs Irbe - le plus petit à 5-8 en 2001-02 - se sentirait bien seul dans son coin.
L'autre grande différence, et elle ne s'observe pas de manière quantitative, c'est que les gardiens les plus imposants d'aujourd'hui sont beaucoup plus athlétiques qu'ils ne l'étaient au début du millénaire. Sans rien enlever aux plus vieux, on ne peut en aucun cas comparer les Burke et Turek aux Jacob Markstrom et Connor Hellebuyck, pour ne prendre qu'eux en exemple.
Ces grands gardiens avaient un avantage dans le temps parce qu'ils couvraient beaucoup de filet - surtout avec l'équipement surdimensionné qu'il était permis de porter. Ils pouvaient plus aisément compenser un positionnement imprécis qu'un portier de mon gabarit. À 5 pieds 11 pouces, je n'avais aucune marge de manœuvre. Je devais compenser par mon intelligence au jeu et mon sens de l'anticipation, sans quoi je ne m'en serais pas sorti.

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Désormais, tous les gardiens sont sur la coche dans ces aspects, peu importe leur grandeur.
Maintenant que l'on observe clairement la tendance et qu'elle s'applique aussi aux jeunes gardiens qui sont repêchés, on peut se demander ce que ça signifie dans la détection et l'identification des talents devant le filet. Est-ce qu'un petit gardien devra être plus dominant qu'un grand gardien dans tous les autres aspects pour faire sa place? Est-ce que le grand gardien sera toujours préféré au plus petit, à talent égal?
Je n'ai pas la réponse à ces questions, mais il est impossible de nier que c'est un avantage d'être grand. Je ne veux pas décourager personne - il y a toujours des exceptions - mais il est quand même difficile d'ignorer l'importance de la physionomie chez un gardien. On peut voir le même phénomène au football dans la NFL à certaines positions qui requièrent différents gabarits.
Est-ce que la tendance que l'on voit depuis des décennies sera éventuellement renversée? À court terme, je ne crois pas. Mais pensez à toute l'évolution à cette position dans les dernières décennies. Peut-être que cette chronique serait fort différente si on la refaisait dans 20 ans.
Question de contexte
Le lock-out de 2004 et toute la révolution du jeu qui s'en est suivi sont assurément parmi les grandes causes de la disparition des gardiens de moins de 6 pieds - il n'y en a plus qu'un, Juuse Saros (5-11) à Nashville.
Garder les buts n'était pas plus facile au début des années 2000 que ce l'est maintenant, mais il faut avouer que le hockey n'était pas le même. On n'a qu'à penser à l'accrochage, à la règle des deux lignes, aux systèmes de jeu ultra-défensifs et hermétiques, etc. Il fallait aussi que les attaquants acceptent de payer un sacré prix pour aller rôder autour du filet - la facture était beaucoup plus élevée qu'elle ne l'est aujourd'hui.
Ça permettait aux gardiens de tirer leur épingle du jeu sans avoir à faire face à autant de vitesse, de bonnes chances de marquer et de lancers de haute qualité que ce que leurs homologues doivent désormais affronter tous les soirs. Avec une bonne lecture du jeu et un bon positionnement, les petits gardiens pouvaient trouver leur niche.
Ce n'était pas le même contexte du tout. Compte tenu de la nouvelle réalité, il est normal que les équipes cherchent à mettre la main sur de grands gardiens athlétiques pour couvrir le plus d'espace possible… jusqu'au jour où une équipe apportera peut-être une nouvelle perspective sur la position.
\Propos recueillis par Guillaume Lepage, journaliste LNH.com*