5 janvier. Dans un monde idéal - pour reprendre les propos d'un ancien directeur général - nous serions à quelques heures de nous installer devant la télévision pour regarder la ronde des médailles du Championnat mondial junior. Le match pour le bronze en après-midi, et celui pour l'or en soirée.
CMJ : Le podium d'anecdotes
Notre journaliste replonge dans ses souvenirs pas si lointains de péripéties vécues au Mondial junior
Mais comme l'édition 2022 du tournoi a été annulée après quatre jours de compétition en raison de la propagation de la COVID-19 et du variant Omicron, j'ai plutôt fouillé dans mes souvenirs de couverture pour vous offrir un podium d'anecdotes vécues dans le cadre du Mondial junior.
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On fait ce qu'on peut avec ce qu'on a, n'est-ce pas?
Même si je n'ai pas la feuille de route du collègue Stéphane Leroux, de RDS, j'ai tout de même couvert le tournoi sur place lors des quatre années qui ont précédé la pandémie - à Montréal, Buffalo, Vancouver et le dernier à Ostrava, en Tchéquie. Assez pour vivre quelques péripéties qui se racontent… et d'autres pas.
Voici le premier - et espérons-le, le dernier - podium d'anecdotes du CMJ :
Bronze : Quand Lafrenière joue les trouble-fête - Ostrava, 2020
31 décembre 2019. Le Canada dispute le dernier match de la ronde préliminaire contre les Tchèques, son deuxième sans les services de la jeune sensation Alexis Lafrenière, blessé au genou lors du deuxième match du tournoi contre les Russes.
À ce moment, rien ne pointe vers un retour au jeu du no 11 au cours du tournoi, et certains ont même évoqué qu'il pourrait rater une bonne partie du reste de la saison à Rimouski. La troupe de Dale Hunter l'emporte facilement 7-2, et je transmets mon dernier texte vers 22h30, heure locale.
Direction la rue des bars, Stodolni pour les intimes, afin de fêter la nouvelle année avec les collègues québécois qui sont sur place. Il faut savoir ici qu'il n'y a jamais de matchs le 1er janvier au CMJ, et que plusieurs s'en servent pour recharger les batteries avant la ronde éliminatoire. C'est donc l'occasion de célébrer en grand sans avoir trop d'obligations lors du premier jour de l'année.
Il règne une ambiance de carnaval au centre-ville. Des feux d'artifice éclatent en pleine rue sur le coup de minuit, et plusieurs amateurs de hockey canadiens se mêlent aux locaux pour faire la fête. On se promène de bar en bar et on ne se gêne pas pour commander de la bière, surtout que ça ne coûte à peu près rien - moins cher qu'une bouteille d'eau, en tout cas.
Au petit matin, je me retrouve dans un pub irlandais - oui, ça existe aussi en Tchéquie - avec le collègue et ami du Journal de Québec, Roby St-Gelais, et des collègues anglophones croisés par hasard sur la rue. À ce point, personne n'a l'intention de couvrir l'entraînement du lendemain midi.
Et c'est là que le mot commence à se passer au bar : Lafrenière pourrait bien enfiler les patins. C'est l'histoire de l'heure au Québec et ailleurs au Canada. On doit absolument y être. Devoir oblige, on termine notre dernière bière, on déguste un kebab au milieu de la rue et on rentre à l'hôtel pour retrouver notre inconfortable lit à une place. Le mal est fait, mais on devra vivre avec les conséquences.
Tels des soldats de l'information, nous nous rendons au Ostravar Arena après quelques heures de sommeil plus ou moins réparateur. On arrive juste à temps pour voir Lafrenière sauter sur la patinoire et transmettre nos textes, alors que le Québec se réveille. Une sieste a été nécessaire ensuite, mais la mission a été accomplie.
Morale de l'histoire : ne jamais dire non à une sortie au bar… des informations pourraient s'y trouver.
Le Canada pourra compter sur Alexis Lafrenière face à la Slovaquie en quart de finale du #MondialJuniorhttps://t.co/VLDNWYjR63
— LNH (@LNH_FR) January 1, 2020
Argent : Une passe sur la palette - Buffalo, 2018
31 décembre 2017. La Suisse vient d'encaisser un revers de 6-3 contre la Tchéquie - un troisième en quatre matchs en ronde préliminaire. Ça confirme du même coup son duel face au Canada en quarts de finale.
Assis dans la salle de presse du KeyBank Center avec le confrère Kevin Dubé, du Journal de Québec, j'attends que l'entraîneur suisse Christian Wohlwend se présente dans la zone d'entrevues pour récolter ses commentaires, qui me permettront d'écrire un petit aperçu pendant la journée de congé du 1er janvier.
Des commentaires qui devaient donc demeurer dans l'enregistreuse jusqu'au lendemain. Avec un duel aussi inégal en perspective, on ne s'attendait à rien de mieux que de bons vieux clichés du genre : « On devra travailler pendant 60 minutes pour parvenir à les battre. »
Wohlwend avait d'autres plans en tête. Dès sa première réponse au collègue de TSN, Mark Masters, on savait qu'on aurait droit à un bon spectacle. C'est à peine s'il n'avait pas agité le drapeau blanc et concédé la victoire à la troupe de Dominique Ducharme, à plus de 48 heures du match.
« Nous avons appris que nous sommes encore très loin d'eux. Ils sont plus rapides, plus gros, plus forts, ils tirent mieux, ils passent mieux, ils peuvent tout faire mieux », avait-il résumé.
De retour à mon clavier, je savais que je devais publier ses déclarations le plus vite possible parce que ça risquait fort de devenir viral. Après quelques minutes de réflexion, j'ai conclu qu'il n'y avait aucun autre moyen de rendre justice à ce point de presse qu'en le publiant dans son intégralité. C'était une passe sur la palette et je n'avais qu'à enfiler l'aiguille dans un filet désert.
Sans le vouloir, Wohlwend nous avait offert un congé qui serait bien nécessaire, le 1er janvier. Non seulement nous avons souligné l'arrivée de 2018, ce soir-là, mais la Bills Mafia a fêté la confirmation d'une première participation aux séries en 18 ans. Disons simplement que c'était mouvementé dans les rues de Buffalo…
L'entraîneur suisse Christian Wohlwend n'a certainement pas la langue dans sa poche. #MondialJunior https://t.co/9QMCtFunKx
— LNH (@LNH_FR) December 31, 2017
Or : La barrière qui a eu chaud - Ostrava, 2020
3 janvier 2020. Voyager pour couvrir le Mondial junior nous permet non seulement de vivre des moments sportifs enivrants, mais aussi de visiter des endroits que l'on n'aurait pas nécessairement vus à titre personnel. On repassera pour Buffalo, mais il a été très agréable, par exemple, de séjourner à Vancouver pendant deux semaines en 2019.
Ostrava, ce n'est pas Prague. Reste que le fait de se retrouver à l'est de la Tchéquie, à la frontière de la Pologne, a quelque chose de dépaysant. Ç'a aussi ses avantages. On n'était qu'à un peu plus d'une heure de route du camp de concentration d'Auschwitz, que j'avais toujours voulu visiter. C'est donc volontiers que j'ai accepté l'invitation du collègue Leroux quand il m'a proposé ainsi qu'à Roby et à son caméraman Stéphane, dit « Mango », d'y aller dans la journée de congé entre les quarts et les demi-finales.
La visite s'est bien déroulée et nous a tous permis de prendre conscience de l'ampleur des atrocités qui se sont produites là-bas pendant la Deuxième Guerre mondiale. On peut en saisir l'essence en regardant des photos et des documentaires, mais il n'y a rien comme de le constater sur place et de ressentir la lourdeur de l'endroit.
Arrive donc le moment de quitter le stationnement payant. Seul détail que nous avions oublié avant de partir : nous étions désormais en Pologne, et les couronnes tchèques ne valaient plus grand-chose. Pas moyen non plus de retirer des zlotys polonais avec notre carte de crédit. Et on a appris que les Polonais - ceux du stationnement, en tout cas - ne voulaient rien savoir des euros…
On a donc opté pour la négociation avec le valet à l'anglais approximatif, qui ne voulait rien entendre. Notre dernière option était de tenter de sortir en même temps qu'une autre voiture quand la barrière se lèverait. Un plan que nous avons mis à exécution avec une subtilité légendaire… Mais le surveillant avait vu clair dans notre jeu et nous a intercepté avant qu'on puisse sortir.
C'est à ce moment que Stéphane a haussé le ton en lui disant de façon plus ou moins sympathique qu'il allait passer à travers la barrière s'il ne nous laissait pas sortir - « I'm gonna crash your parking! », une phrase que nous avons répétée plusieurs fois dans les jours suivants. Le valet s'est finalement résigné à accepter les cinq euros qu'on lui tendait, et qui valaient plus que ce qu'il chargeait pour le stationnement.
Le voyage de retour dans les routes de campagne polonaise s'est fait sur la musique des Cowboys Fringants. Comme quoi la maison n'est jamais bien loin!