On se transporte en janvier 2017.
Le Canada a rendez-vous avec la Suède en demi-finale du Championnat mondial junior, et les observateurs commencent à douter de la capacité de l'unifolié à vaincre une équipe qui montre une fiche parfaite et qui n'a fait qu'une bouchée de ses cinq adversaires à ce point du tournoi.
Ducharme, un pilote des temps modernes
L'entraîneur-chef par intérim des Canadiens a bâti son succès sur son approche méthodique et bien ficelée
À la veille du match, l'entraîneur-chef Dominique Ducharme - habituellement bien prudent - y va d'une déclaration incendiaire qui en fait sourciller plus d'un.
« La Suède a une bonne équipe, mais ça doit faire 10 ans qu'elle montre une fiche parfaite en ronde préliminaire et qu'elle perd quand ça devient plus difficile. On verra bien comment ça va virer pour eux. »
Le lendemain, la troupe du pilote québécois l'emporte 5-2, et s'inclinera éventuellement 5-4 face aux États-Unis en tirs de barrage dans un match pour l'or qui passera à l'histoire. Cette anecdote, en apparence anodine, résume parfaitement l'approche de Ducharme comme entraîneur.
« C'était du Dominique tout craché, rigole son acolyte Steve Hartley au bout du fil. C'était pensé et calculé. Il avait fait approuver son plan par Hockey Canada. Quand je dis qu'il est méthodique, tout ce qu'il dit et ce qu'il fait est précis et réfléchi. »
Hartley a la conviction que ce trait de caractère permettra à son ancien complice de relever son nouveau défi avec succès; celui de prendre les rênes des Canadiens de Montréal sur une base intérimaire à la suite des congédiements de Claude Julien et de Kirk Muller, mercredi.
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L'entraîneur des Voltigeurs de Drummondville parle en connaissance de cause. Il a été l'adjoint de Ducharme pendant trois saisons avec les Mooseheads d'Halifax et il a poursuivi le partenariat pour deux autres campagnes à Drummondville avant que son mentor ne soit embauché par le Tricolore à l'été 2018.
« Parfois, tu lui parles et il prend une pause avant de te répondre, a renchéri Hartley. Tu sais que sa réponse va être très précise. C'est ce qui fait en sorte qu'il a une facilité à communiquer avec ses joueurs et avec ses adjoints. Dominique, ce n'est pas un one-man-show.
« Tout le monde a un rôle précis dans les succès de l'équipe et tu sais exactement ce qui est attendu de ta part, que tu sois un joueur ou un entraîneur. C'est pourquoi il est bon dans le développement des joueurs et qu'il est capable de garder tout le monde heureux, peu importe que ce soit une vedette ou un gars de quatrième trio. »
C'est ce qui explique en partie la raison pour laquelle sa feuille de route est aussi étoffée. Il a mené les Mooseheads à la conquête de la Coupe du Président et de la Coupe Memorial en 2013, et il possède deux médailles du CMJ à son actif - une d'argent en 2017, et une d'or en 2018.
Plusieurs de ses anciens élèves ont aussi été repêchés et se sont établis dans la LNH. Il y a évidemment Jonathan Drouin et Nathan MacKinnon, mais il en a aidé plusieurs autres à exploiter leur potentiel et à jeter les bases d'une éventuelle carrière.
« Il m'a vraiment aidé à mon année de repêchage, s'est souvenu le défenseur des Blackhawks de Chicago, Nicolas Beaudin. Il m'a fait comprendre la game. Il y a quelques gars qui ont été repêchés chez les Voltigeurs, cette année-là, et ce n'est pas pour rien. C'était en grande partie grâce à lui et à Steve.
« Il est vraiment bon au chapitre de la communication. Tout le monde sait quoi faire, et il ne passe pas par quatre chemins pour te le dire. De l'extérieur, il n'a pas l'air d'être exigeant, mais il a parfois seulement besoin d'un regard pour te faire comprendre des choses. C'est un des meilleurs entraîneurs que j'ai eu. »
Les bons boutons
Tout revient à la communication. Déjà à ses premières années comme entraîneur-chef à Halifax - après un passage de trois saisons en tant qu'adjoint avec le Junior de Montréal - on vantait son approche « moderne » bien adaptée à la réalité changeante du hockey.
L'homme de hockey originaire de Joliette ne gérait pas son vestiaire comme un tout, mais comme des pièces distinctes qui avaient besoin d'un traitement personnalisé pour mener l'équipe vers les plus hauts sommets.
« J'allais dans son bureau pour le féliciter après des victoires, et il était déjà en train de penser à une façon d'aider tel ou tel joueur à mieux jouer, s'est remémoré le directeur général des Mooseheads, Cam Russell. Il n'était jamais satisfait et il ne s'est jamais assis sur ses lauriers. Il a toujours voulu améliorer l'équipe.
« Dom savait exactement sur quels boutons appuyer pour soutirer le meilleur de ses joueurs. Il ne traitait pas tout le monde de la même manière. Il savait qui avait besoin de se faire encourager, et qui fonctionnait mieux en se faisant mettre au défi. Il connaissait ses joueurs, et tout ça découle de la communication. »
Il y a évidemment une différence entre le fait de diriger une équipe junior et celui d'être à la barre d'une des organisations les plus prestigieuses de l'histoire du hockey. Mais Ducharme s'est déjà retrouvé sous les projecteurs, et il a trouvé le moyen d'y connaître du succès.
Comme cette fois, contre la Suède au Mondial junior, alors que le tournoi était présenté en sol canadien, à Toronto et à Montréal.
« Dominique a une facilité à s'exprimer et à expliquer les choses de façon claire et précise, a conclu Hartley. Il est toujours calme et il a la capacité de rester dans le moment présent. Je suis convaincu qu'il est prêt à faire face à ce défi-là, et à gérer la pression du marché montréalais. »