Roi-Henri-FR

Par Manny Almela
Cet article a d'abord été publié dans l'édition d'avril/mai 2008 du magazine CANADIENS.

Henri Richard n'a jamais été le joueur le plus imposant sur la patinoire, mais peu d'athlètes ont occupé une place plus importante au sein de leur sport. Grâce à 11 conquêtes de la coupe Stanley, un record, Richard fait partie de la royauté de la LNH. Dans le monde du sport professionnel, un seul autre athlète, le basketteur Bill Russell, membre de la dynastie des Celtics de Boston dans les années 1960, peut aussi se vanter d'avoir remporté 11 titres.

Signe avant-coureur s'il en était un, Richard n'a pas eu à patienter bien longtemps avant de toucher au Saint Graal du hockey. Alors âgé de seulement 19 ans, le jeune homme, qui n'était connu à l'époque que comme le petit frère du Rocket, a contribué au premier de cinq sacres consécutifs de Montréal en 1955-1956. Avec un total de 11 coupes Stanley à son actif, il est normal que le « Pocket Rocket » ait hésité un moment lorsque questionné à savoir quelle conquête il chérissait le plus.

« Difficile à dire », a rétorqué Richard, dont le dossard no 16 est accroché dans les hauteurs du Centre Bell. « Je me dois d'y aller avec la première. Celle-là est toujours spéciale car, peu importe combien vous en gagnez, vous ne remportez la première qu'une seule fois. »

Le fait de vivre le début de sa carrière aux côtés de son frère aîné a rendu ses succès encore plus agréables.

« En fait, je n'aurais jamais cru avoir la chance de jouer avec mon frère », a admis Richard. « Quand Maurice a effectué ses débuts dans la LNH, je n'avais que six ans. Lorsqu'il a vu que je m'étais taillé une place au sein de l'équipe à 19 ans, il a décidé d'allonger sa carrière de quelques années, ce qui m'a toujours beaucoup touché. »

Il n'a pas toujours été facile pour le cadet des Richard de suivre les traces d'une légende comme le Rocket, mais cela ne l'a pas empêché de devenir lui-même un grand joueur. Le fait que Richard ne soit pas devenu l'objet de questions pièges comme ce fut le cas pour Brent Gretzky et Alain Lemieux en dit long sur le caractère d'Henri, selon son coéquipier de longue date et légende des Canadiens Jean Béliveau.

« À ses débuts, après chaque rencontre, les gens demandaient à Henri: "Comment va Maurice?" », s'est déjà souvenu Béliveau, qui a joué avec le cadet de la famille pendant 16 saisons. « Il répondait toujours: "Il va bien", puis passait à autre chose. Il comprenait que cela faisait partie de sa réalité et a attendu patiemment une occasion de faire sa propre marque. Il a fallu un certain temps, trop longtemps peut-être, pour qu'il obtienne le respect auquel il avait droit. L'important pour lui était que tous ses coéquipiers sachent ce dont il était capable et à quel point il était indispensable à nos succès. »

« Il était un joueur incroyablement important pour cette organisation », a affirmé Béliveau, qui a remporté ses 10 coupes avec Richard à ses côtés. « D'avoir accompli tout ça en ayant de si grands souliers à chausser est tout à son honneur. Le moins que l'on puisse dire, c'est que Maurice avait placé la barre haut. »

Si les frères Richard possédaient tous deux ce regard glacial qui semblait à l'occasion saisir leurs adversaires, ils pratiquaient des styles de jeu bien différents.

« Maurice était un marqueur et Henri un fabricant de jeux, s'est souvenu Béliveau. Henri a commencé à sortir de l'ombre de son frère lorsqu'il a démontré à quel point il pouvait contrôler le jeu et dicter l'allure d'un match. Ils étaient tous deux des hommes de peu de mots qui laissaient leurs actions parler pour eux. Henri laissait les autres parler. Lui, il s'exprimait sur la glace, toujours sur la glace.

« Comme coéquipier, il ne se faisait pas mieux, a ajouté Béliveau. Il est de ceux qui ont voté pour que je devienne capitaine en 1961 et je savais que je pouvais toujours compter sur Henri lors des matchs importants et des situations corsées. »

Difficile de trouver situation plus corsée que le septième match de la finale de 1971 face aux Blackhawks. Alors qu'une égalité de 2 à 2 persistait en fin de troisième période, Richard est venu à la rescousse des Canadiens en battant Tony Esposito d'un tir haut, procurant aux siens une victoire de 3 à 2 et mettant un terme à la série.

Malgré d'innombrables moments de gloire, comme cette soirée mémorable à Chicago, la réalisation dont Richard est le plus fier n'a rien à voir avec la longue liste de ses exploits individuels.

« Rien n'a autant de valeur à mes yeux que d'avoir porté les couleurs des Canadiens de Montréal », a juré Richard, qui a enfilé le chandail de l'équipe à 1 256 occasions en saison régulière: un record d'équipe. « Je n'étais même pas censé atteindre la LNH. On disait que je n'avais pas ce qu'il fallait, que j'étais trop petit, mais j'ai finalement joué pendant 20 ans. »

Malgré ses 5pi7po, Richard est réputé depuis longtemps comme étant un monument du hockey. Considéré comme le gagnant ultime, il a forgé sa réputation en produisant lorsque l'enjeu était important.

« J'ai toujours pensé que le succès en séries passe par une excellente défensive, mais compter sur de bons marqueurs ne nuit pas non plus », a admis Richard en esquissant un sourire. « J'ai toujours cru qu'une fondation solide à l'arrière est ce qui fait la différence lors de séries éliminatoires éreintantes. »

Même avec tous ces éléments en place, le logo des Canadiens cousu sur la poitrine de Richard aurait pu rendre son parcours encore plus difficile. Mais, encore aujourd'hui, Richard ne voit pas pourquoi.

« La pression pour gagner a toujours existé à Montréal, mais je ne l'ai jamais ressentie, a-t-il dit. Nous avions une telle confiance les uns envers les autres que rien ne nous affectait.

« En séries, tout ce qui compte est le travail d'équipe et de se soutenir l'un l'autre, a expliqué Richard. C'est ce sur quoi tout reposait, dans mon temps, et je ne crois pas que ce soit différent dans la LNH d'aujourd'hui. Sans cet esprit de corps, je ne crois pas que nous aurions connu autant de succès. Nous formions une famille. Et une équipe qui se tient ensemble, c'est une équipe qui gagne ensemble. »