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Roberto Luongo a des frissons chaque fois qu'il revoit la séquence. Aux Jeux olympiques 2010 de Vancouver, le Canada et les États-Unis ont joué en prolongation dans le match décisif. Sidney Crosby a inscrit le but en or.
« C'est probablement le point culminant de ma carrière, a dit Luongo. Dans un moment où la pression est à son maximum, je trouve que c'est incroyable que nous ayons gagné de la sorte. »

Mais reculez la vidéo de quelques secondes.
L'attaquant des États-Unis Joe Pavelski a intercepté la rondelle au cercle droit en zone du Canada. En l'espace d'un instant, il s'est retourné et a décoché. Si la rondelle était entrée dans le filet, il aurait inscrit le but en or, pas Crosby. Les États-Unis auraient surpris le Canada... au Canada.
Luongo veillait au grain. Surpris, il a sorti le coude pour bloquer le tir. La rondelle a abouti devant lui, alors que les partisans scandaient « Lou! » Il était sur le point d'immobiliser la rondelle lorsqu'il a entendu le défenseur Scott Niedermayer la lui demander. Il l'a remise à Niedermayer pour amorcer la séquence dont tout le monde se souvient.
« Parfois, je me demande si les choses auraient été différentes si j'avais immobilisé la rondelle », a ajouté Luongo.
C'est le moment de souligner l'impact de Luongo dans l'histoire du hockey. Il sera intronisé au Temple de la renommée lundi, avec Daniel Alfredsson, Riikka Sallinen et les jumeaux Daniel et Henrik Sedin. Herb Carnegie sera intronisé à titre posthume dans la catégorie des bâtisseurs.
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Luongo prend le deuxième rang au chapitre des matchs joués (1044), derrière Martin Brodeur (1266), parmi les gardiens de la LNH et le quatrième échelon pour les victoires (489), derrière Brodeur (691), Patrick Roy (551) et Marc-André Fleury (525). Il est neuvième dans la catégorie des blanchissages (77). Parmi ceux qui ont disputé au moins 250 rencontres, il est à égalité avec Andrei Vasilevskiy au sixième rang au chapitre de pourcentage d'arrêts (,919).
Il est premier pour les victoires (252) et les jeux blancs (38) dans l'histoire des Canucks et premier au chapitre des gains (230) et des blanchissages (38) chez les Panthers de la Floride. Un seul autre gardien compte 200 victoires avec deux équipes : Roy avec les Canadiens de Montréal (289) et l'Avalanche du Colorado (262).
Compétitif et avec un sens de l'autodérision, Luongo n'était jamais satisfait. Il ne l'est toujours pas aujourd'hui.
Il a remporté une médaille d'or olympique en 2010 et 2014, tandis que lui et Cory Schneider se sont partagé le trophée Jennings en 2011, quand les Canucks ont terminé au premier rang de la LNH au chapitre des buts accordés (180).
Mais il admet qu'il a encore de la difficulté à avaler le fait qu'il n'a jamais gagné la Coupe Stanley ou le trophée Vézina, même s'il est passé bien près des deux honneurs.
Les Canucks ont atteint le match no 7 de la finale de la Coupe Stanley 2011. Ils ont remporté le trophée des Présidents à titre de meilleure équipe en saison régulière deux fois. À cinq reprises, Luongo s'est classé dans le top-4 du scrutin pour l'obtention du trophée Vézina, remis au meilleur gardien de la LNH. Il a été finaliste à trois reprises.
Lors de la saison 2006-07, il a terminé au deuxième rang du scrutin pour le Vézina, derrière Brodeur, et pour le trophée Hart, derrière Crosby, à titre de joueur le plus utile à son équipe.
« Ça exige beaucoup de temps et d'efforts, et je considère que c'est ce que j'ai fait durant toute ma vie afin d'être au sommet de mon art et d'être l'un des meilleurs gardiens de la Ligue chaque année, a indiqué Luongo. Je sais que, la plupart du temps, ça n'a pas été le cas, mais il s'agissait de mes objectifs chaque année : gagner la Coupe et être le meilleur gardien de la Ligue. C'est ce qui me motivait. »
Au final, la combinaison de longévité et d'excellence de Luongo est presque inégalée.
« Je suis fier d'avoir été en mesure de jouer à ce niveau pendant autant d'années », a ajouté Luongo.

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Luongo a grandi à quelques pâtés de maison de là où Brodeur a vécu, dans l'arrondissement de Saint-Léonard à Montréal. Il jouait au hockey dans la rue, mais il n'a pas enfilé des patins avant l'âge de 8 ans, ce qui est assez vieux pour un enfant canadien. Il avait de la difficulté à rester debout sur la glace.
« Je me souviens que je pleurais, s'est-il remémoré. Ç'avait été une journée difficile. »
Il a commencé à la position d'attaquant, même si son idole était un gardien : Grant Fuhr. Ses parents voulaient qu'il fasse de l'exercice et ils croyaient que les gardiens ne bougeaient pas assez. À l'âge de 11 ou 12 ans, le gardien au sein de son équipe est tombé malade, et c'est à ce moment que sa mère a cédé et lui a permis d'évoluer devant le filet.
« J'ai réussi un jeu blanc lors de ce match et je n'ai plus jamais changé de position », a-t-il raconté.
À l'âge de 15 ans, Luongo jouait avec l'équipe de Montréal-Bourassa, la même qui avait produit des gardiens de la LNH comme Brodeur, Félix Potvin et Stéphane Fiset. Le gourou des gardiens François Allaire l'a vu à l'œuvre pour la première fois. Même s'il ne faisait pas encore 6 pieds 3 pouces et 215 livres, Luongo était déjà imposant devant son filet.
« Il faisait beaucoup de choses typiques d'un jeune », a mentionné Allaire, qui allait travailler avec Luongo pour la majorité de sa carrière. « Mais on pouvait voir son gabarit, et son style papillon était très large. Sa mitaine était déjà l'une de ses forces. »
Sélectionné au quatrième rang du repêchage de 1997 par les Islanders de New York, Luongo était alors le gardien repêché le plus rapidement dans l'histoire de la LNH. Il a dû composer avec d'immenses attentes à son endroit durant sa carrière, tant à l'interne qu'à l'externe.
« Roberto était nerveux, a dit Allaire. Il était nerveux même pendant des parties préparatoires. Il veut être bon. Il veut montrer à ses coéquipiers qu'il est le numéro un. Il veut gagner pour son équipe. C'est quelque chose d'ancré au plus profond de sa personnalité. »
Après une saison avec les Islanders et cinq chez les Panthers, Luongo a été au sommet de sa carrière avec les Canucks entre 2006 et 2014. L'ancien défenseur des Canucks Kevin Bieksa a affirmé que Luongo était probablement le joueur le plus compétitif au sein de l'équipe lorsqu'il est arrivé.
« Il était tellement bon, et honnêtement, je ne pense pas que nous ayons marqué contre lui à l'entraînement lors des deux premières années, a mentionné Bieksa. Tu ne pouvais pas le déjouer parce qu'il voulait arrêter chacun des tirs dirigés vers lui. »
Luongo a été capitaine des Canucks de 2008 à 2010. Il est le seul à avoir agi comme gardien-capitaine dans la LNH depuis Bill Durnan avec les Canadiens lors de la saison 1947-48.
« Beaucoup de gardiens ont parfois peur de jouer, mais j'ai joué avec lui aux Olympiques », a dit Brodeur, qui a perdu son poste de gardien numéro un aux mains de Luongo en 2010. « Il voulait s'emparer de mon poste et il l'a fait. C'est la raison pour laquelle tu es aussi bon pendant aussi longtemps. Parce que tu es un compétiteur et que tu veux être devant le filet. Tu ne recules devant rien. »
Au fil du temps, peut-être pour évacuer la pression, Luongo a montré son côté drôle et autodérisoire. Son sens de la répartie l'a rapidement rendu célèbre sur Twitter. Mais le feu sacré brûlait toujours à l'intérieur.
« Il arrivait à trouver le juste équilibre entre rester décontracté et être concentré, et je pense que c'est une force également, a indiqué Daniel Sedin. Tu ne peux pas toujours être le boute-en-train et faire des blagues. Il y a des moments où tu dois te lever et être concentré. Il était un expert pour gérer ces deux aspects. »
Après que les Canucks eurent renvoyé Luongo aux Panthers, il n'a pas été sur le pilote automatique de 2014 à 2019. Il voulait réussir ce qu'il n'avait pas accompli à son premier passage avec l'équipe : participer aux séries éliminatoires de la Coupe Stanley. Les Panthers y sont parvenus en 2015-16, quand, à l'âge de 35 ans, il a terminé au quatrième rang du scrutin pour le Vézina.
« Beaucoup de gens pensaient que je revenais simplement pour prendre ma retraite, a souligné Luongo. Ce sont des gens qui ne me connaissent pas personnellement, car ce n'est pas qui je suis. »
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L'héritage de Luongo va au-delà de sa carrière de joueur.
Avant le match du 22 février 2018 contre les Capitals de Washington, Luongo a livré un discours. Il s'agissait du premier match à domicile des Panthers après que 17 personnes eurent été tuées dans une fusillade à l'école secondaire Marjory Stoneman Douglas de Parkland, en Floride.
« C'est probablement l'un des moments les plus importants de ma carrière, mais aussi de ma vie, a dit Luongo. En fait, je suis submergé d'émotions lorsque j'en parle. »
Luongo demeure à Parkland avec son épouse, Gina, sa fille, Gabriella, et son fils, Gianni. Son numéro 1 flotte maintenant dans les hauteurs du FLA Live Arena et il travaille comme conseiller principal au directeur général des Panthers Bill Zito. La flamme compétitive brûle encore en lui. Il admet qu'il aimerait peut-être un jour être DG, lorsque ses enfants seront plus vieux et qu'il aura le temps de composer avec la charge de travail.
« Lors des jours de match, je vis encore les mêmes émotions que lorsque je jouais, a dit Luongo. Je trouve que je suis encore impliqué dans le sport. C'est génial. »
Zito ne se fait pas prier pour louanger Luongo, qui supervise le département des gardiens - avec Allaire comme consultant - et qui contribue à divers aspects de l'organisation. Zito utilise des mots comme « brillant », « aimable » et « bienveillant » pour décrire Luongo. Il dit qu'il est « l'homme de caractère que tu veux que ton fils devienne en grandissant. » Zito se surprend souvent à mettre les bouchées doubles pour ne pas décevoir Luongo.
« Si vous voulez qu'il entre au Temple de la renommée comme joueur de hockey, c'est génial, a lancé Zito. Mais s'il y avait un Temple de la renommée pour les gens, il y serait intronisé également. »
\Avec la contribution du journaliste principal NHL.com Dan Rosen