GettyImages-56472080

C’est une photo toute simple, qui occupe néanmoins une place de choix dans l’histoire des Sénateurs.

Daniel Alfredsson, Dany Heatley et Jason Spezza – les trois joueurs qui ont formé le Trio Pizza d’Ottawa – sont debout, côte-à-côte, sur la ligne bleue durant l’hymne national.

Ils sont alignés, par ordre de numéro, dans leurs impeccables maillots blancs. Chaque joueur tient son casque entre ses mains. Ce cliché est un merveilleux souvenir du trio le plus dominant de l’histoire de la franchise.

Alors que le trio s’apprête à se réunir, la semaine prochaine au Centre Canadian Tire, au moins un de ses membres reconnaît qu’il regarde la photo très régulièrement.

«Elle est accrochée dans mon bureau. Je la regarde chaque jour», reconnaît Heatley. «Je serai vraiment content d’avoir la chance de revoir ces deux anciens coéquipiers.»

Durant une conversation avec Sens 360, cette semaine, Heatley s’est confié au sujet des retrouvailles avec Alfredsson et Spezza. Cette rencontre aura lieu quelques heures avant le match de jeudi contre les Red Wings de Détroit. Les trois membres du Trio Pizza se retrouveront, 15 ans plus tard. Dans un moment qui ne manquera pas de susciter la nostalgie à l’intérieur du Centre Canadian Tire, ils marcheront ensemble sur le tapis rouge pour effectuer la mise en jeu protocolaire.

«Je crois que ce sera une soirée riche en émotions», dit Heatley. «Je vais revivre quelques-unes des plus belles années de ma vie. J’ai vraiment hâte de me retrouver dans l’aréna, de revoir mes anciens coéquipiers et de renouer avec les partisans. Nous avons marqué beaucoup de buts sur cette patinoire.»

Heatley et ses partenaires de jeu étaient tellement prolifiques à la maison qu’ils ont mérité leur surnom à force d’offrir de la pizza gratuite à leurs supporters.

Au tout début de la saison 2005-06, certains partisans avaient trouvé un autre surnom. Lorsque les meilleurs attaquants des Sénateurs se trouvaient sur la glace, on parlait du trio CASH – ou CASH Line en anglais. Il s’agissait d’un acronyme pour Capitaine Alfredsson, Spezza et Heatley.

Le Trio Pizza a rapidement pris toute la place, chez les partisans, en raison d’un partenariat qui existait entre le club et une chaîne de restaurants. Les restaurants s’étaient engagés à remettre une pointe de pizza gratuite à tous les partisans qui avaient assisté à un match durant lequel les Sénateurs avaient marqué cinq buts ou plus durant la saison 2005-06.

Les Sénateurs ont marqué au moins cinq buts dans leurs trois premiers matchs à domicile de la saison contre Buffalo, Toronto et Boston. La chaîne de restaurants s’est alors ravisée. Dès lors, les Sénateurs devaient marquer six buts par match pour que leurs partisans obtiennent de la pizza gratuite. Ça fait encore rigoler Heatley, plusieurs années plus tard.

«C’est assez invraisemblable, non? Marquer cinq buts, déjà, c’est difficile. On y parvenait quand même assez souvent», raconte Heatley. «J’aimais bien CASH, aussi. Je crois que les médias ont préféré le Trio Pizza. Le partenariat avec les restaurants a certainement joué un rôle dans toute cette histoire aussi.»

Au sommet de la domination du trio, Heatley a connu deux saisons de 50 buts. Il demeure, à ce jour, le seul joueur de l’histoire de la franchise à avoir réussi cet exploit. En 2006-07, Heatley a également établi un nouveau record d’équipe avec une récolte de 105 points. Le Trio Pizza a connu un très beau printemps. En 2007, Alfredsson, Spezza et Heatley ont été les trois meilleurs marqueurs de la Ligue nationale dans les séries éliminatoires.

Il était donc tout naturel que Heatley et Spezza soient les deux premiers joueurs à sauter dans les bras du capitaine, dans le coin de la patinoire à Buffalo, lorsqu’il a marqué le but en prolongation qui a permis à Ottawa d’atteindre la finale de la coupe Stanley en 2007.

«Quelle époque! Alfie avait été sublime durant les séries, cette année-là. Marquer le but qui nous a permis d’accéder à la finale, pour lui, c’était énorme», raconte Heatley. «La ville est devenue complètement folle. C’est quelque chose que je n’oublierai jamais.»

Il ne suffit pas de réunir trois joueurs talentueux pour former un bon trio. La chimie, c’est un truc bien mystérieux. Ce n’est pas facile à trouver – surtout quand les joueurs doués souhaitent tous avoir le contrôle de la rondelle.

Heatley soutient néanmoins que la complicité s’est installée tout naturellement avec Spezza et Alfredsson. Tout a été simple, dès le début.

«Nous n’avions pas besoin de réfléchir, sur la glace. Notre trio avait un peu de tout. J’étais celui qui devait compléter le travail. Spezz était le fabricant de jeux. Alfie jouait un peu les deux rôles. C’est la façon la plus simple de l’expliquer. En réalité, je crois que c’était un peu plus compliqué que ça. Simplement, tout cliquait entre nous», commente Heatley. «La chimie entre deux joueurs, c’est assez fréquent. La chimie entre trois joueurs, c’est un peu plus rare. Sur la patinoire, on se comprenait. On savait où se trouver. Nous étions aussi de bons amis à l’extérieur de la glace, aussi. Ce sont des souvenirs que je conserve précieusement.»

Après avoir connu deux saisons consécutives de 50 buts, Heatley a récolté 80 buts supplémentaires lors de ses deux dernières campagnes à Ottawa. Il aurait sans doute pu se rapprocher de plusieurs records d’équipe s’il était resté un peu plus longtemps. Hélas, il a demandé une transaction durant l’été 2009.

Heatley comprend que son départ a causé des remous. Il comprend que certains fans sont encore blessés, 15 ans plus tard. Il dit qu’il est prêt à répondre aux inévitables questions qui seront posées par les journalistes de la région d’Ottawa-Gatineau, jeudi.

«J’ai des choses à dire à ce sujet. Vous verrez bien quand je serai en ville», dit Heatley.

Il tient cependant à ce que les fans sachent que les raisons de son départ n’ont rien à voir avec la ville, ni avec les partisans.

GettyImages-83591798

«Il s’est passé beaucoup de choses et je ne contrôlais pas tout. C’est probablement la chose que j’aimerais que les gens sachent. Je n’avais absolument rien à reprocher aux gens d’Ottawa ni à nos partisans», dit Heatley. «J’ai passé quatre des plus belles années de ma vie dans cette ville. J’ai probablement passé les quatre plus belles années de ma carrière de hockeyeur avec les Sénateurs. Je suis vraiment emballé à l’idée de pouvoir revenir.»

L’héritage de Heatley en tant que marqueur redoutable est bien vivant auprès de la nouvelle génération. Grâce à une série de vidéos parodiques sur Internet, l’expression «50 in 07» a fait son chemin auprès de ceux qui sont trop jeunes pour se souvenir des plus glorieuses années de Heatley.

«On m’en parle tout le temps. J’étais à San Jose, récemment, pour la soirée où on a rendu hommage à Joe Thornton. Des jeunes joueur des Sharks me parlaient de ‘50 in 07’. Ces vidéos circulent toujours», rigole Heatley. «Le type qui a préparé ces vidéos a fait du bon travail. Je n’arrête pas de répondre aux gens qu’on devrait parler de ‘50 in 06’ et de ‘50 in 07’. J’ai réussi cet exploit deux fois.»

Heatley dit qu’il pense à Ottawa chaque fois qu’il entend la chanson «The Heat is On» de l’artiste américain Glenn Frey. C’est la pièce qu’on entendait dans les haut-parleurs de l’aréna après chaque but marqué par Heatley sur sa propre patinoire.

«Comme nous avons marqué beaucoup de buts, j’ai du mal à sortir cette chanson de ma tête», dit Heatley. «Ce n’est pas une chanson qu’on entend trop souvent. J’imagine qu’il faut syntoniser une station de radio qui joue des succès souvenir. Je peux vous garantir que cette chanson me fait toujours penser à Ottawa.»

Heatley, qui occupe maintenant un poste de dépisteur avec les Flyers de Philadelphie, arrivera à Ottawa la semaine prochaine avec sa conjointe et ses deux filles. Sa famille n’a encore jamais eu la chance de visiter Ottawa. Il a très hâte de passer quelques jours en ville pour leur montrer la ville qui a déjà été sa maison.

Il a particulièrement hâte de renouer avec Spezza, avec Alfredsson et avec d’autres anciens coéquipiers pour partager quelques bonnes histoires, jeudi.

«Je me souviens de tout. Je me souviens de nos matchs. Je me souviens des moments importants. J’ai vraiment hâte d’accumuler de nouveaux souvenirs lors de mon retour», dit Heatley.

«On parle quand même de quelques-unes des plus belles années de ma vie.»