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PLYMOUTH, Michigan – Manon Rhéaume n’a tout simplement pu contenir ses émotions quand elle a vu le fruit du travail qu’elle a amorcé, il y a plus de 30 ans, prendre forme avec le lancement de la Ligue professionnelle de hockey féminin (LPHF).

« J’ai regardé le repêchage et quand j’ai vu Taylor Heise être repêchée au premier rang, j’ai eu les larmes aux yeux », a raconté l’ancienne gardienne de but en entrevue avec LNH.com. 

« Ça fait des années que je travaille avec de jeunes filles. Elles n’avaient jamais pu rêver d’être repêchées ou de jouer au niveau professionnel, comme mes deux garçons. Maintenant, c’est possible. Ça me fait vieillir, et je me dis que j’aurais aimé pouvoir vivre ça à notre époque (rires). »

Le problème, c’est que sans une pionnière comme elle, ce grand projet aurait probablement mis plus de temps à aboutir. Elle est devenue, en 1992, la première femme à jouer un match dans la LNH quand elle a enfilé l’uniforme du Lightning de Tampa Bay dans un match préparatoire.

Il fallait bien que quelqu’un fasse éclater le plafond de verre pour que l’idée commence à germer. Mais on était encore très, très loin de pouvoir penser à la création de réseaux de développement de hockey féminin et, ainsi, à l’aboutissement d’une ligue entièrement féminine à six équipes.

« Je n’aurais jamais pu rêver à ça », rigole la femme de 51 ans, maintenant conseillère aux opérations hockey avec les Kings de Los Angeles. « J’avais de la misère à simplement jouer au hockey avec des femmes. À part l’équipe nationale, il n’y avait pas d’autres équipes dans mon coin (à Québec).

« Pendant une saison, je me souviens que je devais faire deux heures et demie de route pour jouer avec une équipe de Montréal. C’est plaisant de voir que ces femmes-là peuvent vivre en jouant au hockey. »

Plus il vieillit, et plus il gravit les échelons dans le monde du hockey, son plus jeune fils, Dakoda Rhéaume-Mullen, prend connaissance de l’ampleur de ce qu’elle a accompli près de 15 ans avant sa naissance.

« Quand j’étais jeune, ce n’était rien de très impressionnant pour moi, a avoué le jeune homme de 17 ans. En faisant mon chemin et en vivant toutes ces expériences dans le hockey, je réalise que c’est assez spécial. Je suis le seul à avoir une mère qui a joué dans la LNH. En vieillissant, je comprends l’importance de tout ce qu’elle a fait.

« Ce qui se passe avec la LPHF, c’est fantastique, a poursuivi fiston. On vit dans un monde complètement différent, maintenant, et ces joueuses méritent d’avoir une ligue professionnelle qui leur appartient. C’est énorme pour elles d’avoir l’occasion d’aspirer à leur rêve et de jouer chez les pros, aussi. »

Rhéaume est toujours conseillère auprès du programme féminin Little Caesars, qu’elle a mis sur pied dans la région de Detroit, mais elle a un emploi du temps fort chargé avec les Kings.

Depuis sa nomination en juillet 2022, elle fait des missions de dépistage, supervise le développement des espoirs de l’organisation et travaille aussi au sein du département des gardiens de but. À travers ça, elle s’implique dans les initiatives des Kings envers le hockey mineur, autant féminin que masculin, en Californie.

« J’apprends tous les jours, a-t-elle expliqué. J’aime travailler avec les espoirs, j’ai vécu toutes les étapes avec mes enfants. Je connais les hauts et les bas. Quand je parle avec eux, j’ai souvent l’impression d’entendre mes gars! C’est plaisant de faire partie de leur cheminement et de les voir grandir. »

Changement à la tradition

En étant basé au Michigan, Rhéaume a souvent la chance de voir Dakoda à l’œuvre dans ses fonctions puisqu’il s’aligne avec la formation des moins de 18 ans du programme national de développement de USA Hockey (NTDP), à Plymouth. Il sera d’ailleurs admissible au repêchage de la LNH, en 2025.

Mais ne le cherchez pas devant le filet, comme sa mère et son frère Dylan St. Cyr, le benjamin patrouille plutôt la ligne bleue. Les jambières n’étaient pas faites pour lui.

Dakoda-Rheaume-Mullen

« Mon frère et ses amis aimaient bien me mettre devant le filet, a rigolé celui qui fera le saut à l’Université du Michigan, l’an prochain. C’était naturel à ce stade, mais j’ai ensuite réalisé que je n’aimais pas les entraînements comme gardien. Tu es là et tu te fais siffler les oreilles avec des rondelles à longueur d’entraînement.

Rhéaume-Mullen est le deuxième de la famille à passer par le prestigieux programme américain. Plus jeune que ses coéquipiers en raison de sa date d’anniversaire tardive, il fait lentement ses classes et plusieurs le voient déjà être réclamé par une équipe de la grande ligue, l’an prochain.

« C’est spécial de le voir faire son chemin, a conclu la maman. Il a vécu l’expérience du NTDP à travers son frère et c’était son rêve de percer cette formation. Moi, je suis bien contente qu’il ne soit pas devant le filet! »