Par Hugo Fontaine
Bien avant qu'il amorce sa fructueuse carrière de pilote dans la LNH, Julien a fait ses classes dans la Ligue de hockey junior majeur du Québec, avec les Olympiques de Hull, pendant quatre ans.
C'est justement lors de sa première campagne comme entraîneur-chef, en 1996-1997, qu'il a fait la connaissance d'un flamboyant lanceur de 25 ans des Expos de Montréal, qui avait fait le trajet jusqu'à l'Aréna Robert-Guertin pour voir jouer les Olympiques.
«Je me rappelle que Pedro Martinez nous a visités à quelques reprises à Hull. Il venait dans mon bureau, prenait un bâton de hockey et maniait la rondelle pour essayer de faire comme les joueurs sur la glace», confie Julien au sujet de sa première rencontre avec l'éventuel gagnant du trophée Cy-Young dans la Ligue nationale, la même année.
Forts d'une fiche de 48-19-3 et champions du calendrier régulier dans la LHJMQ, les Olympiques s'apprêtaient à amorcer au printemps 1997 leur quête vers la coupe du Président et éventuellement, la coupe Memorial.
À quelques semaines d'accueillir chez eux à Hull le tournoi pour le championnat canadien, Julien et ses joueurs ont reçu la visite de l'as lanceur, qui a voulu motiver les troupes avant le début de leur parcours.
«J'étais très proche - et je le suis encore aujourd'hui - de Mark Routtenberg, qui était un des actionnaires des Expos, mais aussi de l'équipe de hockey. Avant le début des séries, il m'a emmené là-bas et il m'a présenté à quelques-uns des joueurs et aux entraîneurs. Je me suis finalement adressé à l'équipe en entier. Tous les joueurs dans le vestiaire étaient attentifs à ce que je disais et ils étaient très motivés par mon discours sur le fait d'affronter l'adversité», raconte Martinez, qui s'était lié d'amitié avec quelques-uns des joueurs, dont Pavel Rosa et Peter Worrell.
Alors que l'un des plus grands lanceurs de l'histoire des Expos était plus qu'heureux de partager quelques anecdotes avec ces jeunes hockeyeurs, ces derniers n'en revenaient tout simplement pas que Martinez avait consacré quelques heures de son temps pour venir les voir jouer. Parmi eux se trouvait un gardien qui allait disputer plus de 500 matchs dans la LNH, Martin Biron.
«Je me rappelle que Pedro avait également fait une mise au jeu protocolaire. J'avais joué quelques parties dans la Ligue nationale l'année d'avant et j'étais impressionné par le fait que les joueurs étaient tellement grands et gros. Mais ça m'avait frappé quand j'ai vu Pedro parce qu'il était tout petit, admet en riant celui qui avait été acquis par les Olympiques quelques mois plus tôt. Il était venu nous parler avant la partie. Je ne me rappelle pas beaucoup ce qu'il avait dit, mais on réalisait tous l'importance du moment. C'était Pedro Martinez, c'était une vedette internationale et un des meilleurs lanceurs au monde.»
Martinez était loin d'être un connaisseur au hockey, mais il a vu cette journée-là quelque chose qui lui a fait croire que les Olympiques étaient une équipe spéciale. Tellement qu'il a fait une prédiction plutôt audacieuse à la fin mars, considérant tout le chemin qu'ils avaient encore à parcourir.
«À la suite de la rencontre, j'ai dit à Mark : "Tu vas voir, on va aller jusqu'au bout", poursuit l'actuel analyste au réseau de télévision MLB Network. Il m'a répondu que si les Olympiques remportaient la coupe Memorial, j'aurais une bague comme tous les membres de l'équipe. Je lui ai répliqué que j'allais l'avoir parce que je suis un gagnant!»
Le message de l'ancien numéro 45 des Expos a eu l'effet escompté puisque les Hullois ont remporté 12 de leurs 14 parties éliminatoires pour mettre la main sur la quatrième coupe du Président de leur histoire. Quelques jours plus tard, alors qu'ils étaient les hôtes de la 79e édition du tournoi de la Coupe Memorial, les locaux ont accédé directement à la finale au terme de la ronde préliminaire, avant de disposer des Hurricanes de Lethbridge pour remporter le symbole par excellence du hockey junior au Canada.
Alors que les joueurs et les dirigeants des Olympiques ont célébré ce triomphe et qu'ils ont éventuellement reçu leurs bagues, Julien a eu vent de la fameuse conversation entre Martinez et Routtenberg. Par contre, il n'avait jamais eu l'occasion de savoir si l'artilleur vedette avait bel et bien reçu sa bague puisque ce dernier a été échangé aux Red Sox de Boston quelques mois plus tard.
C'est pour cette raison que lorsqu'il a lui aussi déménagé au Massachusetts 10 ans après Martinez, le nouvel entraîneur-chef des Bruins à l'époque a voulu mener sa propre enquête.
«J'ai souvent croisé Pedro quand j'étais à Boston. Il y demeurait toujours même s'il n'était plus avec les Red Sox. Quand je suis arrivé là-bas plusieurs années après la conquête de la coupe Memorial, j'ai fait mes recherches pour savoir s'il avait eu sa bague. Et en effet, il en a eu une!», témoigne celui qui a été à la barre des Bruins de 2007 à 2017.
Vingt années se sont écoulées depuis la saison de rêve des Olympiques, mais le membre de la cuvée 2015 du Temple de la renommée du baseball se souvient comme si c'était hier de ce qu'il a vécu à Hull.
Même s'il est très fier d'avoir reçu ce précieux bijou, ce n'est pas seulement la bague qui l'a marqué de son aventure avec l'équipe de hockey junior.
«Je l'ai encore chez moi aujourd'hui et je la garde au même endroit que ma bague de la Série mondiale. Je comprenais déjà à l'époque l'importance de cette bague. Je savais que c'était l'équivalent de la Série mondiale du hockey junior. C'est quelque chose de très spécial pour moi et jamais je ne la perdrai», admet Martinez, qui sait ce qui est nécessaire pour remporter les grands honneurs, ayant remporté le championnat au baseball majeur avec les Red Sox en 2004.
«La chose dont je me souviens le plus de Claude et de Mark est qu'ils avaient leur équipe et leurs joueurs à cœur. Qu'ils étaient entraîneur et propriétaire leur importait peu. Ils prenaient le temps de parler à chaque joueur individuellement et il y avait une si belle complicité entre eux. J'adorais ça», conclut-il.