MatteoMannLepageLNH030223

Il est arrivé, dans sa jeunesse, que Matteo Mann rate l'heure du coucher. Pas parce qu'il était absorbé par sa console de jeu vidéo ou parce qu'il errait dans les rues de Sackville, au Nouveau-Brunswick, avec sa bande d'amis. Mais simplement parce qu'il était sur une mission de recrutement avec son père Trent.

À l'époque où le paternel, désormais directeur général adjoint des Sénateurs d'Ottawa, était recruteur pour la formation ottavienne, pas un match passait sans que le jeune Matteo insiste pour le suivre dans l'un des arénas de la LHJMQ.
« Quand j'étais dans les Maritimes, il demandait toujours s'il pouvait venir avec moi, s'est souvenu Trent, en entrevue avec LNH.com. J'en discutais avec sa mère Anna et on regardait à quelle heure se finirait le match avant de lui donner la permission… Il y a des soirs où il n'aurait peut-être pas dû venir, mais il aimait tellement ça (rires).
« C'était spécial pour lui de pouvoir faire ça, et ça nous donnait l'occasion de passer du temps ensemble. »
Les heures de sommeil amputées ici et là n'ont pas tout à fait été perdues. Pas du tout, en fait. Avance rapide, quelques années plus tard : du haut de ses 6 pieds 5 pouces et 225 livres, le jeune Mann est considéré comme le 84e meilleur espoir nord-américain par le Bureau central de dépistage de la LNH.
On vante évidemment le gabarit et les aptitudes défensives de l'arrière des Saguenéens de Chicoutimi, mais surtout sa compréhension du jeu et son intelligence sur la patinoire. N'allez pas croire qu'il s'agit d'un hasard.
« Quand je regardais les matchs avec lui, on remarquait les détails du jeu, a relaté le gaillard de 18 ans. Son travail m'intéresse depuis que je suis jeune, j'ai toujours voulu faire comme lui. Si ma carrière de joueur n'avait pas fonctionné, son métier m'aurait vraiment intéressé.
« Je n'ai jamais vraiment regardé les matchs comme un partisan. J'ai toujours remarqué les détails, que ce soit dans le junior ou dans la LNH. Ça m'a beaucoup aidé dans mon développement. Je vois les choses différemment, j'analyse beaucoup et je suis plus conscient de certaines choses. »
C'est notamment ce qui lui permet d'être confronté aux meilleurs éléments adverses, soir après soir, depuis l'année dernière. Cette opposition de grande qualité, et incidemment sa manière d'y faire face, a aussi fait en sorte qu'il est lentement apparu sur le radar des équipes de la LNH - notamment sur celui de son père.
« Matteo a toujours travaillé fort pour s'améliorer, et c'est ce qu'il a fait l'an passé, a raconté Trent. Il commençait à museler de bons espoirs de la LNH, et en parlant avec des gens du monde du hockey, je me suis mis à penser que c'était possible pour lui d'aspirer au repêchage cette année.
« Je suis certain qu'il y croit depuis longtemps, mais sa mère et moi, on n'a jamais vu plus loin que le prochain niveau. Il n'a jamais été le meilleur de son équipe, et il a toujours dû travailler pour obtenir ce qu'il voulait. »

TrentMannOTT

Il a notamment investi beaucoup d'heures sur son coup de patin, que ce soit à l'aréna ou sur la patinoire extérieure du domicile familial, qu'il se chargeait lui-même d'entretenir chaque hiver, dès l'âge de 10 ans. Le grand déblocage a finalement eu lieu au courant de la saison dernière.
Il avait déjà un impressionnant gabarit pour son âge, et il a ajouté le jeu de pieds nécessaire pour l'exploiter pleinement. Il a encore du travail à faire, mais il a les outils pour devenir un redoutable adversaire.
« Il est de plus en plus physique, a remarqué son entraîneur Yanick Jean au début mars. Son coup de patin s'est énormément développé dans les dernières années. Il doit maintenant aller chercher la confiance de l'utiliser pour être physique en tout temps. Il doit trouver son timingavec la vitesse de ses pieds. »
Blessures
La recherche de ce timinga été retardée quelque peu puisque le défenseur néo-brunswickois a passé plus de temps dans les gradins que sur la glace, en début de saison. Il a subi deux blessures différentes qui l'ont limité à 12 rencontres avant Noël.
« C'est devenu difficile sur le mental, a reconnu le principal intéressé. Je savais que je ne pouvais pas montrer ce que je pouvais faire et que je ne pouvais pas m'améliorer non plus. Mon objectif en deuxième moitié était d'afficher de la constance, et elle est venue en jouant des matchs. »
« Je l'ai trouvé anxieux à son retour au jeu en décembre, a renchéri Jean. Il voulait rapidement bien faire, mais c'est un gros bonhomme. Il devait se donner du temps. C'était impossible de revenir et d'être au même niveau que ceux qui jouaient depuis quatre mois. Il a pris son envol, il y a quelques semaines. »
À travers ces premiers mois frustrants, Mann a pu compter sur son père pour relativiser les choses. En plus de dix ans dans le monde du recrutement, Matteo n'est pas le premier espoir que Trent voyait subir une blessure lors de l'année la plus importante de sa carrière.
C'est l'un des nombreux avantages d'avoir un père qui sait exactement les tempêtes qu'il peut traverser. Et il a bien l'intention de continuer à se servir de ça.
« Il y a toujours des moments difficiles dans une année comme celle-là, a conclu Matteo. Je suis vraiment chanceux de l'avoir pour parler de hockey et pour me rassurer quand les choses vont moins bien. Je suis choyé de l'avoir à mes côtés. »
PHOTO : André Émond/LHJMQ