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MONTRÉAL – « Maintenant, je suis de l’autre côté de la montagne. Je regarde les années difficiles et je ne les changerais pas. J’en sors comme une personne plus forte. J’étais mieux outillé pour arriver à Montréal. Je n’ai pas traversé ces épreuves par hasard. Les morceaux du casse-tête tombaient à la bonne place pour devenir un joueur des Canadiens. »

Celui qui parle, c’est Mike Matheson.

À la veille du match contre les Penguins de Pittsburgh, l’une de ses anciennes équipes, Matheson a déterré des démons de son passé pour mieux décrire le défenseur qu’il est aujourd’hui à sa deuxième saison dans l’uniforme des Canadiens de Montréal. 

« À ma dernière année en Floride (2019-20), je broyais du noir, a-t-il dit lors d’une entrevue téléphonique au site LNH.com de sa chambre d’hôtel à Pittsburgh. Je me retrouvais parfois dans les estrades, j’ai joué des matchs comme ailier et je me disais : "wow, ça ne va pas bien".

« Il y avait des journées où j’arrivais chez moi et je n’étais pas heureux. J’étais vraiment affecté par mon jeu. Je n’étais plus la personne que je suis. J’étais toujours déçu, je n’avais pas d’énergie et je vivais probablement des épisodes dépressifs. Je trouvais ça pénible de me réveiller pour partir à l’aréna. Je n’avais pas de motivation. Je savais que c’était ma faute. Je ne regardais pas en direction des entraîneurs ou d'une autre personne. Je regardais mon jeu et je revoyais mes présences. Je savais que je ne jouais pas bien, j’étais le responsable. Je doutais de moi, je me demandais si j’étais pour réussir à atteindre le niveau que je souhaitais atteindre. »

Matheson a remonté la pente depuis cette dernière saison avec les Panthers. De son propre aveu, il a rebâti son jeu et sa confiance lors de son passage de deux saisons avec les Penguins pour ensuite atteindre un autre niveau avec le Tricolore, l’équipe de son enfance. 

« Je repense souvent à mes années en Floride, où il y avait des moments de doute dans ma tête, a-t-il mentionné. Je me demandais si j’allais avoir la chance de montrer ce que j’avais dans le ventre. Je me posais même la question à savoir si j’étais capable de réellement jouer dans cette ligue. Mais aujourd’hui, je rentre à l’aréna avec le sourire, je suis heureux d’agir comme un joueur important et je veux jouer le mieux possible pour les Canadiens. »

Le 29 décembre dernier, lors du passage des Canadiens au centre d’entraînement des Panthers à Coral Springs, Matheson avait effleuré le sujet en parlant de ses jours sombres à sa dernière année en Floride. Mais le défenseur de 29 ans ne s’était pas ouvert avec autant de candeur.  

L’étoile dans l’ombre

Jeudi dernier dans la folie du retour de Patrick Roy derrière le banc des Islanders de New York en visite au Centre Bell, Kaiden Guhle a trouvé les bons mots pour décrire Matheson.

« À 100 pour cent, il est une étoile dans l’ombre. Il amasse des points, il défend contre les meilleurs trios de l’équipe adverse, il joue en avantage et en désavantage numérique. Pour ceux qui ne l’ont pas encore remarqué, il se construit maintenant un nom comme un défenseur d’élite dans cette ligue. »

Quand on lui rapporte les propos de Guhle, le Montréalais hésite un peu avant de répondre.  

« Je ne sais pas si c’est le cas, mais c’est gentil d’entendre ça de la bouche de Guhls (Guhle). Je ne me décris pas comme une star, mais je prends le compliment! J’aime le fait qu’il y a des personnes qui peuvent croire que je suis sous-estimé. »

MTL@BOS: Matheson nivelle la marque en A.N.

Matheson n’a pas reçu une invitation pour le Match des étoiles à Toronto, mais il est sans contredit l’un des éléments forts du CH. En 49 matchs, il a récolté 34 points (sept buts, 27 passes), ce qui égale son sommet en carrière, et il est le joueur le plus utilisé par Martin St-Louis avec une moyenne de 25:18. Il se retrouve à égalité au 12e rang parmi les défenseurs de la LNH pour les points et au cinquième rang pour le temps de jeu. Seul son différentiel de moins-17 porte une ombre au tableau.

« Oui, je joue le meilleur hockey de ma carrière, a reconnu le numéro 8. C’est bon d’obtenir des points, mais il y a d’autres facettes du jeu pour gagner des matchs. J’ai amélioré mon jeu défensivement, je prends de meilleures décisions aussi avec la rondelle. Je dirais que mon jeu dans l’ensemble est à son sommet depuis mes débuts dans la LNH. »

Aux yeux de Samuel Montembeault, Matheson appartient maintenant à l’élite des défenseurs.

« Mike a les qualités d’un défenseur numéro un, a affirmé le gardien du Tricolore. Il patine tellement bien, il a un cardio incroyable aussi et il travaille fort. J’aime également ses qualités de meneur. Après le match à Boston, c’est lui qui s’est levé pour parler à tout le monde. C’était une des premières fois qu’il le faisait aussi fort. Mais il a choisi un bon moment après une dégelée de 9-4. »

Le logo tatoué sur le cœur

Kent Hughes savait qu’il prenait le bon pari le 16 juillet 2022 quand il a échangé Jeff Petry et Ryan Poehling aux Penguins pour Matheson. Avant de se retrouver dans le siège de directeur général du CH, Hughes était l’agent de Matheson. Il ne connaissait pas juste le hockeyeur, mais aussi l’humain.

« Si j’avais joué pour les Canadiens à 20 ans, je ne sais pas si j’aurais eu la force pour jouer comme je le fais aujourd’hui, a répliqué l’ancien choix de premier tour des Panthers en 2012. À un plus jeune âge, j’aurais probablement mal jonglé avec cette réalité. Je suis plus vieux, je suis un père et j’ai une perspective différente de la vie. Je ne suis pas sur Instagram ou sur Twitter (X) tout le temps. Je n’ai pas les applications sur mon cellulaire. Je ne regarde pas ça puisque je sais que ça peut me déranger. J’ai éliminé ça de ma vie. À mes débuts à Montréal, j’ai réalisé que je n’avais pas beaucoup à perdre dans un sens. Je ne peux pas retomber plus bas qu’à ma dernière saison en Floride.

« Je suis juste heureux d’être un joueur des Canadiens, a-t-il enchaîné. Je repense toujours au petit gars qui aurait donné absolument tout pour obtenir cette chance de jouer pour les Canadiens. Je veux juste rendre fier le petit gars en moi en travaillant fort et en donnant du bon hockey. »

Serein avec le futur

À un salaire moyen de 4,875 millions $ pour cette saison et les deux suivantes, Matheson représente un très bon investissement. Si la décision lui appartenait entièrement, il voudrait demeurer dans la brigade défensive du CH encore longtemps.

« Je trouve que c’est un immense honneur d’endosser le chandail des Canadiens, a lancé Matheson. J’aimerais y rester jusqu’à la fin de ma carrière. Mais en même temps, j’ai déjà vécu deux transactions. Quand tu as connu cette réalité d’un échange, tu as un peu moins peur. Ce n’est plus de l’inconnu. J’ai cette attitude où je n’ai rien à perdre, comme je le disais. Je ne sais pas si je vais rester ici encore pour deux, trois ou huit ans. Mais je veux juste profiter du temps ici. J’espère que ce sera pour longtemps. »

MTL@CAR: Matheson contourne le filet et fait 2-2

Avec la quantité de jeunes défenseurs au sein de l’organisation, Matheson ne ressent pas le besoin de cogner à la porte de son DG à un peu plus d’un mois de la date limite des transactions pour se faire rassurer.

« Je n’ai pas parlé avec Kent de cette possibilité. Je pense que l’organisation est heureuse de mon jeu. Mais je sais aussi que la direction a parfois des décisions difficiles à prendre. Je ne contrôle pas un échange. Ça ne ferait pas de sens d’y penser trop. »

Et pour reconstruire son équipe, le Tricolore a aussi besoin de bons vétérans pour guider les plus jeunes. À 29 ans, Matheson est encore dans la fleur de l’âge.

En vrac…

C’est à Pittsburgh lors des saisons 2020-21 et 2021-22 que Matheson a retrouvé le bonheur sur une glace. Et il le doit à deux légendes des Penguins et à un adjoint de Mike Sullivan. 

« Il y avait Sid et Kris, mais aussi Todd Reirden, a-t-il expliqué. Je pouvais regarder Crosby et Letang pour voir comment ils travaillaient à l’aréna ou en gymnase. J’avais le côté travaillant, mais je ne décrochais parfois pas assez. Si Crosby, qui est obsédé dans le bon sens par son sport, peut se permettre d’oublier le hockey, je pouvais le faire aussi. »

« Je me suis fait échanger au mois de septembre. C’était l’année au retour de la COVID. Je regardais des vidéos avec Todd dès le mois de septembre. On se parlait une fois par semaine et il me donnait cinq séquences à regarder. À la rencontre suivante, on regardait ça ensemble et il m’en donnait cinq autres. Dans nos conversations, on parlait aussi de la vie en générale, pas juste du hockey. C’était incroyable. J’avais un entraîneur qui se souciait de mon bonheur. Quand j’ai commencé à jouer avec les Penguins, j’avais le sentiment qu’il me connaissait déjà. Il savait ce que j’avais besoin d’entendre, que ce soit négatif ou positif. J’ai appris beaucoup avec lui, il m’a redonné confiance. »