Iginla a dissipé ses propres doutes pour atteindre le Temple
L'attaquant est devenu un franc-tireur d'élite et a remporté deux médailles d'or aux Jeux olympiques avec le Canada
Il avait récolté 50 points (21 buts, 29 passes) à sa première saison en 1996-97, prenant le deuxième rang au scrutin pour l'obtention du trophée Calder derrière Bryan Berard. Mais sa deuxième campagne a été marquée par des blessures, et il a amorcé sa troisième en étant blanchi dans sept des 10 premiers matchs en 1998-99.
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Il a commencé à se demander s'il n'était peut-être pas qu'un joueur moyen qui se satisfaisait simplement d'être dans la LNH.
« J'avais toujours rêvé de jouer dans la LNH et d'être un franc-tireur dans la LNH, a mentionné Iginla. Ç'a été plutôt difficile [lors de ma troisième saison] - le départ a été difficile - et je me souviens de m'être dit "Eh bien, merci, je me suis rendu dans la LNH, c'est génial. Peut-être que je ne serai pas un des meilleurs joueurs ou un buteur, mais c'est correct. Je m'y suis rendu. Je dois remercier la vie pour ça". »
Il y a de la joie dans sa voix alors qu'il se remémore les sentiments, ceux qui étaient bien réels à l'époque. C'est bien plus facile de regarder en arrière maintenant qu'Iginla est sur le point de faire son entrée au Temple de la renommée, maintenant qu'il a inscrit 1300 points (625 buts, 675 passes), maintenant qu'il s'est établi comme un des plus grands de l'histoire.
Il sera un des cinq joueurs à être intronisés au Temple de la renommée lundi à Toronto en compagnie de Kevin Lowe, Doug Wilson, Kim St-Pierre et Marian Hossa. Le directeur général Ken Holland sera également intronisé dans la catégorie des bâtisseurs.
La carrière d'Iginla s'est stabilisée, et pour le mieux, après cette troisième saison, alors que les points et la confiance ont augmenté - il a enregistré au moins 94 points à trois reprises. Malgré tout, Iginla admet ne s'être jamais senti établi ou en pleine possession de ses moyens. Il n'a jamais eu l'impression de l'avoir facile. Il se demande comment on se sent quand on fait partie des meilleurs comme Sidney Crosby, Alex Ovechkin ou Connor McDavid. Pourtant, son nom pourrait probablement faire partie de cette liste.
« Je les regarde et je me dis qu'ils doivent se pointer en se disant que c'est facile, que c'est une journée comme une autre », a-t-il dit avec émerveillement.
Après avoir été sélectionné au 11e rang par les Stars de Dallas en 1995, le natif d'Edmonton a disputé 20 saisons dans la LNH, dont 16 avec les Flames de Calgary avant de faire de courts passages chez les Penguins de Pittsburgh, les Bruins de Boston, l'Avalanche du Colorado et les Kings de Los Angeles. Il occupe le 16e rang de tous les temps pour les buts, à égalité avec Joe Sakic, et le 36e rang pour les points. En 2001-02, il a mis la main sur le trophée Art-Ross, remis au meilleur pointeur de la LNH, grâce à une récolte de 96 points (52 buts, 44 passes). Il a également remporté le trophée Maurice-Richard à titre de meilleur buteur et le trophée Ted-Lindsay (Lester B. Pearson à l'époque), remis au meilleur joueur de la Ligue selon ses pairs. Il a de plus hérité du trophée King Clancy pour son leadership et son implication dans la communauté, ainsi que le Maurice-Richard, en 2003-04. Puis, il a remporté le trophée du leadership Mark Messier en 2008-09.
Il a participé aux Jeux olympiques avec le Canada à trois occasions, mettant la main sur deux médailles d'or, mais rien n'a fait plus jaser que sa passe pour Crosby en prolongation lors de la finale contre les États-Unis aux Jeux de 2010 à Vancouver.
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En dépit de tout cela, Iginla a douté de ses capacités, contrairement aux autres.
« Tu pouvais constater au premier coup d'œil tout son talent sur la glace », a noté son ancien coéquipier chez les Flames Jamie McLellan, aujourd'hui analyste pour TSN. « Tu te dis, mon Dieu, ce gars-là a tout pour lui. Il possède le tir, le gabarit, la vitesse. Puis, à une époque où les batailles étaient un peu plus prédominantes dans certains aspects, il répondait présent. »
Iginla a également réalisé une foule de premières pour les joueurs noirs dans la LNH, dont l'atteinte des plateaux des 400, 500 et 600 buts et celui des 1000 points. Il est aussi le premier athlète noir à avoir remporté une médaille d'or aux Jeux olympiques d'hiver en triomphant avec le Canada en 2002.
« J'en retire une fierté et c'était un honneur d'être un joueur noir dans la LNH, a commenté Iginla. Quand je grandissais, c'était vraiment très important pour moi de voir d'autres joueurs noirs dans la LNH et de voir que c'était possible.
« De jeunes joueurs noirs m'ont dit qu'ils m'ont regardé et que je les ai inspirés. Ç'a une grande signification pour moi parce que je connais le sentiment que j'éprouvais quand je regardais jouer Grant Fuhr et Claude Vilgrain et que je tentais d'imiter les joueurs noirs qui avaient atteint la LNH avant moi. »
En tant que membre de la cuvée 2020 - l'intronisation a été reportée en raison de la pandémie -, il deviendra la quatrième personne noire à faire son entrée au Temple de la renommée après le gardien Fuhr, la pionnière du hockey féminin Angela James et Willie O'Ree, le premier joueur noir à avoir évolué dans la LNH et l'ambassadeur de la diversité de la Ligue qui a été intronisé comme bâtisseur en 2018.
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« À mesure que tu progresses dans ta carrière, tu veux voir le sport avancer, a dit Fuhr. Voir Willie faire son entrée [au Temple], voir Angela faire son entrée, et voir maintenant Jarome faire son entrée, ça démontre que le sport fait du progrès. […] Il ne pourrait y avoir de meilleur modèle. C'est ce qui est merveilleux : Jarome est un modèle pour n'importe quel joueur. »
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Après avoir été repêché par les Stars, Iginla a été échangé aux Flames le 19 décembre 1995 en compagnie du joueur de centre Corey Millen en retour du joueur de centre Joe Nieuwendyk. À son arrivée à Calgary, un journal a décidé de titrer : « Jarome qui? » Même le directeur général de l'époque Al Coates a avoué qu'il ne savait pas exactement quel était le calibre du joueur qu'il venait d'acquérir.
« Est-ce que je savais que je venais de mettre la main sur une vedette? », s'est demandé Coates en 2013. « La réponse est non. Et je vais défier tout le monde qui était avec l'équipe et qui m'a aidé à réaliser cette transaction d'avoir une opinion différente de la mienne là-dessus. »
Mais après sa saison avec les Blazers de Kamloops de la Ligue de hockey de l'Ouest en 1996, les Flames l'ont rappelé et l'ont lancé dans la gueule du loup en l'habillant pour le troisième match des quarts de finale contre les Blackhawks de Chicago. Il a obtenu une passe dans ce match, puis il a marqué lors du suivant, mais les Flames ont été balayés.
« Je ne m'attendais pas à jouer, mais soudainement, je me suis retrouvé sur le premier trio, s'est rappelé Iginla. J'étais au centre de Theo Fleury et German Titov sur la première ligne et je me retrouvais devant Jeremy Roenick, j'allais dans les coins avec [Chris] Chelios, et je devais tirer contre Eddie Belfour, rien de moins. »
Sa carrière a pris son envol immédiatement, même s'il n'a pas toujours eu l'impression que c'était le cas. Ses doutes se sont dissipés lorsqu'il a reçu une invitation tardive pour le camp d'Équipe Canada en vue des Jeux olympiques de 2002 à Salt Lake City à la suite d'une blessure subie par Simon Gagné.
« Je suis arrivé là, j'ai joué avec eux, et même si je ne sortais pas du lot nécessairement, je sentais que j'avais ma place avec eux, a-t-il souligné. Je pouvais tenir le coup. On parle d'Équipe Canada, avec certains des meilleurs joueurs au monde, et moi, j'étais avec eux et je me débrouillais très bien. »
Il a atteint de nouveaux sommets à partir de ce moment et on a rapidement vu qu'il avait le compas dans l'œil, qu'il était combatif et doté d'un grand sens de la compétition.
« Il n'y avait pas beaucoup de gars qui pouvaient marquer 30 buts chaque année en plus de jouer d'autres rôles si c'était nécessaire pour l'équipe », a souligné Fuhr, qui a joué avec Iginla en 1999-2000. « Il pouvait jouer le rôle du dur à cuire s'il le fallait. Il pouvait être le gars de finesse si c'était requis. Il pouvait être un agitateur s'il le fallait. Il n'y a pas beaucoup de joueurs qui peuvent remplir tous ces rôles. »
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Ce côté compétitif était légendaire.
Craig Conroy se souvient du temps où il était son coéquipier et qu'Iginla l'invitait à la maison pour Noël. Il avait été prévenu qu'il devait apporter ses patins, puisque l'idée était de passer un peu de temps sur la patinoire dans la cour. Mais ce n'était pas tout le monde qui avait le droit de sauter sur la glace.
« On voulait tous les deux gagner le match, a raconté Conroy. Ce n'était pas comme quand on va sur la glace pour s'amuser avec la rondelle. Les enfants n'avaient pas le droit de venir sur la patinoire parce qu'on jouait à pleine intensité. C'était comme ça avec Jarome. »
Ce n'était pas comme ça uniquement sur la glace. Ce l'était aussi avec des jeux vidéo dans l'avion de l'équipe. Ce l'était avec des jeux de société comme Risk, ou encore en jouant aux cartes sur Zoom pendant la pandémie. Ce l'était en tout temps.
« Les choses qui n'ont jamais changé depuis le premier jour sont sa fougue, son lancer, ses habiletés et le fait qu'il plaçait l'équipe en premier, s'est souvenu l'ancien entraîneur d'Iginla Bruce Boudreau. C'est ce que j'ai toujours remarqué chez lui. Si jamais un de nos joueurs faisait un coup de salaud à un adversaire, c'était Jarome, le capitaine, qui allait se pointer pour offrir de la protection. »
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Tout ça pour dire que le titre de capitaine lui a toujours été destiné.
Même si ceux qui gravitaient autour de lui n'ont pas compris sa décision, Conroy a expliqué qu'il savait avant la saison 2003-04 qu'il était temps pour lui de céder sa place. Bob Boughner, qui était co-capitaine avec Conroy au cours des deux saisons précédentes, n'était plus là, et Conroy a noté qu'il avait le sentiment que c'était véritablement l'équipe d'Iginla.
« Il était le leader, a résumé Conroy. Tout le monde le savait. »
À la fin de la saison, lorsque Iginla a terminé à égalité avec Ilya Kovalchuk et Rick Nash au premier rang de la LNH avec 41 buts, les Flames ont participé aux séries éliminatoires de la Coupe Stanley pour la première fois depuis 1996 et ont atteint la finale de la Coupe Stanley, où ils ont subi une défaite crève-cœur contre le Lightning de Tampa Bay.
Ils menaient la série 3-2, mais ont perdu le match no 6 par la marque de 3-2 en deuxième période de prolongation, avant de s'incliner 2-1 dans le match no 7 à Tampa Bay. Iginla n'est plus jamais passé aussi près de remporter les grands honneurs par la suite. Il affirme que ce souvenir est encore douloureux.
Mais, comme McLennan l'a dit : « C'est à ce moment que " Iggy" a montré à quel point il était bon. »
Et, en tant que capitaine, Iginla a mis en place un héritage qui allait mener ses amis et ses coéquipiers à parler autant de sa personnalité à l'extérieur de la glace que de ses exploits sur la patinoire.
« Vous n'allez jamais trouver un meilleur ambassadeur pour notre sport, a affirmé Conroy. Le temps qu'il prenait pour les partisans, pour faire des choses pour les autres. C'est bizarre parce qu'il était un intense compétiteur lorsqu'il était sur la glace - et il était sans merci quand il jouait, il insultait les autres, il se battait, il faisait tout ce qu'il avait à faire pour gagner - mais lorsqu'il sortait de l'aréna et qu'il enfilait son complet, il devenait l'un des êtres humains les plus gentils, empathiques et généreux que vous puissiez rencontrer. »
Il s'agit d'un constat qui revient sans cesse. Même si Iginla a démontré sur la glace à quel point il était un grand joueur, avec ses médailles d'or, ses buts et ses points, la personne qu'il était a eu encore plus d'impact. Son héritage se perpétue à l'extérieur de la patinoire et dans la communauté, dans la vie de ceux qui l'ont connu, et qui ont choisi de suivre son exemple.
« Je vais dire ceci, et je suis extrêmement biaisé, mais j'ai un standard concernant la manière dont les athlètes et les gens devraient vivre leur vie, et c'est Jarome qui a établi ce standard, a lancé McLennan. Il est tellement un bon mentor, un bel exemple de la manière dont on doit se comporter lorsque l'on connaît du succès et qu'on a la chance de pouvoir réaliser certaines choses.
« Il est une personne très, très spéciale. Et je ne parle pas seulement du hockey. Il est la référence que plusieurs d'entre nous utilisons pour vivre nos vies. »