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QUÉBEC - Il fallait voir le sourire sur le visage des jeunes Ukrainiens qui faisaient le tour de la glace du Centre Videotron en faisant flotter le drapeau de leur pays bien haut pour comprendre qu'ils ne venaient pas simplement de gagner leur premier match au Tournoi international de hockey pee-wee de Québec.

Ils venaient de l'emporter 3-1 contre les Bruins de Boston à la suite d'une remontée spectaculaire en fin de match, certes. Mais ils venaient surtout de vivre l'un des plus beaux moments de leur vie et d'oublier, le temps de quelques heures, les atrocités qu'ils subissent depuis maintenant près d'un an à cause de la guerre.
« C'est incroyable pour ces jeunes, a lancé l'entraîneur de Team Ukraine Select, Yevgeny Pysarenko. Ils sont heureux. Ils sourient. Ils vivent beaucoup d'émotions et ils se forgent des souvenirs. Ils vont se souvenir de cette expérience et de ce match en particulier pour toute leur vie. C'est une belle journée pour le hockey. »
Une belle journée qui s'est conclue de la même façon dont elle s'est amorcée : dans l'unité et la communion. Les joueurs des deux équipes se sont d'abord réunis au centre de la glace, bras dessus, bras dessous, pour les deux hymnes nationaux. Un moment poignant, s'il en est un.
Puis, dans un geste tout à fait improvisé, certains joueurs ukrainiens ont ramassé un drapeau lancé sur la glace par des partisans et l'ont brandi en remerciant la foule de plus de 15 500 personnes aux quatre coins de la patinoire. Spontanément, les joueurs des Bruins les ont rejoints malgré la déception de la défaite.
« On se sentait très forts, a lancé tout bonnement le jeune Denys Lupandin, auteur du but gagnant et de celui d'assurance dans un filet désert. On se sentait comme de vrais joueurs de la LNH. »

Sauf qu'à cet âge, ils n'ont peut-être pas tous les outils pour gérer la pression qui vient avec le fait de jouer devant un aréna bondé. Signe d'une certaine nervosité, ils ont été quelques-uns à trébucher pendant la période d'échauffement. Ce n'était finalement qu'une question de temps pour que tout tombe en place.
« Au début, c'était très effrayant, a ajouté Lupandin, qui a immigré en Saskatchewan. J'ai levé les yeux et j'ai vu tellement de gens nous regarder, mon équipe et moi. La première période a été très difficile, mais c'est devenu plus facile en deuxième et en troisième. Je veux remercier tout le monde pour leur soutien. »
Les amateurs, en majorité vêtus de blanc, ont agité des drapeaux ukrainiens et ont entonné des « Let's go Ukraine! » à quelques reprises dans la rencontre. Ils sont demeurés derrière leur équipe adoptive, même s'ils ont dû patienter jusqu'à cinq minutes de la fin du match pour célébrer un but.
Leurs favoris ont dominé la rencontre d'un bout à l'autre, mais le gardien des Bruins James Boccuzzi ne leur a pas facilité la tâche en multipliant les arrêts spectaculaires.
« La foule était folle, a lancé l'Américain. Je ne pouvais même pas m'entendre penser. Mon père m'avait dit d'imaginer que les gens m'encourageaient. Ça m'a encore plus motivé. Je voulais cette victoire. […] C'est assurément un moment marquant dans ma vie. Je n'ai jamais rien vécu de tel. »
Yehor Kosenko a été le premier à percer sa muraille, semant l'hystérie dans l'amphithéâtre, et mettant la table pour un scénario rêvé en fin de match. Quatre minutes plus tard, les Ukrainiens avaient deux buts d'avance et n'allaient plus jamais regarder derrière.
« Ça fait partie de tout ce miracle, a indiqué Pysarenko. Nous attendions cette remontée et ça s'est produit. J'espère qu'il nous reste encore quelques miracles pour le reste du tournoi. »
Une leçon d'humanité
Dans ce cas-ci, le mot « miracle » n'est pas utilisé légèrement. Le simple fait d'assembler cette équipe, formée pour la plupart de jeunes réfugiés qui se trouvaient aux quatre coins de l'Europe, a été un véritable tour de force. On ne parle même pas de toutes les étapes à franchir pour orchestrer leur venue au Québec.
Les organisateurs du tournoi, dont Sean Bérubé, le maître d'œuvre de l'opération, sont même allés chercher quatre joueurs vivant toujours en Ukraine à la frontière de la Roumanie et de la Moldavie.
« Vous ne connaissez pas leur histoire, mais je vous assure qu'ils vivent d'atroces moments, a laissé tomber Pysarenko. En se rendant à la frontière, les joueurs de l'Ukraine ont vu des missiles dans le ciel à deux reprises. Vous pouvez imaginer que ce n'est pas l'expérience la plus plaisante. »
« Je ne vais jamais oublier ce match, a commenté l'entraîneur adjoint des Bruins, Mike Cashman. Je ne peux pas qu'imaginer ce que ces jeunes joueurs vivent en Ukraine. […] Je suis convaincu que mes joueurs sont de meilleures personnes maintenant que lorsqu'ils ont quitté Boston pour venir ici. »
Cette journée entrera dans l'histoire du tournoi pour son caractère exceptionnel. On pourrait aussi s'en souvenir comme la journée où de jeunes adolescents ont donné une leçon d'humanité à certains décideurs.
« C'était super de voir que tout le monde peut être ami, a conclu Lupandin. Tout le monde devrait être ami. La paix, c'est tout ce qui compte. »
Photo: Jonathan Roy