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TORONTO – C’est en entendant d'anciennes gloires relater des anecdotes et raconter des histoires qu’on réalise que la LNH a jadis regorgé de joueurs francophones.  

De Michel Goulet à Luc Robitaille, en passant par les Réjean Lemelin et Robert Sauvé, plusieurs noms ont ressurgi à l’occasion de la traditionnelle séance de questions/réponses avec les amateurs du Temple de la renommée, samedi après-midi.

Les quelque 200 amateurs, qui s’offrent ce moment privilégié avec des légendes, n’ont pas été déçus encore cette année. Les cinq joueurs/joueuse de la cuvée 2023 – Henrik Lundqvist, Caroline Ouellette, Pierre Turgeon, Mike Vernon et Tom Barrasso – ont été d’une générosité sans borne dans leurs réponses, tout ça avec une teinte d'humour.

« King Henrik » avait sa légion d’admirateurs dans la salle, venus de la région de New York et même de sa Suède natale.

Un d’entre eux l’a remercié d’avoir intéressé son épouse au hockey! Ce n’est sans doute pas la seule femme que le gardien au fort charme sensuel (sex appeal) a convertie au sport au cours de sa carrière de 15 saisons.

Il faut dire que l’exercice, animé de main de maître par Geno Reda de TSN, se déroule toujours dans une atmosphère bon enfant. Son volet intime, seulement quelques organisations - dont la LNH - sont autorisées à le couvrir, contribue à ça.

Pour la petite histoire, sachez que c’est Wayne Gretzky qui a instauré la tradition l’année de son intronisation en 1999. La Merveille avait demandé qu’on organise une activité afin qu’il puisse interagir avec les amateurs. C’est de cette demande qu’est né le Forum des partisans (Fan Forum). On remercie Wayne pour ça!

« C’est mon activité préférée de toute la fin de semaine », a lancé le président du Temple, Lanny McDonald, qui s’est même permis de poser une question samedi.

Voici, sous forme de capsules, les extraits des meilleurs moments de l'événement qui a fait s’arrêter le temps pendant plus d’une heure.

Lundqvist voit Benoît Allaire au Temple

Un partisan des Rangers a fait remarquer à Lundqvist que l’entraîneur des gardiens de l’équipe, Benoît Allaire, semble être doué dans ses tâches.

« Il y a quelques trucs à dire ici, a répondu Lundqvist. D’abord, [Benoît] est doté d’une personnalité fantastique. Il est toujours d’humeur agréable. Son attitude fait que c’est le fun de se présenter au travail tous les jours. Il vous inspire à toujours en faire davantage.

« L’autre chose, c’est qu’il est très structuré dans son approche. Il vous enseigne, mais tout en ayant une ouverture d’esprit. Il n’essaie pas de vous dénaturer. Il comprend que tous les gardiens sont différents.

« Étant moi-même très structuré, je savais exactement à quoi m’attendre et je connaissais le contenu de nos discussions en me présentant à l’entraînement ou pour les matchs.

« Il fait du travail formidable, comme son frère aîné (François) d’ailleurs », a continué le Suédois, qui joint les immortels du hockey à sa première année d’admissibilité à l’âge de 41 ans.

« Un jour, Benoît Allaire devrait être intronisé au Temple de la renommée », est-il même allé jusqu’à déclarer. « Il est un des meilleurs de sa profession. »

Un plaidoyer pour le hockey féminin

Ouellette a livré un vibrant plaidoyer pour le hockey féminin, en saisissant la balle au bond quand on lui a demandé de parler de l’évolution de l’intense rivalité entre les Canadiennes et les Américaines.

« À mes débuts dans l’équipe nationale en 1998, il y avait beaucoup d’animosité entre les deux pays », a énoncé la Montréalaise âgée de 44 ans. « C’était ancré dans la culture. On devait haïr les Américaines le plus possible pour les battre.

« Le hockey universitaire américain a contribué à faire changer les mentalités. Jennifer Botterill a été une des premières canadiennes qui est allée jouer dans une université américaine. Je suis par la suite allée jouer à l’Université Minnesota-Duluth et, pour la première fois, je me suis fait une amie américaine!

« C’est là-bas que j’ai réalisé que nous avions toutes intérêt à pousser dans la même voie afin de faire prospérer le hockey féminin. La haine ne servirait pas notre cause. Au cours de ma carrière, il y a beaucoup d’Américaines qui m’ont aidée à être une meilleure joueuse. Ma conjointe, Julie Chu, a été l’une d'elles. Nous travaillions ensemble, même si nous étions des adversaires.

« Ultimement, tous les efforts que nous avons faits rapportent finalement des dividendes, avec la création d’une ligue féminine professionnelle (LPHF) regroupant six équipes. Je suis tellement emballée. Finalement, nous avons les bonnes personnes à la tête du projet. L’implication de Billie Jean King fera avancer le hockey féminin, comme elle l’a fait pour le tennis féminin.

« Les gens me demandent comment ils peuvent soutenir le hockey féminin. Je leur réponds que c’est en achetant des abonnements de saison. La télé ne rend pas justice au talent des joueuses. C’est beaucoup plus rapide sur place. S’il vous plaît, allez voir à l’œuvre les meilleures joueuses au monde qui seront réunies pour la première fois.

« Et ce sera réellement la première fois que les joueuses pourront vivre de leur sport. Allez les voir, vous serez surpris du calibre de jeu qu’elles offriront. »

Le moment émouvant de la journée

Barrasso a parlé avec son cœur quand on a demandé aux membres de la cuvée s’ils avaient déjà connu un moment de découragement au cours de leur carrière. 

« À ma première saison dans la LNH en 1983-84, j’ai remporté les trophées de la recrue de l’année et du meilleur gardien, en plus d’avoir pris part au match des étoiles. Trois semaines après le début de ma deuxième saison, j’étais cédé dans la Ligue américaine de hockey (LAH).

« J’étais dévasté et j’ai appelé mon père. En 1984, je touchais un salaire de 80 000 $ US. J’aurais pu travailler pour mon père à l’aréna qu’il opérait pour tout juste un peu moins d’argent. J’étais tellement prêt à tout lâcher. Il m’avait dit : ‘’Va jouer dans la Ligue américaine pendant une semaine. Si tu n’es pas rappelé d’ici là, tu viendras travailler avec moi’’. J’y suis allé, et j’ai joué cinq matchs dans une semaine typique de la Ligue américaine. On m’a rappelé après ces cinq matchs. Heureusement que j’ai écouté mon père. Cette saison-là, j’ai été un des deux gardiens partants au match des étoiles à Calgary. Ç’avait été tout un retournement de situation. N’eût été des conseils de mon père, j’aurais tout abandonné, parce que j’avais subi l’humiliation ultime. »

Les méchants garnements

On a demandé à chacun quels joueurs avaient eu le don de les faire sortir le plus de leurs gonds au cours de leur carrière. Vernon a tenu à s’exprimer le premier.

« La moitié de la LNH! », a-t-il d’abord lancé à la blague, avant d’identifier Claude Lemieux, l’ancienne peste des Canadiens de Montréal. « Il me fonçait dessus tout le temps et il me faisait des jambettes. 

« Puis, il y en a un autre, mais pour une raison très différente. Luc Robitaille est un très gentil garçon, mais pour une raison que j’ignore, il avait mon numéro. Il pouvait réussir des buts contre moi, avec les fesses sur la glace. Il me rendait fou. »

Dans la même veine, Barrasso a nommé Michel Goulet.

« Un journaliste me demandait vendredi après-midi si je savais quel joueur m’avait déjoué le plus souvent au cours de ma carrière. Je lui ai répondu que je n’en avais pas la moindre idée. Il m’a donné la réponse : Michel Goulet.

« Je me suis souvenu que nous ne pouvions jamais battre les Nordiques de Québec à l’époque. Nous pouvions finir premiers dans notre section, mais nous perdions nos huit matchs contre les Nordiques.

« Le hasard a fait que j’ai rencontré Michel vendredi soir. Il m’a dit avoir réussi son 450e but en carrière contre moi. Je lui ai répondu qu’il avait sans doute marqué beaucoup plus de buts contre moi.

« J’aimerais qu’il s’excuse publiquement pour m’avoir fait mal paraître si souvent », a conclu Barrasso en riant.

Pour Ouellette, les jumelles américaines, Jocelyne et Monique Lamoureux, ont été ses plus grandes rivales.

« Elles étaient quelque chose à gérer. Vous deviez les freiner, en sachant qu’elles ne lâcheraient jamais le morceau. Ç’a donné lieu à d’intenses batailles. » 

Turgeon a répondu à la question en rendant hommage à deux des meilleurs défenseurs de son époque, Nicklas Lidstrom et Raymond Bourque.

« Ces deux-là étaient tellement talentueux. Ils vous embêtaient dès que la rondelle vous parvenait. Un joueur de talent a besoin d’espace, mais c’était très difficile avec eux. Ils ont certainement été les deux plus coriaces défenseurs que j’ai affrontés. »

Les plus forts en gueule

Dans le même registre, un amateur a demandé aux cinq quels avaient été les plus forts en gueule qu’ils ont côtoyés.

Vernon a identifié l’attaquant Shawn Burr, des Red Wings de Detroit, décédé en 2013 : « Que Dieu ait son âme… Il n’arrêtait jamais, dans l’autobus, sur le banc, sur la glace. Il interpellait sans relâche ses adversaires, comme s’il n’y avait pas de lendemain. »

Ouellette : « Une de mes coéquipières était pas mal à ce chapitre, Tessa Bonhomme. Chez les Américaines, Angela Ruggiero n’était également pas piquée des vers. »

Turgeon : « Avery… » Comme dans Sean Avery, l’ancien coéquipier de Lundqvist.

Lundqvist : « Brad Marchand (des Bruins de Boston), peut-être. Il prenait un malin plaisir à faire le tour de votre but et à vous dire des choses pas toutes polies. Il était pas mal bon, et il l’est encore. »

Barrasso : « Matthew Barnaby. Je soupçonne qu’il faisait des recherches afin de savoir quoi précisément dire à un joueur. »

« Jacques, comment on dit : ‘’J’ai faim?’’ »

Turgeon a raconté que la barrière de la langue lui avait compliqué la tâche à ses débuts chez les Sabres de Buffalo, mais qu’heureusement pour lui il avait pu compter sur le soutien d’un coéquipier québécois en Jacques Cloutier.

« Je ne pouvais pas dire un seul mot en anglais, zéro. Si on me demandait : ‘’How are you doing?’’ Je n’avais aucune idée de ce qu’on me disait.

« J’étais hébergé dans une formidable famille d’accueil, mais la communication était forcément difficile. Sa maison était située en face de celle des Cloutier. Il m’arrivait souvent de traverser la rue.

« Sinon, je prenais le téléphone et j’appelais Jacques pour lui demander des choses comme ‘’Comment on dit j’ai faim?’’ »

Vernon et Barrasso ont souligné l’influence positive qu’ont eue sur eux les vétérans gardiens Réjean Lemelin et Robert Sauvé, respectivement, à leur arrivée dans la LNH. 

« Reggie Lemelin m’a beaucoup aidé, à mon premier camp avec les Flames de Calgary, a indiqué Vernon. Il a été un vrai pro avec moi. Quelques années plus tard, je lui ai ravi son poste, mais il me disait de continuer de pousser, que ce n’était pas ma faute et que c’était correct. J’ai vraiment apprécié ces commentaires positifs. C’était une très bonne personne. » 

Barrasso : « J’étais âgé de 18 ans à mon arrivée avec les Sabres. Mon premier partenaire a été Bob (Robert) Sauvé, qui était mon aîné de 10 ans. Il avait deux enfants. Nous n’avions absolument rien en commun, autrement que nous étions des gardiens.

« J’essayais d’avoir son poste, mais il a été gracieux dans toute cette compétition. C’était un homme élégant, toujours tiré à quatre épingles, et il se comportait un véritable professionnel. Je le regardais se préparer pour les matchs et je me disais que je me donnerais une chance de connaître du succès en étant comme lui. Il a été un excellent mentor pour moi et je l'en remercie. »

La réplique de la journée

Turgeon racontait combien il avait mis du temps avant de répondre à l’appel des dirigeants du Temple en juin parce qu’il s’entraînait dans un gymnase de l’hôtel de Las Vegas où il se trouvait pour le 50e anniversaire de naissance de sa belle-soeur.

« Qui s’entraîne à Las Vegas? », a lancé Vernon à ses côtés, semant l’hilarité chez le parterre.