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Michel Therrien parlait d’une salade de fruits à ses joueurs derrière le banc des Canadiens de Montréal. Pour construire une bonne équipe, tu as besoin d’un mélange de fruits, tu ne peux pas uniquement miser sur des cerises ou des bananes. 

À Edmonton, il y avait déjà les cerises avec les joueurs étoiles comme Connor McDavid, Leon Draisaitl, Ryan Nugent-Hopkins, Zach Hyman et Evan Bouchard. Mais il n’y avait pas encore le parfait équilibre. À la ligne bleue, Vincent Desharnais, un colosse de 6 pi 6 po et 215 lb, apporte un peu d’acidité, pas juste du gros sucre, à cette fameuse salade. 

À sa deuxième saison avec les Oilers, mais une première complète, Desharnais sait qu’il représente une pièce importante du casse-tête de l’équipe. Une pièce qui reste plus dans l’ombre, mais qui lui convient parfaitement.   

En route vers l’aéroport d’Edmonton après un entraînement vendredi après-midi, Desharnais avait le sourire dans la voix en parlant de ses jours avec les Oilers. 

« Je dirais que le sentiment le plus agréable est quand je me pointe à l’aréna et qu’il y a un match le soir, je sais que je vais voir mon nom sur le tableau, a dit le Lavallois en entrevue téléphonique à LNH.com. Je n’ai pas à me demander si je vais jouer ou non. J’ai gagné ma place. C’est agréable, mais je garde toujours comme mentalité que je dois toujours me battre pour conserver ma place. Je veux toujours m’améliorer et travailler sur les détails de mon jeu. »

Desharnais a participé à 55 des 57 matchs des Oilers cette saison. Il a marqué un but, récolté huit passes, affiché un dossier de +4 et joué en moyenne un peu plus de 15:00 (15:08), principalement au sein du troisième duo avec Brett Kulak, un ancien des Canadiens. 

Le choix de septième tour des Oilers en 2016 a des responsabilités plus grandes en infériorité numérique et sur le plan défensif. Il vient au quatrième rang de son équipe pour les tirs bloqués (79) et au cinquième rang pour les mises en échec (86).  

« J’ai trouvé mon rôle dans cette équipe, a-t-il mentionné. Ce n’était pas une mission facile, il y a tellement de joueurs talentueux avec les Oilers. Depuis plusieurs années, il y avait plusieurs défenseurs qui passaient à Edmonton sans y rester longtemps. J’ai cette fierté de pouvoir dire que j’ai déniché un rôle. Ce n’est pas le rôle le plus évident, je ne reçois pas souvent des fleurs pour mon jeu. On ne me dit pas que je suis bon, beau et gentil comme on le fait pour Connor et Leon! Mais je ne suis pas là pour ça. J’accepte parfaitement mon rôle. Je fais des trucs dans l’ombre, mais je reçois la reconnaissance de mes coéquipiers. 

« Je me souviens d’un match à Anaheim (9 février), a-t-il poursuivi. On menait par un seul but en fin de match et j’ai bloqué un tir de (Frank) Vatrano dans les dernières secondes. Evander Kane a marqué peu de temps après dans un filet désert pour confirmer notre victoire de 5 à 3. Après le but, Connor McDavid n’est pas allé voir Kane, il a patiné vers moi pour me donner un gros câlin. Il savait que j’avais fait un gros jeu. Il voulait me le montrer. Les partisans ne le remarquent pas toujours et on ne lit pas ça sur une feuille de pointage. Mais ça reste important. »

Un premier but contre les Flames

Desharnais a touché la cible une première fois dans la LNH à son 42e match en carrière. C’était le 29 octobre dernier lors de la Classique héritage contre les Flames de Calgary au Stade du Commonwealth, à Edmonton.

Même sur ce jeu, le grand défenseur était dans l’ombre.

« Je ne savais même pas que j’avais marqué, a-t-il répliqué en riant. Nous pensions que Kane avait redirigé mon tir. Sur la glace, il n’y a pas eu de grosses célébrations. Après notre but dans un filet désert, Kane est venu me voir pour me dire qu’il n’avait jamais touché à la rondelle et que c’était mon but. En sortant de la glace après le match, les coéquipiers et le personnel des Oilers étaient tellement heureux pour moi. J’ai gardé la rondelle et j’ai une copie de la feuille du match. »

D’ici les prochains mois, Desharnais souhaitera décrocher un nouveau contrat avec les Oilers. Il terminera, cette saison, la deuxième année d’un pacte de deux ans qui lui rapporte 762 500 $. S’il fait tout ce qu’il peut pour convaincre son directeur général Ken Holland, il refuse de se stresser avec ce dossier.

« J’aimerais rester à Edmonton. C’est mon souhait. Je suis avec les Oilers depuis 2016. Ils m’ont repêché, ils m’ont fait confiance et ils m’ont donné ma chance. J’adore le personnel des Oilers et mes coéquipiers. Mais pour l’instant, je me concentre à jouer au hockey et je laisse ce dossier entre les mains de mon agent (Philippe Lecavalier). C’est pour ça que je le paye ! Quand nous aurons besoin de négocier pour un contrat, il m’en parlera. Le hockey reste aussi une game de chiffres. »

CGY@EDM: Desharnais double l'avance avec son 1er but

Un défenseur plus fort mentalement

Desharnais en a déjà parlé dans le passé. Mais avant de vivre le bonheur de se retrouver au sein du même vestiaire que McDavid et Draisaitl, il a passé des moments plus sombres à ses débuts chez les professionnels lors de la saison 2019-2020, une année où il avait fait la navette entre les Condors de Bakersfield dans la Ligue américaine et le Thunder de Wichita dans la ECHL.

« À ma première année, j’avais joué les deux premiers matchs de la saison à Bakersfield et ensuite, j’ai subi une commotion cérébrale, s’est-il remémoré. Je n’ai pas joué pendant deux mois. J’avais beaucoup d’anxiété durant mon absence. L’anxiété a fini par se développer en une dépression. Je n’en avais parlé à personne. Je gardais ça pour moi en me disant que ça finirait par passer et je ne voulais pas alarmer mes parents. J’étais loin à Bakersfield, en Californie. Je n’avais pas d’amis et je ne patinais pas avec mes coéquipiers.

« J’ai fini par faire une dépression. Je voulais lâcher le hockey, je pleurais tout le temps et j’étais vraiment négatif. Je me sentais inutile. J’ai choisi d’en parler à mon ostéopathe. Pourquoi elle ? Je ne le sais pas. J’étais en confiance et je savais qu’elle ne me jugerait pas. Quand je me suis confié, elle m’a dit d’en parler à un médecin, un spécialiste qui m’aiderait. Et la deuxième chose, elle voulait que je parle à mes parents et qu’ils soient là pour m’aider. Le jour même, ma mère (Josée) a réservé un vol pour la Californie. Elle avait passé quatre jours avec moi. Je ne me sentais plus seul, elle m’avait remonté le moral. J’ai fini par m’ouvrir à du monde. J’avais aussi reçu une prescription du médecin. J’ai pris des médicaments pendant neuf mois. Au mois d’août 2020, j’ai arrêté ma médicamentation. Je n’en avais plus besoin, j’étais redevenu assez fort. C’était la portion la plus sombre de ma vie. Mais je reste reconnaissant, puisque j’ai appris tellement sur moi. Et j’ai compris qui étaient mes véritables amis. »

Le mot de la fin lui revient.

« Aujourd’hui, je veux parler de santé mentale. Je me sentais gêné à l’époque d’en parler, je veux rendre ça normal. C’est correct de se sentir mal. Mais il faut se confier. J’étais timide de téléphoner à mon frère (Alex) et de lui dire que je n’éprouvais plus de plaisir à jouer au hockey. Je n’ai tellement pas aimé ce sentiment. Je veux ouvrir les gens à cette réalité. »

Il n’y a pas juste sur une patinoire où Desharnais peut démontrer toute sa force. Il le fait aussi en racontant à nouveau son histoire.