David Pastrnak pouvait comprendre la popularité de ce restaurant. C'était douillet, ça sentait bon et on y entendait des sons de guitare. C'était réconfortant - et à courte distance à pied - pour un jeune homme de 16 ans qui venait de déménager à des milliers de kilomètres de sa République tchèque natale vers l'inconnu de Södertälje, en Suède, dans le but de se donner une chance d'avoir un avenir dans le hockey.
Pastrnak prêt pour le prochain chapitre de sa vie
L'attaquant des Bruins se souvient de ses moments de solitude en Suède alors qu'il se prépare pour la venue de son premier enfant
© Len Redkoles/Getty Images
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Un adolescent, seul dans un nouveau pays, avec peu d'argent et encore moins de connaissances sur la langue locale, emmené là par l'attrait de jouer pour Södertälje en deuxième division suédoise pour la saison 2012-13. Pastrnak passait des heures avec la famille qui était propriétaire du restaurant, la Pizzeria Mimmo's.
Le changement de vie a porté ses fruits deux ans plus tard, alors que Pastrnak a fait sa place dans la LNH à l'âge de 18 ans. Il a continué à s'épanouir au cours de ses sept saisons avec les Bruins de Boston. Il est même devenu un des meilleurs attaquants de la LNH, apprécié par les partisans pour ses buts spectaculaires et sa personnalité, apprécié par ses coéquipiers pour son attitude dans le vestiaire, apprécié pour la maturité qu'il a développée alors qu'il s'approche d'un nouveau chapitre personnel - la venue de son premier enfant - au moment où les Bruins s'apprêtent à entamer ce qu'ils espèrent être un long parcours en séries éliminatoires de la Coupe Stanley.
Mais à l'époque, à Södertälje, même si l'avenir était séduisant, le moment présent était empreint de solitude.
Les membres de la famille chez Mimmo's comblaient ce vide. Il y avait Mimmo Perrone, le propriétaire, qui jouait de la guitare. Nicke Manikas chantait. Puis, il y avait Gabriella Perrone, la femme de Mimmo, surnommée Lella, et ses filles.
Ils l'ont entouré. Ce n'est pas exagéré de dire que Pastrnak se rendait au restaurant chaque jour, parfois même deux fois dans la journée. Il se sentait à l'aise là-bas.
« Mimmo's a une énorme place dans mon cœur, a dit Pastrnak. Mimmo et Lella, et même Nicke, ont une grande place dans mon cœur. Encore aujourd'hui, je deviens ému à parler d'eux. »
Sa personnalité reflétait celle qu'il a encore aujourd'hui - ouverte et joyeuse - et il était presque impossible pour eux de ne pas l'aimer, un sentiment qui est encore perceptible lorsqu'on discute avec Manikas.
« Il venait chaque jour, a raconté Manikas. À l'heure du lunch comme pour le souper. Parfois il apportait un repas à la maison, parfois il mangeait ici. […] Tous les gens se tiennent ici quand ils jouent [pour Sodertalje]. Mais il était spécial parce qu'il venait seul, il était seul. Il n'avait personne alors il avait ce lien proche avec nous. Nous le portions dans nos cœurs. »
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Ç'avait une grande signification pour lui. Peut-être encore plus aujourd'hui, alors que sa compréhension de la famille s'approfondit avec son premier enfant, un fils, attendu en juin. Il vient de passer la saison à nouveau séparé de sa mère et de son frère. Son père est décédé alors qu'il se trouvait en Suède.
Ça n'a pas été l'année la plus facile pour Pastrnak, comme ce ne l'a pas été pour qui que ce soit. Il n'a pas vu sa famille, qui se rend normalement à Boston pour quelque temps à Noël.
Ses performances sur la glace ont été parsemées de hauts et de bas. Il a bien commencé la saison avec cinq buts à ses trois premiers matchs, lui qui avait été opéré à la hanche le 16 septembre. Il a ensuite brillé en inscrivant un tour du chapeau contre les Flyers de Philadelphie à l'événement « La LNH dehors au lac Tahoe », le 22 février. Puis, récemment, il a traversé une séquence de 13 matchs au cours desquels il n'a marqué que deux buts.
« C'est frustrant pour un franc-tireur », a dit Pastrnak à propos de l'attention particulière qu'il reçoit de la part des défenseurs adverses. « Mais évidemment, je suis surveillé de plus près, particulièrement sur l'avantage numérique. […] C'est quelque chose de nouveau pour moi et il faut que j'apprenne. En même temps, j'aime ça et j'utilise ça pour me motiver et m'améliorer par le biais de nouvelles façons. »
Quand la saison a commencé, on se demandait s'il pouvait marquer 50 buts. Et voilà qu'elle tire à sa fin avec des questionnements sur son jeu. Pastrnak a récolté 47 points (20 buts, 27 passes) en 47 rencontres après avoir récolté 95 points en 70 matchs la saison dernière, alors qu'il avait partagé la tête au chapitre des buts dans la LNH avec Alex Ovechkin des Capitals de Washington.
Un long parcours en séries des Bruins dépend en partie de la capacité de Pastrnak à retrouver son côté dominant.
« Il ne termine pas les jeux comme il le faisait auparavant, a mentionné l'entraîneur Bruce Cassidy récemment. C'est parfois relié à l'exécution. Il semble jongler avec les rondelles plus que jamais auparavant. Pourquoi? Pour un joueur d'élite, c'est parfois une question de confiance. Parfois, ça peut être relié à la fatigue dans certaines situations. Parfois, il y a un peu de chance, les rondelles bondissent en votre faveur.
« Nous n'allons pas nous emporter. Nous savons quel type de joueur il peut être quand il est en feu. »
Ce pourrait être le cas bientôt. Pastrnak a marqué son 200e but dans la LNH, samedi, ce qui a fait de lui le cinquième plus rapide parmi les joueurs actifs à atteindre ce plateau - il a eu besoin de 437 matchs. Seuls Ovechkin (296), Steven Stamkos (354) du Lightning de Tampa Bay, Sidney Crosby (396) et Evgeni Malkin (417) des Penguins de Pittsburgh l'ont fait plus rapidement que lui. Il est également devenu le joueur le plus rapide à atteindre la marque en faisant ses débuts avec les Bruins, devançant Bobby Orr, qui avait eu besoin de 502 parties.
« Je ne m'imaginais pas marquer 200 buts dans la LNH », a confié Pastrnak samedi.
Qu'il retrouve ou pas sa touche de marqueur, Pastrnak, qui aura 25 ans le 25 mai, a au moins retrouvé une certaine constance à la maison, où il peut prendre une pause du hockey. Pour peindre la chambre. Pour assembler le berceau. Un endroit où il a une famille - avec sa copine Rebecca et bientôt son fils - à laquelle il rêvait quand il était seul en Suède, il y a quelques années.
« Tu ne penses plus au hockey quand tu reviens à la maison. Il y a évidemment d'autres priorités, a dit Pastrnak. Nous nous préparons pour la venue du bébé et nous ne pourrions être plus excités. Le hockey n'est pas un sujet de discussion dernièrement à la maison et c'est bien comme ça parfois.
« Quand les choses vont bien, tout va, et quand les choses ne vont pas bien, il faut être capable de penser à autre chose. C'est quelque chose de nouveau pour moi, mais je suis excité. La famille est toujours la priorité en fin de compte. Je suis reconnaissant de pouvoir vivre et de faire un métier que j'aime, mais au final, ce n'est que du sport. [Ma famille] sera toujours la priorité. »
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Ce n'est pas seulement le talent hors du commun qui a fait de Pastrnak une vedette. C'est sa personnalité, son flair, sa capacité à mettre de l'ambiance dans le vestiaire - que ce soit avec un sourire, une blague ou l'audace de porter un habit plutôt original.
C'est en partie ce qui a créé ce lien avec les membres de chez Mimmo's, ce qui a attiré l'attention de ses coéquipiers à Södertälje, ce qui le rend si populaire chez les Bruins.
« C'est une personne qui distribue de la joie partout autour de lui, une personne avec un grand cœur », avait dit sa mère, Marcela Ziembova, à LNH.com en 2019.
Pastrnak a cette habileté de se faire discret dans une chambre de hockey et de se démarquer à la fois.
« Il n'a pas la personnalité de quelqu'un qui domine le vestiaire et qui n'a pas de respect pour ce que nous tentons de faire, a dit Cassidy. Lorsque c'est le temps d'être sérieux, il est sérieux, et quand c'est le temps de s'amuser, il s'amuse. Je pense que c'est ce qui fait de David une personne exceptionnellement mature pour son âge. Quand vient le temps de s'entraîner et de jouer, il est concentré à 100 pour cent. »
Ç'a toujours été le cas.
« Ce n'est pas qu'il prenait beaucoup de place dans le vestiaire quand il était plus jeune », a dit le gardien des Sénateurs d'Ottawa Anton Forsberg, qui a joué pour Södertälje en 2012-13. « C'est plutôt qu'il n'avait pas peur de parler ou de faire quelques blagues ici et là. »
Forsberg, qui habitait près de chez Pastrnak (et de chez Mimmo's), le conduisait aux entraînements la plupart du temps cette saison-là. Il a vu Pastrnak travailler très fort, alors qu'il tissait des liens serrés avec William Nylander, qui évolue aujourd'hui pour les Maple Leafs de Toronto, et d'autres coéquipiers.
Ils l'ont également bien entouré.
« C'est un gars simple et c'est plaisant d'être en sa compagnie, a soutenu Nylander. Tout le monde voulait passer du temps avec lui. »
Et jouer avec lui également.
« Il est à peu près le même joueur, a dit Nylander. Il fait des jeux incroyables avec la rondelle, puis il marque des buts, des buts tout aussi incroyables. C'était la même chose quand il était jeune. Le même joueur, simplement plus fort et plus rapide. »
L'attaquant des Red Wings de Detroit Jakub Vrana a joué avec Pastrnak au sein de l'équipe nationale tchèque quand les deux avaient 15 ans. Ils ont pris le chemin de la Suède en même temps et Vrana a été sélectionné au 13e rang par les Capitals de Washington lors du Repêchage 2014. Pastrnak a été sélectionné au 25e rang.
« Je peux dire une chose, a dit Vrana. Depuis que je le connais, depuis notre jeune âge, il n'a pas beaucoup changé. C'est le même gars. Il a du plaisir à jouer au hockey. »