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OTTAWA – Artis Abols n’a pas mis de gants blancs quand est venu le temps de motiver ses troupes avant qu’ils sautent sur la patinoire du Centre Canadian Tire pour le match face au Canada qui devait, sur papier, être à sens unique.

« Je leur ai dit que nous étions l’équipe sans nom (no-name team) », a raconté l’entraîneur de la Lettonie devant une quinzaine de journalistes attroupés dans la zone mixte, après le puissant séisme causé par ses hommes au Championnat mondial junior.

« Quelques gars sont un peu connus. Pour le reste, je suis convaincu que vous ne savez même pas dans quelle ligue ils jouent. J’ai dit à mes joueurs que c’était la plus grosse scène sur la planète hockey à cette période de l’année. Que c’était le meilleur endroit pour prouver de quoi ils sont capables. »

Ils ont manifestement pris le message à la lettre.

À peine trois heures plus tard, ils entraient dans l’histoire du hockey letton et dans celle du Mondial junior en surprenant la formation canadienne avec une victoire de 3-2 en tirs de barrage. À tout jamais, les noms d’Eriks Mateiko, de Peteris Bulans et de Linards Feldbergs seront associés à cette soirée magique du 28 décembre.

Trois joueurs qui évoluent dans la LHJMQ, avec les Sea Dogs de Saint-Jean, les Saguenéens de Chicoutimi et le Phoenix de Sherbrooke, respectivement.

Le premier a marqué le premier but des siens, et celui de la victoire au huitième tour des tirs de barrage. Le deuxième a créé l’égalité avec 2:29 à écouler au cadran pour forcer la tenue de la prolongation. Et le troisième a repoussé 55 lancers pour garder les siens dans le coup tout au long de la soirée.

Les trois sont rentrés au vestiaire en festoyant, avec tous leurs coéquipiers, le triomphe d’une vie.

« C’était bien plaisant, a dit Bulans, le capitaine. Plusieurs gars ont pleuré de joie. C’est incroyable. »

La Lettonie n’a pas encore de médaille accrochée au cou, et il est encore possible qu’elle joue en ronde de relégation dans quelques jours. Mais cette victoire en ronde préliminaire – la routine pour les grandes puissances – est hautement significative pour cette petite nation de hockey.

En quatre affrontements entre les deux pays au Mondial junior avant celui de vendredi, le Canada avait dominé 41-4 au chapitre des buts, signant évidemment quatre victoires. Cette séquence est maintenant chose du passé.

« C’est incroyable, a poursuivi Bulans. Je pense aux jeunes qui vont se lever demain matin en regardant les faits saillants. C’est un exploit auquel j’aurais rêvé en grandissant. J’ai besoin que quelqu’un me pince. Je n’ai pas encore pleinement réalisé la portée de l’exploit. »

Une formule simple

Les Lettons ne se sont pas cassé la tête dans ce match. Ils ont joué du hockey conservateur, mais inspiré, résistants aux percées du Canada. Ils ont fait du bon boulot pour fermer l’enclave et limiter le nombre de chances de grande qualité. Ça n’a pas empêché Feldbergs de faire face à un imposant barrage de tirs.

Il ne s’attendait à rien de moins. C’est lui qui était devant la cage lettonne lors de la défaite de 10-0 encaissée aux mains de la formation canadienne, l’an dernier. Il avait donné sept buts sur 31 lancers avant d’être contraint de céder sa place.

« Je suis un peu fatigué, j’ai les jambes qui vacillent, a-t-il lancé innocemment devant les médias. Je sentais aussi quelques crampes pendant les tirs de barrage, mais rien de trop souffrant. […] J’étais dans ma tête, dans mon monde, et je faisais mes trucs. »

Le portier a permis aux siens de commencer à y croire quand il a repoussé les 12 tirs dirigés vers lui au premier vingt pour garder la marque immaculée. À partir de ce moment, on a senti qu’il se passait quelque chose de spécial au banc de la Lettonie, et que l’espoir gagnait du terrain.

« Nous avons joué avec ardeur, a lancé Mateiko. Je ne sais pas combien de tirs on a bloqués. On a joué comme une équipe. Tout le monde s’est arraché le cœur pour aller chercher cette victoire. »

Les Lettons ont posé un genou au sol quand le Canada a repris les devants 2-1 avec 5:38 à jouer. Quelques instants plus tard, ils obtenaient un jeu de puissance – un autre – et le reste appartient à l’histoire.

« Il fallait créer l’égalité, nous devions le faire, nous n’avions pas le choix, s’est souvenu Bulans, qui a accompli sa prophétie. On y croyait quand on a obtenu l’avantage numérique. Je me suis dit : "C’est le moment de briller. C’est le moment de briller." »

C’est ainsi que Bulans s’est fait un nom. Et que ses coéquipiers s’en sont fait un également.