Jean Guy Talbot

Jean-Guy Talbot, l'un des 12 joueurs des Canadiens de Montréal qui ont pris part à chacune des cinq conquêtes de la Coupe Stanley remportées consécutivement à la fin des années 1950, est décédé à l’âge de 91 ans vendredi.

Il était l’un des deux derniers membres vivants de cette grande dynastie. L’ancien attaquant québécois Donnie Marshall est désormais le seul survivant.

« Notre record de cinq conquêtes d’affilée ne sera jamais battu, et c’est un bon sentiment », avait l’habitude de dire Talbot.

« Nous étions une famille, poursuivait-il. Après chaque match, nous allions nous chercher ensemble quelque chose à manger avec nos conjointes, nous prenions quelques verres, nous retournions à la maison pour ensuite revenir à la patinoire le lendemain. C’était plaisant. »

« Lors des jours de match, nous voyagions en train. Nous avions donc beaucoup de temps pour discuter. ‘’Ce soir, j’ai mal joué. Je serai meilleur la prochaine fois’’, disait un. ‘’Tu devrais davantage me donner la rondelle’’, disait un autre. Nous parlions sans cesse des matchs. »

« Mon siège dans le train était en face de celui de Jean (Béliveau, l’éventuel capitaine). Pendant certains voyages, nous apportions notre propre nourriture. Jean et moi mangions chacun un sandwich, nous discutions, puis dormions pour finalement se réveiller à destination. »

Aussi dominante cette mouture des Canadiens était-elle, Talbot se souvient que l’équipe était transportée par une peur constante de l’échec. Une peur notamment alimentée par les partisans, qui ne s’attendaient à rien de moins qu’un autre championnat, année après année.

« Nous avons travaillé pour ces conquêtes de la Coupe Stanley, ne vous inquiétez pas, assurait Talbot. Nous travaillions si fort. Plus nous travaillions, plus nous gagnions. Nous étions une superbe équipe, tous les joueurs étaient des frères. Nous étions toujours ensemble, sans même nous chicaner. »

Défenseur qui s’imposait physiquement, Talbot était également connu pour avoir mis fin à la carrière de joueur de Scotty Bowman dans les rangs juniors en 1952.

Résidant de Trois-Rivières de longue date, Talbot laisse dans le deuil son épouse Pierrette et ses trois enfants Carolle, Danny et Michel.

Le numéro 17 a remporté la Coupe Stanley sept fois dans l’uniforme du CH, entre 1954 et 1967. En carrière, il a disputé 1066 matchs en saison régulière dans la LNH avec cinq équipes, ayant réussi 43 buts et récolté 285 points, tout en ayant surpassé le total des 1000 minutes de pénalités (1014). Il a participé au Match des étoiles sept fois.

Celui qui était un bon vivant a également été entraîneur de deux équipes de la LNH – les Blues de St. Louis et les Rangers de New York – pendant trois saisons.

Un malencontreux incident

Talbot est né le 11 juillet 1932 à Cap-de-la-Madeleine, de l’autre côté de la rivière Saint-Maurice et de Trois-Rivières. Il se retrouve impliqué dans un malencontreux incident au cours de son stage junior avec les Reds de Trois-Rivières, dans la Ligue de hockey junior du Québec. Le 6 mars 1952, il porte un coup de bâton à la tête de Scottie Bowman, qui évolue pour les Canadiens juniors de Montréal.

Bowman est coupé au front et il subit une fracture du crâne. Bowman ne retrouve jamais ses moyens et il est contraint d’abandonner le sport quelques années plus tard. Bowman deviendra un réputé entraîneur, comme l’histoire nous l’enseignera.

Talbot, qui rend visite à Bowman à l’hôpital afin de s’excuser, a toujours soutenu que le geste n'avait pas été intentionnel.

Après deux saisons avec les As de Québec, dans la Ligue sénior du Québec, il profite d’une blessure à Émile « Butch » Bouchard pour faire ses débuts dans la LNH en 1954-1955.

En 1961-62, il est le meilleur pointeur chez les défenseurs de son équipe et, pour la seule fois de sa carrière, il est choisi au sein de la première équipe d’étoiles de la LNH.

En 1964-65, Talbot et les Canadiens renouent avec la victoire en remportant de nouveau la Coupe aux dépens des Black Hawks de Chicago. Le scénario identique se recrée l'année suivante, cette fois contre les Red Wings de Détroit. Il s'agit du dernier de ses sept championnats.

« Nous ne gagnions pas beaucoup d’argent, mais plus que certaines personnes, expliquait-il. J’étais heureux de jouer dans la LNH et de gagner des championnats. Plusieurs très bons joueurs dans l’histoire n’ont jamais soulevé la Coupe Stanley – Gilbert Perreault, Marcel Dionne, Rod Gilbert, Jean Ratelle, Bill Gadsby… tous de bons joueurs. Il faut être à la bonne place au bon moment. »

En 1967, la LNH passe de six à 12 équipes, et Talbot, alors âgé de 35 ans, est réclamé par les North Stars du Minnesota au repêchage d’expansion. Il ne reste pas longtemps au Minnesota, étant cédé aux Red Wings. Les Blues le réclament au ballottage en 1968. Au sein des Blues, il se retrouve dirigé par nul autre que Bowman. L’équipe atteint la finale de la Coupe Stanley trois fois de suite.

La troisième et dernière de ces trois finales s'est conclue sur un but mémorable de Bobby Orr, en plongeant, lors de la période de prolongation. Talbot, qui se tenait derrière le gardien Glenn Hall, était aux premières loges – mais dans le mauvais camp – de cette scène mythique du hockey.

« Nous n’avons jamais gagné de championnat à St. Louis, rappelait-il. Mais je disais aux gars: ‘’nous ne sommes pas censés gagner la Coupe Stanley. Nos adversaires sont ceux qui devraient être stressés, pas nous’’. Nous avons eu beaucoup de plaisir, nous n’avons pas participé à toutes ces finales pour rien. »

En 1970-71, Talbot débute la saison avec les Blues, mais il est échangé aux Sabres de Buffalo le 4 novembre 1970. Il accroche ses patins à la fin de la saison, à l’âge de 38 ans.

Après sa carrière, il devient entraîneur. Les succès qu’il connaît à la barre des Spurs de Denver dans la Ligue centrale ne passent pas inaperçus. En novembre 1972, il remplace Al Arbour comme entraîneur des Blues. Il reste en poste deux saisons. Il retourne par la suite avec les Spurs, avant de ravoir une autre chance à la barre des Rangers en 1977-78, après avoir agi pendant une saison comme adjoint de John Ferguson. Il ne dure qu’une saison, les Rangers le remplaçant par Fred Shero.

Il agit après sa carrière dans le hockey comme représentant d’une compagnie brassicole au Québec pendant plusieurs années.