La famille de Mike Bossy s'allie à la cause après son cancer pulmonaire

Mike Bossy est décédé si vite du cancer qu’il n’a pu dire au revoir à toutes les personnes importantes pour lui.

Mais pendant plusieurs années avant de rendre l’âme, même avant qu’il soit atteint de la maladie, le membre du Temple de la renommée du hockey a reçu une grande vague d’amour de ceux qui l’ont admiré.

Tous les partisans de Bossy, sans exception, ont un souvenir en tête du quadruple champion de la Coupe Stanley avec les Islanders de New York.

Emporté par un cancer des poumons, l’un des plus agressifs, Bossy n’a vécu que six mois entre le diagnostic, en octobre 2021, et son décès, le 15 avril 2022.

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Plus de deux ans plus tard, la perte de cette légende du hockey, de ce mari aimé, de ce père, de ce grand-père n’est pas vaine.

En janvier 2023, sa famille – Lucie, sa femme pendant près de 45 ans, et leurs filles, Tanya et Josiane – a créé le Fonds commémoratif Mike Bossy en collaboration avec Cancer pulmonaire Canada. Le fonds soutient des initiatives visant à enrayer la stigmatisation autour du cancer pulmonaire, encourager la prévention de la maladie, promouvoir le Programme québécois de dépistage du cancer et améliorer la connaissance des patients et des médecins quant à la maladie.

Environ neuf mille Québécois ont été diagnostiqués avec un cancer pulmonaire en 2023. Du lot, 6200 ont peu de chance de rémission. Le taux de mortalité est plus élevé que ceux du cancer colorectal, du sein et de la prostate combinés.

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Nous sommes extrêmement reconnaissants des efforts de la famille Bossy afin d’améliorer la prévention et le soutien envers le cancer pulmonaire », a affirmé le directeur général de Cancer pulmonaire Canada, Shem Singh, lors du lancement officiel du Fonds.

« C’est une tribune à importante signification qui nous sert à honorer la mémoire de Mike Bossy et enrayer la stigmatisation autour du cancer pulmonaire. C’est en prévenant et en éduquant que nous allons fournir un soutien essentiel aux gens atteints de la maladie et à leur famille. »

Tanya Bossy se souvient de sa colère lorsqu’elle a été informée du diagnostic que son père venait d’avoir. À la demande de Mike, pour ses derniers mois, Tanya a canalisé cette colère en énergie positive.

« Mon père avait des symptômes du cancer bien avant son diagnostic, mais les médecins n’avaient jamais vérifié ses poumons, a-t-elle expliqué. J’étais très fâché lorsque j’ai appris que mon père était malade. En colère contre les docteurs et même contre mon père, car il ne semblait même pas fâché de la situation.

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« Mon père était authentique et a toujours dit ce qu’il pensait. Il savait qu’il allait mourir. Il m’a dit : ‘’Arrête d’être fâchée. C’est trop tard. Lorsque ce sera terminé pour moi, va sauver d’autres grands-mères et d’autres grands-pères. Mais pour l’instant, laisse de côté la colère. »

Bossy était un populaire analyste à la chaîne de télévision TVA Sports avant d’annoncer, le 19 octobre 2021, son retrait des ondes pour soigner la maladie. Il avait précédemment été soigné pour des douleurs musculaires et des raideurs. Tanya explique qu’il avait été diagnostiqué avec une condition rhumatologique inflammatoire, dont les symptômes s’apparentent à ceux de certains cancers.

Lorsqu’on lui a finalement diagnostiqué un cancer, celui-ci était déjà au stade 4, s’étant propagé dans d’autres parties du corps. Ç’aura été fatal.

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Bossy fumait ici et là pendant sa carrière. Il a arrêté quelques années avant de souffrir du cancer pulmonaire. La même maladie a emporté l’ancienne gloire des Canadiens de Montréal Guy Lafleur, lui aussi fumeur, une semaine plus tard.

Mais ce ne sont pas que les fumeurs qui peuvent souffrir d’un cancer pulmonaire. C’est d’ailleurs l’un des éléments phares des efforts de déstigmatisation.

« Fut une époque où les joueurs fumaient, a d’abord rappelé le docteur Kevin Jao de l’hôpital Sacré-Cœur de Montréal, en entrevue à La Presse.

C’est de la bouche de Jao que Bossy a appris qu’il avait le cancer. C’est également Jao qui s’est occupé de ses traitements jusqu’à son décès.

« Nous n’allons jamais dénier que les cigarettes ont un lien avec le cancer. Nous continuerons de rappeler aux gens qu’il est mieux d’arrêter de fumer, a-t-il poursuivi. Mais nous voulons enrayer la stigmatisation autour des fumeurs… Nous ne devons pas oublier qu’il y a des êtres humains derrière ça, des personnes qui ont commencé à fumer à une époque où c’était plus normalisé qu’aujourd’hui.

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« Certains de mes patients n’ont pas fumé depuis 30 ans, mais ils sont encore catégorisés fumeurs. Nous voulons que les gens arrêtent de fumer, mais la stigmatisation doit cesser, parce que la culpabilité est difficile à vivre. »

Tanya Bossy se souvient d’une discussion qu’elle a eue avec le docteur Jao pendant les traitements.

« Il m’avait dit qu’il voyait des patients au stade 4 comme mon père, pour qui c’était déjà trop tard. Il était très impliqué avec Cancer pulmonaire Canada et m’avait dit que notre famille devrait aussi s’impliquer après le décès de mon père. C’est à ce moment que nous avons décidé de créer le Fonds. »

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Josiane Bossy, de trois ans l’aînée de Tanya, voyait bien plus l’homme de famille que l’ancien joueur vedette qu’était son père.

« Je ne suivais pas vraiment le hockey en grandissant », a-t-elle déclaré en entrevue à Newsday en février, dans le cadre d’une vente aux enchères d’objets souvenirs de Mike. « Ça peut sembler étrange pour certains, mais pour moi, papa était papa. »

Ce n’est qu’après le décès de son père que Josiane s’est mise à apprécier ce qu’il avait accompli sur la patinoire à l’époque.

« Ça m’a ému de voir le nombre de gens qui l’ont aimé », a-t-elle dit.

L’encan de 144 objets a connu un grand succès. Au total, plus de 750 000 $ ont été amassés, près du double des estimations préalables.

Sur son site web, Josiane affiche plusieurs projets sur lesquels elle travaille afin de promouvoir la carrière, l’héritage et le Fonds commémoratif de son père, dont les premiers coups de patin dans la LNH ont été donnés en 1977.

Le Montréalais a marqué 53 buts dès sa première saison, ce qui lui a valu le trophée Calder de recrue de l’année. Jamais un joueur de première année n’avait inscrit au moins 50 buts, mais Bossy avait prédit à son directeur général de l’époque, Bill Torrey, qu’il allait réussir l’exploit.

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Et Torrey n’avait encore rien vu.

Bossy a atteint le plateau des 50 buts neuf fois d’affilée, « chutant » ensuite à 38 buts en 1986-87. Des problèmes de dos ont mis fin à sa carrière. En 1981-82, il était devenu le deuxième joueur de l’histoire – après Maurice Richard – à marquer 50 buts en 50 matchs.

Bossy a également atteint le plateau des 60 buts à cinq reprises, puis celui des 100 points sept fois. Il a été récompensé trois fois pour son excellence sur la patinoire et ses habitudes de gentilhomme avec le trophée Lady Byng. Il a participé huit fois au Match des étoiles de la LNH.

Si ses 1126 points (573 buts, 553 aides) en seulement 752 rencontres de saison régulière représentent un rendement incroyable, ses 160 points (85 buts, 75 aides) en 129 matchs de séries éliminatoires le représentent tout autant, voire plus. Il a inscrit les buts ayant fait la différence dans les matchs décisifs des conquêtes de 1982 et 1983, obtenant le trophée Conn-Smythe au terme de la première de ces deux rencontres.

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Intronisé au Temple de la renommée du hockey en 1991, Bossy a été inclus le 1er janvier 2017 au sein de la liste des 100 meilleurs joueurs du premier centenaire de la LNH.

Tanya Bossy avait six ans lorsque son père a pris sa retraite, en octobre 1988. Le 3 mars 1992, le numéro 22 de Mike a été retiré et envoyé dans les hauteurs du Nassau Veterans Memorial Coliseum lors d’une cérémonie émouvante.

« C’est à la Soirée Mike Bossy que j’ai réalisé à quel point mon père était connu, à quel point les gens l’aimaient, a-t-elle raconté, Mon père avait pleuré sur la patinoire ce soir-là. C’était la première fois que je le voyais pleurer. Je venais de réaliser que même les plus grands peuvent avoir peur ou pleurer. J’ai toujours été très proche de mon père. On pouvait se parler chaque jour, plusieurs fois par jour à l’occasion. »

En 2006, alors qu’il travaillait au sein du département des relations d’affaire des Islanders, le vol d’avion de Bossy qui devait l’amener de Montréal à New York a été annulé en raison d’une tempête de neige. Tanya a décidé de braver la tempête et de l’apporter en voiture jusqu’à destination, un trajet de plus de 16 heures.

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« Avec son intensité, c’était clair qu’il devait trouver un moyen d’aller au travail », a-t-elle expliqué.

Après une semaine à le suivre au travail, Tanya a vu un homme humble, modeste, à l’écoute des partisans et qui préfère cacher ses trophées dans le sous-sol que les exposer à la vue de tous.

« ll entrait au Coliseum par l’entrée principale, a-t-elle illustré. Il prenait plaisir à marcher derrière des partisans et leur donner une tape sur l’épaule, surtout ceux arborant son numéro 22. Il était comme un enfant. Les partisans se retournaient et il gloussait, fier de son coup.

« Il ne refusait jamais un autographe. Il signait des essuie-tout au McDonald’s. Je lui demandais : ‘’Vraiment, papa?’’ et il me répondait : ‘’on s’en fiche que ce soit un essuie-tout! On m’a demandé un autographe!’’

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« Je suis retournée à TVA il y a quelques semaines et un caméraman m’a confié que mon père s’informait toujours à propos de sa famille, qu’il était intéressé par les gens. »

Mike Bossy a connu les filles de Tanya, Alexe et Gabrielle, respectivement âgées de 14 et 11 ans. Il prenait l’habitude d’aller les conduire à l’école et une fois par semaine, il allait faire du bénévolat à la bibliothèque d’Alexe.

Les deux petites-filles sont fières de la différence que leur grand-père a faite chez les gens atteints du cancer, pour la prévention de la maladie et pour les initiatives à son nom qui donnent la chance à de nombreuses personnes de retrouver la santé.

« J’avais dit à mon père que nous allions créer un Fonds commémoratif. C’était une chose de voir mon père partir, mais en plus, nous devions vivre avec l’idée que d’autres personnes en stade 4 du cancer allaient vivre la même chose. Nous ne pouvions pas laisser ça aller sans tenter d’aider. Nous le faisons pour les autres et pour lui », a conclu Tanya Bossy.