Cristobal Huet

PARIS, France - Des partisans au visage peint en bleu-blanc-rouge, des affiches où l'on peut lire l'habile jeu de mots « Cristo-wall », des chandails flanqués du no 39 à l'arrière…
Non, nous ne sommes pas au Centre Bell en 2006 ou en 2007, Saku Koivu n'est pas le capitaine des Canadiens de Montréal et Alex Kovalev ne figure pas sur le premier trio du Tricolore.

Nous sommes plutôt à Paris, dans le cadre du Championnat du monde 2017 de la FIHG, où le gardien français de 41 ans Cristobal Huet dispute la dernière compétition internationale de sa carrière.
Chouchou du public lors de son passage à Montréal entre 2005 et 2008, ce n'est rien à côté de l'amour et l'admiration qu'on lui voue en France.
« C'est dur de décrire tout ce qu'il a fait pour nous comme ça, en cinq minutes, parce que ça fait des années que c'est l'exemple », a déclaré Pierre-Édouard Bellemare, l'attaquant français des Flyers de Philadelphie. « Le premier jour où je suis arrivée en équipe de France, j'étais jeune et c'était déjà lui l'exemple. Malgré les longues saisons qu'il disputait dans la LNH, il venait toujours [au Championnat du monde]. Du coup, nous les mecs qui sommes maintenant dans la LNH, on se trouve à avoir cette mentalité-là grâce à lui, le fait que l'équipe soit plus importante que les individus. Ce n'est pas difficile de parler en bien de lui. C'est le plus vieux joueur de l'équipe, c'est toujours le premier sur la glace, il est toujours là à dire présent. C'est dommage qu'il arrête, mais il mérite qu'on le laisse un peu tranquille depuis le temps qu'il nous sauve comme ça. »
« Je l'adore, je n'ai pas d'autres mots. Je suis un fan », a ajouté Philippe Bozon, commentateur-hockey à l'antenne de Canal+ et lui-même ancien attaquant de l'équipe de France. « La mentalité qu'il a, c'est aussi celle qu'on avait à l'époque, c'est-à-dire que l'équipe de France a toujours été pour nous quelque chose de particulier. Il a gardé cette culture-là, cet amour-là. Et au-delà de son talent, au-delà de ses réussites sportives - d'abord réussir à Montréal on sait très bien qu'il faut être très solide pour y arriver - après tout ce succès sportif qu'il a eu, pour moi c'est le personnage qui reste le même tout le temps; humble, simple, abordable, souriant… voilà, je suis en amour. »
L'entraîneur des Bleus, le franco-canadien Dave Henderson, avait lui aussi du mal à trouver une manière abrégée de parler de son gardien-vedette.
« J'aurais besoin de trois ou quatre heures pour vous parler de tout ce qu'il a fait pour le programme de hockey français, a-t-il blagué. Mais pas seulement comme joueur; aussi comme être humain et comme ambassadeur pour le hockey en France. C'est tellement une personne qui est prête à tout faire pour aller rencontrer les gens et les faire sentir les bienvenus, que ce soit les spectateurs dans les gradins, les bénévoles, les jeunes qui viennent d'arriver avec l'équipe… tu ne peux être un meilleur leader que lui. Et en plus de tout ça, c'est un gardien extraordinaire qui nous a permis de demeurer parmi l'élite mondiale depuis 2007. Je pourrais vous en parler pendant trois heures, mais ce serait trop long. »
Avec plus de 20 ans de carrière internationale à son actif, l'ancien des Kings de Los Angeles, des Canadiens, des Capitals de Washington et des Blackhawks de Chicago a décidé qu'il était temps d'accrocher son maillot de l'équipe de France au terme de ce Championnat du monde. Et le fait de choisir l'année où Paris est l'une des villes hôtes pour le faire n'était pas une coïncidence.
« Chaque année, c'est un peu la discussion. Depuis quatre ou cinq ans, j'ai beaucoup de fun en équipe de France. Le fait qu'on soit plus performant, ça donne envie de rester et de faire ce tournoi en fin de saison », a expliqué Huet, jeudi, quelques heures avant le match des Bleus contre le Canada. « Après, faut pas se mentir; c'est dur pour la famille de partir un mois et demi, pour les enfants ce n'est pas facile. C'est vrai que ça m'a traversé l'esprit [de prendre ma retraite] au cours des deux dernières années, mais il y avait Paris en bout de course donc je pense que ça valait la peine d'y aller. Je ne le regrette pas. »
Repêché en septième ronde (214e au total) par les Kings en 2001, Huet a passé près de huit saisons dans la LNH avant de retourner en Suisse après avoir remporté la Coupe Stanley en 2010 avec les Blackhawks. Et avec la fin de sa carrière internationale, la conclusion de sa carrière professionnelle devrait suivre dans un an.
« Ils m'ont demandé si je voulais faire une autre saison à Lausanne, ils ont pris un gardien qui a un bel avenir et je pense que ce sera une année de transition, a évoqué Huet. Ça lui permettra de s'acclimater et je pourrai l'aider un peu, et ensuite on ne sait jamais, mais je pense quand même que ce sera la fin.
« Je ne l'appréhende pas tant que ça, parce que je pense que je suis allé au bout de ce que j'avais à faire. Je tente de ne pas trop y penser parce que tant que je suis un joueur de hockey, j'essaie de me concentrer là-dessus et de profiter au maximum des moments qui me restent dans les vestiaires et sur la glace. »
De bons souvenirs de Montréal
Dur à croire qu'il y a déjà 13 ans, le directeur général des Canadiens Bob Gainey était allé chercher Huet et Radek Bonk des Kings, cédant en retour le gardien québécois Mathieu Garon et un choix de troisième ronde.
Après des séries éliminatoires mémorables au printemps 2006 contre les Hurricanes de la Caroline et futurs champions de la Coupe Stanley, et des performances étincelantes la saison suivante qui lui ont valu une participation au Match des étoiles de la LNH en janvier 2007, Montréal occupera toujours une place spéciale dans le cœur de Huet.
« Je pense que c'est une des plus belles périodes de ma vie comme sportif, mais aussi humainement parce que j'ai eu beaucoup de plaisir à Montréal, je me suis fait beaucoup d'amis, a-t-il dit. Je n'y retourne pas assez souvent, mais je suis toujours content quand je le fais.
« J'étais assez indécis sur la suite de ma carrière à ce moment-là, je suis arrivé blessé. J'ai beaucoup marché dans la ville au début, j'ai regardé les matchs depuis les estrades, je me suis imprégné de la culture. Je suis resté un peu la bouche ouverte pendant quelques mois, et puis quand j'ai joué, j'ai joué libéré, comme si je n'avais rien à perdre. Ça m'a servi de bonne leçon pour la suite, de jouer pour s'amuser et se faire plaisir. »
Même s'il n'arrive pas à mettre le doigt sur ce qui pourrait être son meilleur moment dans la Ligue nationale, après deux victoires impressionnantes de l'équipe de France contre la Finlande et la Suisse au cours des derniers jours, ce Championnat du monde 2017 de la FIHG devrait figurer parmi les meilleurs moments de sa carrière internationale… n'est-ce pas?
« Je te le dirai dans quelques jours! », a-t-il répondu, avec le sourire sympathique que les Montréalais n'ont certainement pas oublié.