LaFleur Dionne main

Guy Lafleur n'a pas fait une entrée remarquée lorsqu'il a amorcé sa carrière dans la LNH, et il a eu besoin de quelques saisons avant de devenir la grande vedette des Canadiens de Montréal. Une entrée remarquée, Lafleur en avait toutefois fait une il y a 50 ans, lors du Repêchage amateur de 1971.

Lafleur a été le tout premier choix de cet encan qui s'est tenu le 10 juin 1971. Le problème, c'est que l'attaquant de 19 ans des Remparts de Québec n'était pas encore rendu dans la salle de bal de l'Hôtel Queen Elizabeth de Montréal lorsque le directeur général des Canadiens Sam Pollock a prononcé son nom. Parti de Thurso, il était en retard et courait dans les corridors de l'hôtel en compagnie de ses parents.
« Je suis désolé de l'avoir manqué », s'est excusé Lafleur à son arrivée, alors que le nom du deuxième choix du repêchage - Marcel Dionne par les Red Wings de Detroit - venait d'être prononcé. « Mais je suis soulagé maintenant. Ça fait des semaines que j'entends dire que je vais être repêché en premier et tout. Je trouve ça pas mal plus facile de jouer au hockey. »
Les deux journées précédentes avaient été mouvementées pour les Canadiens, qui venaient de remporter leur 17e Coupe Stanley contre les Black Hawks de Chicago en sept matchs quelques semaines plus tôt.

Le 9 juin, le capitaine Jean Béliveau avait annoncé qu'il prenait sa retraite lors d'une conférence de presse émotive, mettant ainsi fin à une illustre carrière qui l'a mené au Temple de la renommée.
Le lendemain matin, quelques heures avant le repêchage, Scotty Bowman prenait les rênes de l'équipe comme entraîneur-chef, remplaçant Al MacNeil. Cette importante nouvelle s'est retrouvée en première page, accompagnée d'une autre bombe : les Canadiens étaient mis en vente par les frères David, William et Peter Molson. Le club serait vendu six mois plus tard.
À titre de DG du Tricolore de 1964 à 1978, Pollock, un visionnaire du hockey, a fait des Canadiens une puissance en échangeant plusieurs joueurs de profondeur en retour de nombreux choix de première ronde, ce qui a permis à l'équipe de remporter neuf Coupes Stanley durant cette période.

lafleur beliveau

Son plus grand vol est sans aucun doute celui qu'il a commis le 22 mai 1970, lorsqu'il a échangé le premier choix des Canadiens en 1970 (qui allait devenir Chris Oddleifsson au 10e rang) et l'attaquant des ligues mineures Ernie Hicke en retour du défenseur François Lacombe et le choix de premier tour des Golden Seals en 1971.
Les Canadiens semblaient assurés de repêcher au premier rang, mais les Kings de Los Angeles connaissaient des difficultés, et ils semblaient en voie de rejoindre les Seals dans la cave du classement en 1970-71, ce qui priverait Montréal du tout premier choix. Pollock a donc échangé le vétéran Ralph Backstrom à Los Angeles, et ses 27 points au cours des 33 derniers matchs de la saison ont permis à Los Angeles de se tenir loin du dernier rang.
Le choix allait se faire entre deux prodiges québécois. Lafleur, qui avait amassé 379 points lors des deux saisons précédentes au niveau junior à Québec, ou Dionne, qui en avait obtenu 275 durant la même période alors qu'il jouait avec les Black Hawks de St. Catharines en Ontario.
Les rumeurs disaient même qu'à l'approche du repêchage, les Canadiens allaient réaliser une transaction avec Detroit pour obtenir le deuxième choix, et mettraient ainsi la main sur les deux joueurs. Semble-t-il que Montréal désirait échanger un gardien - Rogatien Vachon ou Phil Myre - et un défenseur pour mettre la main sur le choix des Red Wings. La transaction n'a finalement jamais été bouclée.
Alors que le débat entre Lafleur ou Dionne faisait rage, il n'y avait aucun doute dans l'esprit de Claude Ruel, le dépisteur en chef des Canadiens.
« Lafleur est un joueur intelligent, avait-il expliqué. « Il transporte la rondelle, c'est un dur, et il revient dans sa zone aussi. Il ne laisse jamais tomber son équipe et c'est la marque d'une vedette. »
Ce sont finalement les Canadiens qui ont repêché Lafleur, suivi des Red Wings qui ont sauté sur un futur membre du Temple de la renommée en Dionne. Jocelyn Guèvremont a complété ce top-3 tout québécois en étant sélectionné par les Canucks de Vancouver, qui en étaient à leur deuxième année d'existence.

Pollock n'en avait pas terminé, puisqu'en deuxième ronde, il a choisi Larry Robinson au 20e rang. Le DG a utilisé le choix qu'il avait obtenu des Kings de Los Angeles en retour de Dick Duff pour prendre le défenseur, qui est maintenant au Temple de la renommée.
Sept des 12 joueurs sélectionnés par les Canadiens dans ce repêchage de 10 rondes allaient jouer dans la LNH, dont quatre pour Montréal : Lafleur, Chuck Arnason (7e), Murray Wilson (11e) et Robinson.
Fraîchement repêché, Lafleur avait dit aux journalistes sur place qu'il n'avait aucune inquiétude à propos de son tout premier contrat professionnel.
« Quelle est ma valeur selon vous? », avait-il lancé à la blague. « Combien pensez-vous que je vais obtenir? Une chose est certaine, ce ne sera pas moins que ce que je touchais avec les Remparts! »
Lafleur, qui était représenté par l'agent de Béliveau et du voltigeur des Expos de Montréal Rusty Staub, Gerry Patterson, allait finalement parapher une entente de deux ans d'une valeur de 105 000 $ - 25 000 $ par saison accompagné d'un boni de signature de 55 000 $.
Lafleur a amorcé sa carrière dans la LNH lentement, alors que la pression était forte de la part des partisans et des médias, qui s'attendaient à le voir chausser les patins du légendaire Béliveau.
Lors de ses trois premières saisons, il a amassé 64, 55 et 56 points. Durant la même période, Dionne en a obtenu 77, 90 et 78 pour Detroit. Les partisans ne se gênaient pas pour dire que Pollock s'était gouré.
Mais Lafleur a trouvé son rythme, et il est devenu l'un des joueurs les plus électrisants et menaçants offensivement de sa génération, et une légende à Montréal. Il a inscrit au moins 50 buts lors de six saisons consécutives, de 1974-75 à 1979-80, et il a remporté la Coupe Stanley quatre fois de suite, de 1976 à 1979, en plus de l'avoir aussi soulevée en 1973.
Dionne a lui aussi connu une carrière spectaculaire, même s'il n'a jamais touché à la Coupe Stanley. Il a lui aussi connu six saisons de 50 buts, toutes avec les Kings. Il a joué à Detroit, Los Angeles et finalement pour les Rangers de New York, afin d'accumuler 1771 points en 1348 matchs.
Lafleur en a obtenu 1353 en 1126 parties avec les Canadiens, les Rangers et les Nordiques de Québec. Les deux joueurs ont remporté de nombreux trophées, et Dionne a été élu au Temple de la renommée en 1992, quatre ans après Lafleur. Ils ont été nommés parmi les 100 plus grands joueurs de l'histoire de la LNH en 2017.
Les attentes étaient immenses en 1971 pour les deux espoirs, peu importe qui allait être repêché en premier. Finalement, ils auraient tous deux pu être premiers, puisqu'ils ont livré la marchandise, et encore plus.
Photos: HHoF Images/Getty Images/Dave Stubbs