Phil_Esposito_Ducks-Unlimited-FRANCAIS_on-bckgd

La LNH et Canards Illimités Canada s'associent pour raconter l'histoire de joueurs actuels et anciens de la LNH et expliquer comment l'accès aux patinoires extérieures communautaires et au plein air a contribué à façonner leur amour pour le sport. Aujourd’hui, pour le premier épisode de cette série d’articles, un aperçu de la façon dont Phil et Tony Esposito sont tombés en amour avec le hockey en plein air.

C’est à l’intérieur que Phil Esposito est devenu l’un des plus grands joueurs de l’histoire du hockey. Mais la légende des Bruins de Boston a entamé son périple vers le livre des records sur des patinoires sans toit, un fait qu’il n’a jamais oublié.

Esposito a brillé dans les arénas de la LNH à travers l’Amérique du Nord et dans un autre à Moscou, étant le cœur et l’âme d’Équipe Canada lors de l’historique Série du siècle de 1972 contre une équipe de Soviétiques.

Mais parlez-lui des racines de sa carrière et il vous amènera à l’extérieur, à la cour arrière de son enfance à Sault Ste. Marie, en Ontario, à une autre surface glacée près de son école primaire, et à une autre à environ un kilomètre de son domicile dans un parc communautaire qui a été renommé en son honneur en 1981.

On peut presque voir la buée de son souffle quand Esposito parle avec nostalgie du froid et de l’air frais de Soo, le surnom donné à son patelin ontarien. C’est sous un ciel tentaculaire parsemé d’étoiles et tacheté de neige qu’il est tombé amoureux du sport qui brûle encore très fort dans son cœur.

phil-5

Phil Esposito avec ses trois équipes de la LNH : Les Black Hawks de Chicago, les Bruins de Boston et les Rangers de New York.

Le visage de l’homme de 82 ans s’illumine pendant la conversation quand il revient sur la façon dont le hockey en plein air a profondément touché lui et son regretté frère Tony, un membre du Temple de la renommée qui a redéfini la position de gardien de but avec les Black Hawks de Chicago dans les années 1970.

« C’était amusant, tellement amusant », a dit Esposito depuis sa résidence de Tampa, lui qui travaille encore comme analyste à la radio pour le Lightning de Tampa Bay.

« À moins d’une tempête ou de pluie, il n’y a pas une journée d’hiver qui passait, aussi loin puis-je me souvenir, sans que Tony et moi soyons impliqués dans le hockey en plein air. »

Les frères ont été intronisés au Temple de la renommée à quatre ans d’intervalle; Phil en 1984, Tony en 1988.

phil-11

Tony Esposito (à gauche) est félicité par son frère Phil après que le gardien eut reçu le trophée Calder à titre de recrue de l’année en 1970; puis à Toronto lors du match no 2 de la Série du siècle de 1972.

Phil était un franc-tireur inné avec les Bruins, un double champion de la Coupe Stanley qui a commencé sa carrière avec les Black Hawks en 1963-64, l’a poursuivie avec les Bruins à partir de 1967-68, avant de la conclure en jouant six saisons avec les Rangers à compter de 1975-76. Il a mis la main sur le trophée Art-Ross, remis au meilleur pointeur de la Ligue, à cinq reprises, et sur le trophée Hart, remis au joueur le plus utile à son équipe, deux fois.

Ses 1590 points en 1282 matchs de saison régulière lui confèrent le 11e rang de l’histoire; ses 717 buts sont bons pour le septième échelon de tous les temps.

Tony a amorcé sa carrière avec les Canadiens de Montréal en 1968-69, mais est passé à Chicago l’année suivante et a passé 15 saisons avec les Black Hawks. Il a remporté le trophée Calder à titre de recrue de l’année en 1969-70 et a hérité du trophée Vézina, remis au meilleur gardien de la Ligue, à trois occasions.

Les deux frères ont été coéquipiers au niveau bantam, mais quand Phil est parti pour Sarnia afin de jouer Junior B, Tony a délaissé le hockey pendant un an pour jouer au football. Il a ensuite renoué avec le hockey en se joignant à la toute nouvelle équipe des Greyhounds de Sault Ste. Marie dans le Junior A.

phil-9

Tony Esposito et son masque iconique et son frère aîné Phil avec une copie du livre de 1971 « The Brothers Esposito » à Tampa en 2017.

Phil est arrivé dans la LNH cinq ans avant son frère, qui avait pris le chemin de Michigan Tech pour étudier en administration, tout en étant gardien pour l’équipe locale, les Huskies – l’une des bonnes équipes universitaires de l’époque.

Mais bien avant cela, ils étaient inséparables à l’extérieur dans le « Soo ».

Phil et Tony, qui ont 14 mois de différence, étaient sur une glace, dès l’âge de 4 ans et 3 ans, à glisser et à s’amuser sur une patinoire construite par leur père Patrick. Deux pommiers dans la cour, séparés par environ cinq pieds, servaient de poteaux d'un filet imaginaire.

« Tony était un bien meilleur patineur que je ne l’étais, s’est souvenu Phil. Et il marchait avant que ce jeune un peu grassouillet marche. »

Ensemble, ils allaient développer de la force dans leurs jambes au domicile de leurs grands-parents, situé juste en face de la maison familiale.

phil-12

Phil et Tony Esposito qui enseignent dans une école de hockey dans les années 1970.

« Notre grand-père avait l’habitude d’accrocher un billet d’un dollar sur la corde à linge, et Tony et moi sautions pour tenter de l’atteindre, a raconté Esposito en riant. On n’y arrivait pas, mais nous avons grandi et nous nous en rapprochions, alors il plaçait le dollar un peu plus loin sur la corde. C’était de toute beauté. »

Il éclate de rire quand on lui dit que ça ne pourrait plus se produire aujourd’hui, puisque les billets d’un dollar ne sont plus en circulation au Canada.

« Non seulement ça, a-t-il répondu. Il n’y a plus de cordes à linge non plus. »

Les frères ont rapidement commencé à fréquenter la patinoire située tout près de leur école. Avec les autres enfants du quartier, ils installaient les bandes à la fin de l’automne. Quand ils n’étaient pas là, on les trouvait tout près, à Central Park, où il y avait une petite cabane pour enfiler son équipement avec un appareil de chauffage.

Le père d’un ami opérait une station-service à Sault Ste. Marie et il était plus qu’heureux d’utiliser son camion équipé d’un chasse-neige pour nettoyer les deux patinoires. Les matchs étaient sans fin.

phil-10

Les parents de Phil et Tony Esposito, Frances et Patrick, avec deux photos de leurs fils : Tony (à gauche) et Phil (à droite) autour de 1946 et 1950 à Sault Ste. Marie, en Ontario.

Les premiers patins de Phil étaient ses bottes, auxquelles il attachait une double lame avec une courroie en cuir. Il a plus tard obtenu une vraie paire de patins. Son père les lui a achetés dans un magasin d’objets d’occasion.

Ils étaient trop grands d’au moins quelques points. Ses pieds étaient pratiquement perdus à l’intérieur, et il fallait deux ou trois paires de gros bas de laine pour remplir les patins.

« Dieu merci, j’avais des chevilles solides, a lancé Esposito. Je n’avais absolument aucun soutien dans ces patins. »

Si Phil était destiné à devenir un prolifique marqueur, Tony s’est retrouvé devant le filet par un concours de circonstances. Les frères et quelques-uns de leurs amis avaient l’habitude de s’exercer à tirer sur une patinoire extérieure, alternant un après l’autre devant le filet. Décocher des tirs n’étant pas la force de Tony, il se retrouvait souvent dans le rôle du gardien.

La patinoire de Central Park était à quelques centaines de mètres de la maison familiale, et certains des plus beaux souvenirs d’enfance de Phil sont les marches avec son frère, dans un froid glacial, pour aller jouer ces matchs improvisés.

phil-3

Phil Esposito suit l’action depuis le banc des Bruins de Boston lors de la saison 1967-68.

Tony se souvient d’une fois où ils ont filé à la patinoire après l’école et joué jusqu’au souper, avant de retourner à la maison et de manger avec leurs patins dans les pieds afin de pouvoir retourner jouer le plus rapidement possible par la suite. Leur mère Frances avait placé du papier journal autour des lames de leurs patins pour qu'ils n'endommagent pas le plancher.

Phil enfilait tout son équipement, sauf ses patins, pour la marche jusqu’au parc, tandis que Tony chargeait son équipement de gardien sur un traîneau.

« Papa ne nous y conduisait pas, mais il venait nous regarder jouer, debout dans le banc de neige, s’est remémoré Phil. Nous avions l’impression qu’il nous ramenait à la maison seulement si nous gagnions. Si nous perdions, nous devions marcher pour revenir. C’était notre motivation à gagner. »

Devant le filet, Tony portait un masque de receveur pour protéger ses lunettes. Un soir, ses lunettes étaient tellement embuées qu’il ne voyait plus la rondelle. Inutile de dire qu’il a connu une mauvaise soirée.

« Nous avons perdu, et je me rappelle qu’en marchant pour retourner à la maison, je traitais Tony de tous les noms et lui demandais s’il était aveugle, a dit Phil. Je me suis senti tellement mal – pas sur le coup, je dois l’admettre – mais des mois plus tard, quand j’ai appris que ses lunettes étaient embuées. »

phil-13

Phil Esposito évite la mise en échec de Billy MacMillan, des Maple Leafs de Toronto, derrière le filet du gardien Bruce Gamble dans un match en 1970 au Maple Leaf Gardens.

Sans rancune, évidemment. Les deux frères ont éventuellement joué l’un contre l’autre dans la LNH et ensemble avec le Canada à la Série du siècle. Tony a agi comme directeur général du Lightning grâce à son frère, qui a cofondé l’équipe.

Phil et Tony ont tous les deux affirmé que c’est en partie grâce à l’endroit où ils ont grandi qu’ils sont devenus des vedettes dans la LNH. Sault Ste. Marie, situé sur la rive est du lac Supérieur et niché entre le lac Michigan et le lac Huron, vivait grâce aux usines d’acier dans les années 1940 et 1950, et Tony se rappelle qu’il y faisait suffisamment froid pour qu’il y ait de la glace cinq mois par année. Pendant les sept autres mois, les deux frères jouaient au hockey-balle sur l’asphalte.

À la fin, la LNH et les arénas de la scène internationale ont été les lieux de leur carrière professionnelle, mais tout a commencé sur des patinoires à ciel ouvert.

Tony est décédé d’un cancer du pancréas en 2021 à l’âge de 78 ans. Il ne se passe pas une journée sans que son frère repense au lien inébranlable qui les unissait.

À ce jour, Phil Esposito se revoit en plein air avec son frère, à l’époque où le hockey signifiait des doigts et orteils gelés, le son d’une rondelle qui frappe le poteau ou la bande et une rondelle qui dévie jusque dans le banc de neige à l’extérieur de la patinoire. Jamais il n’oubliera ces moments de sa jeunesse et tous ces matchs sans fin joués près de chez lui.

Photo principale : Phil Esposito en action avec les Bruins de Boston durant un match des années 1970.