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MONTRÉAL – Ce que l’on remarque le plus d’Arber Xhekaj cette saison, c’est justement à quel point on ne le remarque pas. Mais, détrompez-vous, c’est une bonne chose.

Ironiquement, c’est le fait qu'il soit quasi impossible à manquer qui a d’abord permis à Xhekaj d’atteindre la LNH. Dès son arrivée dans la Ligue en 2022, l’imposant gabarit et la robustesse naturelle de celui qui n’a jamais été repêché l’ont fait connaître auprès du grand public alors qu’il tentait de prouver sa valeur parmi la crème de la crème du hockey.

Mais ses jours à faire ses preuves principalement en sortant les poings sont désormais derrière lui.

Maintenant un membre clé de la formation, Xhekaj s'est mué en un défenseur multidimensionnel qui excelle dans des domaines nettement moins frappants : en entravant des jeux, en évitant de commettre des erreurs et en laissant son jeu défensif parler plutôt que ses jointures.

« Je ne réfléchis pas trop au jeu. Je me fais confiance », a expliqué le natif d’Hamilton, en Ontario, lors d’un entretien avec l’équipe de contenu des Canadiens. « J’essaie simplement d’établir mes bases afin que, même lorsque ça va moins bien, une erreur défensive ou une mauvaise pénalité n’affecte pas autant la troupe. Je reste tranquille, je bâtis mon jeu et je reste constant. »

Pour un arrière défensif comme Xhekaj, la constance commence par un travail bien fait dans sa propre zone. Limiter les actions qui aident la partie adverse à gagner, une philosophie implantée par l’entraîneur-chef Martin St-Louis cette saison, est un principe que Xhekaj applique à chaque présence à sa troisième année avec le Tricolore.

« Plus je passe du temps dans la LNH, plus je comprends ça, a-t-il précisé. Les équipes qui performent bien dans cette Ligue ne se nuisent pas. Elles évitent les jeux qui aident les ennemis à gagner. Je pense que c’est un aspect de notre jeu qu’on a beaucoup amélioré. On ne donne pas aux autres équipes beaucoup de chances contre nous, et c’est un signe de maturité. »

La maturité globale des Montréalais se dessine en parallèle avec la croissance individuelle de Xhekaj, qui accorde à cet effet beaucoup de crédit à son partenaire de jeu, David Savard. Pointant l’influence de Savard comme décisive dans son développement, le principal intéressé cite entre autres l’expérience du vétéran, son côté posé et ses qualités de meneur comme des facteurs ayant contribué à son propre succès.

« Il figure parmi ceux qui ont eu le plus d’impact sur moi à Montréal », a révélé l’arrière de 6 pi 4 po et 240 lb. « Il m’a énormément aidé. Il a tout vécu : plus de 800 matchs, champion de la coupe Stanley... C’est ce à quoi j’aspire. »

De toute évidence, sa présence physique a toujours été une pièce importante du modus operandi de Xhekaj. Et, tandis qu’il s’affaire à développer d’autres aspects de son jeu, le produit de l’OHL refuse de se défaire de sa réputation de poids lourd. Il s’est d'ailleurs amélioré en la matière, jugeant mieux la mince ligne qui sépare le besoin d’user de sa force et celui de s’abstenir.

Rembobinons jusqu’au 28 novembre, alors qu’un match contre les Oilers d’Edmonton se déroule sans éclat jusqu'à que Xhekaj administre à Zach Hyman une mise en échec en plein centre de la glace, revivifiant tant ses coéquipiers que la foule. Les siens ont ensuite vogué vers une victoire de 3 à 0.

Ou prenons le 19 janvier dernier en exemple, quand il s’est mesuré à Matt Rempe des Rangers de New York. Non seulement Xhekaj a remporté la mêlée haut la main, mais il a aussi infligé une pénalité mineure de deux minutes aux visiteurs, conférant l’avantage d’un homme au Tricolore, qui tirait de l’arrière 2 à 1 en deuxième période. Si le but égalisateur signé par Christian Dvorak 2 min 9 s plus tard n’a pas été marqué en supériorité numérique, le regain instantané d’énergie y a certainement joué pour quelque chose dans le gain de 5 à 4 en prolongation.

« À quand remonte la dernière fois où Xhekaj s’est battu et que l’autre équipe est ressortie avec l'avantage numérique? », a rhétoriquement demandé St-Louis aux journalistes après la rencontre. « Je ne crois pas que ce soit encore arrivé. Il y a une manière de gérer ces situations. Il apprend à le faire, et il l’a fait avec maturité ce soir. »

Ce genre de décisions calculées font maintenant de Xhekaj un membre permanent de la brigade défensive et témoignent de son amélioration significative après un début de carrière qu’il est juste de qualifier comme houleux.

L’amour fraternel

Tandis qu'il continue d’évoluer en tant que joueur de hockey, l’arrière de 24 ans embrasse aussi son rôle de grand frère à nouveau, lui qui a accueilli son cadet, Florian, dans son appartement du centre-ville, alors que ce dernier en est à saison recrue avec le Rocket de Laval.

« À ma première année [à Montréal], c’était la première fois que je vivais seul et ç’a été difficile par moments, a admis Xhekaj. Je me suis parfois senti seul, et je ne voulais pas qu’il en soit de même pour lui […] Même si on est simplement assis sur le divan et qu’on ne parle pas, c’est plaisant d’avoir quelqu’un là. Il est aussi l’un de mes meilleurs amis, alors c’est super. »

Pas tout à fait convaincu de l’idée initialement, notamment en raison des déplacements que cela engendrerait, c’est en apprenant que d’autres de ses coéquipiers, comme Adam Engstrom, avec qui il fait du covoiturage tous les jours, seraient à proximité que Florian a été convaincu.

« C’est toujours agréable d’être entouré d’un visage familier, surtout de ton frère », a dit l’attaquant de 21 ans, qui a inscrit 14 buts à sa saison recrue avec le Rocket. « On va souvent souper et on passe beaucoup de temps ensemble. »

Tennis de table et billard sont des activités courantes dans leur résidence de Montréal, a raconté le plus jeune des frères Xhekaj, qui clame en outre être meilleur qu’Arber au ping-pong. Au billard, c’est plus serré.

Et bien que leurs calendriers respectifs les tiennent inévitablement à part, ils n’en restent pas moins connectés. Les frères se gardent régulièrement au fait de leur jeu, Arber demeurant toujours prêt à offrir des conseils en cas de besoin.

« Je veux l’aider à atteindre la LNH le plus vite possible. Je veux jouer avec lui — c’est notre rêve à tous deux. »

Pour l’instant, c'est un simple rêve. Mais, si le développement de Florian à Laval reflète la trajectoire d'Arber cette saison, ça pourrait bientôt devenir une réalité.

Un texte d’Evan Milner, traduit par Anne-Charlotte Pellerin.