Lundqvist Biron testimonial badge Laflamme

La cérémonie d’intronisation au Temple de la renommée du hockey aura lieu le 13 novembre. La cuvée 2023 inclut Henrik Lundqvist, Tom Barrasso, Pierre Turgeon, Mike Vernon, Caroline Ouellette, Ken Hitchcock et Pierre Lacroix. Un ancien coéquipier de Lundqvist, Martin Biron, rend aujourd’hui hommage à l’un des plus grands gardiens de tous les temps.

Quand on pense à Henrik Lundqvist, l’image d’un excellent gardien nous vient invariablement en tête, mais pas loin derrière, il y a l’image d’un homme au grand cœur, souriant et toujours tiré à quatre épingles. Ce qu’on sait moins, c’est qu’entre les quatre murs d’un aréna, le gentil suédois se métamorphosait en un féroce compétiteur et, parfois, en un irascible personnage.

Martin Biron peut en témoigner pour avoir été son partenaire pendant trois saisons et plus chez les Rangers de New York au début des années 2010, au moment où « King Henrik » était sur son trône.

« Ce gars-là bouillait de l’intérieur comme ce n’était pas possible, tellement il était compétitif et qu’il voulait gagner. Ça roulait constamment à 150 milles à l’heure en dedans de lui », confie l’ancien gardien québécois en entrevue à LNH.com, à quelques jours de la cérémonie d’intronisation de Lundqvist au Temple de la renommée du hockey.

Dès le début de leur association en 2010-11, Biron se donne comme mission d’aider Lundqvist à se détendre et à se défâcher à la suite d’une mauvaise performance en solo ou de l’équipe.

« Moi, j’étais du genre à vite tourner la page après mes matchs, souligne-t-il. Après la douche, c’était fini, que j’aie bien ou mal joué. Lui, ce n’était pas du tout ça. Il bouillait encore en prenant place dans l’avion, une heure après les matchs. Il jetait son sac au sol. Il chialait sur sa performance. Je lui disais : "Hé, il faut que tu relaxes et que tu respires par le nez ". »

Biron a le sentiment d’avoir joué un rôle important dans la magistrale saison que Lundqvist a connue en 2011-12, qu’il a couronnée par l’obtention du trophée Vézina. Il raconte :

« Je l’ai le plus connu à ma deuxième saison avec les Rangers. Traditionnellement, dans l’avion, on en vient à avoir chacun nos places. Le défenseur Marc Staal s’assoyait toujours à côté de Lundqvist. Mais Staal était blessé au début de la saison. Alors, il y avait une place de libre à côté. Je lui ai demandé si je pouvais la prendre. Il m’a dit oui.

« Comme j’aimais regarder des émissions de télé et des films dans l’avion, j’ai pensé que ce serait un bon moyen pour lui changer les idées. Il a vite montré de l’intérêt, j’ai acheté un diviseur (splitter) pour le son et on a commencé à regarder la télé ensemble. Ça l’a calmé. Sans dire que j’ai une grande part de mérite pour la grosse saison qu’il a eue, je pense que ça l’a beaucoup aidé. »

Même au retour au jeu de Staal, plus tard dans la saison, Biron a conservé sa place près de Lundqvist dans l’avion.

L’aspect positif du caractère bouillant de Lundqvist, c’est que ses coéquipiers n’avaient pas besoin qu’on leur fasse de dessin pour savoir s’il était d’humeur massacrante.

« Ça se voyait tout de suite, reprend Biron. S’il se faisait marquer un but avec la vision voilée par un défenseur, il pouvait le fixer sur la glace en voulant dire : "Tasse-toi de là la prochaine fois ". Rendu dans le vestiaire entre les périodes, il s’excusait en disant : "Je ne devrais pas faire ça sur la glace ". On le voyait qu’il bouillait à l’intérieur, même sa femme Therese s’amusait de ça : "Henrik est plus irritable dernièrement, qu’est-ce que je devrais savoir?", venait-elle parfois nous demander.

« Dans son allocution lors de la cérémonie du retrait de son chandail à New York, il a d’ailleurs présenté des excuses à quelques reprises à son épouse Therese. Les gars se bidonnaient en l’entendant.

« C’est Henrik, il est comme ça, super intense dans tout ce qu’il fait, que ce soit dans le hockey, la mode ou la musique. Je l’ai déjà vu jouer de la guitare électrique dans un groupe avec l’ancien joueur de tennis John McEnroe. Il se donnait comme une "rock star ", c’était incroyable. »

Une loterie populaire

Lundqvist n’était pas que « l’Incroyable Hulk » du hockey. Le côté givré de sa personnalité surpassait largement les relents de ses pires sautes d’humeur auprès de ses coéquipiers.

« Il avait instauré une tradition qui était réellement le "fun", raconte encore Biron. Son prédécesseur chez les Rangers, Kevin Weekes, faisait quelque chose de semblable, m’a-t-on dit. Il tenait une loterie du vin après chacun des blanchissages qu’il signait. Avant le match suivant sur la route, il se présentait dans l’avion avec quatre bouteilles de vin. C’étaient de bonnes bouteilles. Une fois dans les airs, il prenait le micro et il lançait son traditionnel : "Bienvenue tout le monde à la loterie du vin de Henrik Lundqvist!" Et là, il pigeait des numéros. Même les joueurs qui n’avaient pas joué étaient dans le tirage. Il incluait même les membres du personnel de soutien de l’équipe. C’était sa façon de remercier tout le monde de l’avoir aidé à réussir un blanchissage. Il était toujours reconnaissant pour tout ce qu’on faisait pour lui.

« Je l’ai imité plus tard, mais moi, c’étaient quatre bouteilles de Jack Daniels en vente à 12,99 $ chacune », rigole Biron.

Taillé sur mesure pour NY

Lundqvist a passé toute sa carrière de 15 saisons avec les Rangers. Biron se souvient de ce qu’un représentant d’une compagnie d’équipement lui avait dit au moment où il évoluait pour les Sabres de Buffalo, à l’arrivée du gardien suédois en Amérique du Nord en 2005-06.

« Ce gars-là est taillé sur mesure pour New York, martelait-il. Je suis allé manger avec lui en ville, il est venu au restaurant en vélo de montagne. Il possède la personnalité parfaite pour New York. Je ne vous conte pas de blague, il va conquérir Manhattan. Et il va brûler la Ligue », avait prédit le représentant.

« Eh bien, c’est ce qu’il a fait, note Biron. Il est arrivé dans une situation parfaite et il a ravi le poste de Weekes. »

Biron Lundqvist Rangers

En le voyant à l'œuvre, l'intarissable Biron, natif de Lac-Saint-Charles, dans la région de Québec, était loin d’être convaincu que Lundqvist parviendrait à faire sa marque dans la LNH. Il était même plutôt convaincu du contraire.

« Il est arrivé de l’Europe avec un style plus moderne que le style papillon en vogue dans la Ligue dans le temps. Ce style européen n’avait jamais vraiment fonctionné. C’est un style où le gardien se tient plus profondément devant le filet, tout en jouant les angles en se déplaçant rapidement. Plusieurs gardiens européens n’avaient pas eu de succès avec ce style sur les plus petites patinoires en Amérique.

« Je me disais que ça ne marcherait pas, qu’il se ferait battre dès que les joueurs pigeraient ses tendances », soutenait-il.

« Mais non. Il n’a pas eu à rien changer dans son style. Il a bien travaillé avec l’entraîneur Benoit Allaire. Ces deux-là ont été exceptionnels ensemble. Au bout du compte, ce n’est pas lui qui a dû s’adapter à la LNH, mais la LNH qui a dû s’adapter à lui. Et elle a été incapable de le faire. »

Perfectionniste acharné

Comme tous les meilleurs au monde dans leur domaine respectif, Lundqvist était un grand perfectionniste et un travailleur acharné.

« Il travaillait plus fort que tout le monde. Il pouvait rester sur la glace à recevoir des lancers ou à faire face à des échappées pendant une quarantaine de minutes après la fin des séances d’entraînement », relève Biron, qui agit comme analyste aux matchs des Sabres. « Moi, j’étais en fin de carrière, mais de voir le gardien numéro un de l’équipe ne pas vouloir quitter la glace me faisait sentir obligé de rester. Je l’implorais de débarquer parce que je voulais aussi débarquer. »

On dit des gardiens qu’ils sont des bibittes particulières. Lundqvist n’était pas différent de ses collègues masqués, comme vous êtes à même de le constater.

« Il n’avait pas de superstition, mais il avait une routine d’avant-match. Il ne fallait pas le déranger quand il était dans sa bulle. Il jonglait avec des roulettes de ruban. Il s’enroulait une serviette autour du cou et de la tête. Il portait des gants blancs sous sa mitaine et son bloqueur. C’étaient des gants de coton, bizarres. Il disait que ça empêchait ses pièces d’équipement de glisser en raison de la sueur. Il pensait que ça marchait pour lui.

« Il travaillait constamment avec des compagnies d’équipement afin de développer de nouvelles pièces d’équipement, de nouvelles technologies et de nouveaux matériaux.

« Il portait des patins particuliers, tellement coupants qu’il pouvait détruire la glace. Les responsables de notre aréna de pratique s’arrachaient les cheveux quand nous faisions des entraînements de gardiens. »

Un double héritage

Lundqvist, âgé de 41 ans, a mordu à pleines dents dans la « Grosse Pomme » au cours de sa carrière d’athlète professionnel. Son héritage va bien au-delà des 459 victoires en saison régulière et des 61 autres en séries éliminatoires qu’il a procurées aux Rangers.

« Il laisse un double héritage, sur la glace et en dehors », estime son ancien coéquipier maintenant âgé de 46 ans. « Si on lui posait la question, il dirait être plus fier de son héritage en dehors de la patinoire. Il continue d’ailleurs de consacrer énormément de temps à des œuvres charitables partout en ville.

« Sur la glace, on peut voir des traits de son style chez plusieurs gardiens de la nouvelle génération – les Andrei Vasilevskiy, Igor Shesterkin, Juuse Saros et Ilya Sorokin. On joue plus profondément devant le but et on met l’accent sur la vitesse des mouvements. À mon époque, c’était "couvre tes angles et contrôle tes retours".

« Il a été un précurseur, comme l’a été Patrick Roy au début des années 1990. Patrick a contribué à façonner le style des gardiens des années 2000. On peut dire la même chose de Lundqvist pour les gardiens des années 2020. Je dis moi-même aux jeunes gardiens qu’il a été le meilleur technicien. La nouvelle génération a beaucoup regardé de vidéos de Lundqvist sur YouTube », a conclu Biron.