Jagr salute

PITTSBURGH – La relation entre Jaromir Jagr et la ville de Pittsburgh est aussi unique qu’il ne l’est.

Les partisans sont immédiatement tombés en amour avec l’attaquant tchèque lors de sa première de 11 saisons dans la ville de la Pennsylvanie après avoir été repêché au cinquième rang en 1990.

Il y a eu les conquêtes de la Coupe Stanley de 1991 et 1992. Sa traditionnelle salutation quand il marquait un but. Son immense sourire. Et, bien évidemment, sa légendaire coupe Longueuil.

« Quand je suis arrivé dans cette ville, les gens m’ont vraiment aidé », a dit Jagr, vendredi durant une soirée en son honneur. « Je sentais que j’étais invincible. »

Le 11 juillet 2001, l’ailier droit a été échangé aux Capitals de Washington. Tout a changé. Chaque fois qu’il était de retour à Pittsburgh, la foule craignait le pire dès qu’il touchait la rondelle.

Mais ce que désirait vraiment la population de Pittsburgh, c’était que Jagr revienne en ville. Dimanche, la légende verra son numéro 68 être hissé au sommet du PPG Paints Arena avant le match contre les Kings de Los Angeles (18 h HE; SN-PIT, BSW, SN360, TVAS).

« Je pense que ça me fait un peu peur, parce que je ne sais pas s’ils m’aiment encore ici », a lancé Jagr. « Et honnêtement, je n’aime pas me retrouver au centre d’autant d’attention. Je ne sais pas comment l’expliquer, et je sais que les gens vont dire ‘Il est fou de ne pas apprécier un tel moment’. Mais je ne suis pas comme ça. J’aime être dans l’ombre. Je n’aime pas être sous les projecteurs. J’aime ce sport, c’est tout.

« Mais en même temps, je suis vraiment honoré qu’on veuille me rendre hommage, dimanche. »

Jagr deviendra le troisième joueur de l’histoire des Penguins à voir son numéro être retiré, rejoignant Mario Lemieux (66) et Michel Brière (21). Il est deuxième dans l'histoire de la LNH avec 1921 points (766 buts, 1155 passes) en 1733 matchs, derrière Wayne Gretzky (2857).

À Pittsburgh, il a remporté le trophée Hart à titre de joueur le plus utile de la LNH (1999), le trophée Art-Ross, remis champion marqueur de la Ligue, à cinq reprises (1995, 1998, 1999, 2000, 2001) et le trophée Ted-Lindsay, octroyé au joueur par excellence du circuit par l'Association des joueurs, deux fois (1999, 2000).

Jagr est quatrième dans l’histoire des Penguins avec 1079 points (439 buts, 640 passes) en 806 matchs, devancé uniquement par Lemieux (1723), Sidney Crosby (1556) et Evgeni Malkin (1270).

« Quand j’y pense, je sais que la vie ne cesse jamais d’avancer, a philosophé Jagr. Les gens vont t’avoir oublié cinq ans après la fin de ta carrière. C’est normal, parce qu’il y a toujours de nouveaux joueurs qui arrivent. Mais ici, ce sera pour toujours. Peu importe le nombre d’années.

« Les nouveaux partisans vont venir à l’aréna, ils vont regarder vers le plafond et ils vont dire : ‘Hey, il y avait un Jagr qui jouait à Pittsburgh.’ »

Depuis le départ de Jagr, c’est Crosby et Malkin ainsi que Kris Letang qui tiennent le fort, eux qui ont mené les Penguins à la conquête de la Coupe Stanley en 2009, 2016 et 2017.

Jagr s’est souvenu du moment où il a proposé au directeur général Craig Patrick de l’échanger. Les Penguins venaient d’atteindre la finale de l’Association de l’Est en 2001, mais l’équipe faisait face à des difficultés financières.

« J’avais un salaire très élevé. Mario était de retour. Il n’y avait pas de raison de me garder, a rappelé Jagr. C’est ce que je m’étais dit. Si Mario était là, les partisans allaient se précipiter vers l’aréna pour le voir. Si j’étais là, c’était bien aussi, mais ça allait empêcher de mettre sous contrat des joueurs [de notre deuxième trio comme Martin Straka, Alex Kovalev et Robert Lang], ce qui signifiait que nous n’allions pas être meilleurs que l’année précédente. C’était impossible.

« J’ai dit à [Patrick] : ‘Écoute, tu peux le faire. Ça va être bon pour l’organisation. Peut-être que ce sera bon pour moi aussi. Je vais enlever de la pression de sur tes épaules. Je vais dire que je voulais être échangé’. Je pense qu’il en a parlé à Mario, et ça s’est produit. Peut-être que c’était le destin. Peut-être que sans cela, il n’y a pas de Sid. Il n’y a pas de Malkin. C’est comme ça. Parfois, il faut faire un pas en arrière pour avancer par la suite. »

Mais l’empreinte de Jagr est toujours présente à Pittsburgh. De sa Russie natale, Malkin avait comme idole Jagr, qui est de Kladno en Tchéquie.

« C’est mon héros, a dit Malkin. Sa personnalité est incroyable. Il est toujours souriant, il blague toujours. J’aime ça. Il n’est jamais négatif. Il a toujours une attitude positive. C’est génial. Il a tout gagné. Il le mérite. »

Letang, inspiré par Jagr, a grandi en portant le numéro 68 même s’il vient de Montréal. Pourquoi avoir un Tchèque jouant à Pittsburgh comme idole?

« Pour tout, s’est-il justifié. Il n’est pas un joueur physique, mais il joue avec intensité. Il utilise son gabarit, il est très habile, il est bon passeur… En grandissant, j’ai compris à quel point il était travaillant et qu’il était investi dans son sport. »

Crosby partage cette admiration. La vedette des Penguins se souvient encore du 26 mai 1992.

C’était le premier match de la finale de la Coupe Stanley. Jagr a intercepté une passe de l’attaquant des Blackhawks de Chicago Paul Gillis avant de déjouer Dirk Graham au cercle gauche. Gillis est revenu vers Jagr, qui a enfilé le disque entre ses deux patins. Il s’est finalement défait de Frantisek Kucera avant de marquer de l’enclave le but égalisateur à 15:05 de la troisième période dans un gain de 5-4.

« La chevelure, la célébration, a décrit Crosby. Je me souviens de ce but… Il est une légende et quelqu’un que j’ai non seulement pu admirer pendant ma jeunesse, mais aussi avec qui j’ai pu partager la patinoire. »

Tous les joueurs qui ont joué avec Jagr, peu importe la génération, abondent dans le même sens que Crosby.

« Ce que j’ai toujours respecté de Jags, c’est son éthique de travail », a souligné l’entraîneur-chef des Canucks de Vancouver, Rick Tocchet, son coéquipier à Pittsburgh de 1992 à 1994. « Lorsqu’il avait 18 ou 19 ans, je jouais avec lui et nous devions le tirer en dehors de la patinoire à la fin des entraînements matinaux. »

« Il restait à la patinoire plus tard que quiconque, peu importe la raison. Il voulait toujours s’améliorer », a ajouté l’attaquant des Rangers de New York Vincent Trocheck, coéquipier de Jagr avec les Panthers de la Floride de 2015 à 2017.

À 52 ans, Jagr est toujours actif et a récolté quatre points en 15 matchs avec Kladno, équipe qui lui appartient dans l’Extraliga tchèque. En est-il à ses derniers milles?

« J’aime toujours le hockey. En fait, je risque d’aimer le hockey jusqu’à ma mort, a-t-il indiqué. Mais je suis très religieux. Depuis que j’ai commencé à aller à l’église régulièrement, je n’ai plus la faim d’être le meilleur. Je l’ai perdue.

« Maintenant, l’important est de rendre les gens heureux autour de moi. Avec cette attitude, il est difficile pour moi de sauter sur la glace. Je peux y aller pour avoir du plaisir, mais si tu veux à tout prix gagner et être compétitif, tu dois avoir ‘’l’extra’’. Je ne l’ai plus. »

À défaut d’être autant motivé qu’à l’époque, Jagr a gardé son sens du jeu.

« Au moment que tu pensais que ta journée était terminée, il arrivait pour te parler de quelque chose », a raconté l’entraîneur-chef des Rangers Peter Laviolette, qui a dirigé Jagr avec les Flyers de Philadelphie en 2011-12. « Tu pensais à ce qu’il te disait et ça finissait par avoir un impact sur ce que tu allais faire à l’avenir. Il est une bonne tête de hockey, il est très brillant.

« Il a été un joueur d’impact très longtemps dans la LNH. C’est assurément mérité que son numéro soit retiré. »

Ce sera une occasion de boucler la boucle non seulement pour Jagr et ses anciens coéquipiers, mais aussi pour les actuels Penguins et les partisans qui attendent ce moment depuis longtemps.

« J’ai vu à quel point il représente beaucoup pour l’équipe et la ville. Il a eu un grand impact. Je me sens privilégié à l’idée de voir son chandail dans les hauteurs de l’aréna, dimanche. Ce sera une soirée spéciale pour tout le monde », a conclu Crosby.

Avec la collaboration du journaliste de NHL.com Tom Gulitti

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