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OTTAWA – L’aveu de Scott Salmond est venu au détour d’une réponse sur le message qu’il voulait envoyer aux amateurs de hockey canadiens après une deuxième élimination de suite en quarts de finale face à la Tchéquie au Championnat mondial junior.

Flanqué du directeur général d’Équipe Canada junior, Peter Anholt, et du recruteur-chef, Al Murray, le premier vice-président des opérations hockey a accepté le blâme que ses collègues de la direction ont rejeté pendant les vingt minutes de ce bilan hâtif très couru, dans un hôtel du centre-ville d’Ottawa.

« Vous pouvez me blâmer, a-t-il lâché d’un ton légèrement agressif, vendredi. Si vous pensez que le problème est le recrutement, c’est moi qui embauche les recruteurs. Si vous pensez que c’est l’entraîneur, c’est moi qui l’a embauché. Si vous voulez blâmer quelqu’un, blâmez-moi. Ça vient avec mon mandat.

« Dans notre pays, on doit gagner beaucoup plus souvent que l’on perd. […] Personne ne veut gagner plus que les joueurs dans ce vestiaire. Personne. On ne prend pas de décisions politiques ni de décisions émotives. On prend des décisions calculées dans le but de gagner. Parfois tu gagnes, parfois tu perds. »

Dans ce tournoi présenté dans la capitale fédérale, le Canada a perdu beaucoup plus souvent qu’il n’a gagné.

Il a conclu la ronde préliminaire avec seulement deux victoires en quatre matchs, et s’est encore incliné face à la Tchéquie en quarts. Le même scénario s’était produit l’an dernier, en Suède, et le groupe de direction avait assuré que tous les moyens avaient été pris pour éviter de subir cet affront de nouveau.

L’état-major a clamé sur toutes les tribunes que l’accent avait été mis sur l’esprit de compétition des joueurs sélectionnés, et avait justifié le fait de retrancher plusieurs (très) bons éléments offensifs en disant ne pas vouloir miser sur des patineurs unidimensionnels.

Les attaquants Beckett Senecke et Andrew Cristall et le défenseur Zayne Parekh ont été retranchés au camp de sélection. Les attaquants Michael Misa et Michael Hage ainsi que l’arrière Carter Yakemchuk ont tout simplement été ignorés. Ils auraient tous pu donner un coup de main à leurs compatriotes.

« Je ne pense pas que notre équipe manquait de talent, a souligné Murray. On n’a pas marqué, mais c’était un problème collectif que je ne sais pas comment expliquer. On recherchait du talent. Si vous regardez les statistiques de nos joueurs, ils affichent tous une bonne production dans leur ligue respective.

« On ne voulait pas de joueurs unidimensionnels. On ne voulait pas que des compétiteurs sans habiletés. Je crois qu’on avait trouvé un bon équilibre. Ultimement, ça n’a pas fonctionné. »

Un problème d’évaluation?

Si toutes les décisions qui ont été prises ont été les bonnes, de l’avis du groupe de direction, alors le problème se trouve peut-être dans sa capacité d’évaluation à tous les niveaux. Il est vrai que le Canada avait une équipe pouvant aspirer à l’or – c’est le cas tous les ans – mais cette notion est demeurée très théorique.

Nous voilà au même stade après un tournoi encore moins convaincant que le dernier. La troupe de Dave Cameron a inscrit 13 buts en cinq matchs, les attaquants n’ont jamais établi la chimie, le groupe a montré très peu de combativité et les gros canons ne se sont jamais levés.

Sans oublier que le Canada s’est incliné en tirs de barrage contre la Lettonie – un résultat humiliant pour une telle puissance. Pourtant, Anholt – à l’instar de ses deux collègues – a répété qu’il ne changerait rien au travail qui a été fait malgré le résultat « inacceptable ».

« Je ne changerais pas la formation que nous avions ni le personnel d’entraîneur que nous avions, a-t-il plaidé. Je crois que nous avions un très bon groupe. Nous avions un groupe avec beaucoup de caractère. En fin de compte, nous n’avons simplement pas livré la marchandise. »

Pourtant, plusieurs des joueurs de ce groupe avaient terminé sur la première marche du podium à la Coupe Hlinka-Gretzky il y a deux ans. Si le calibre de ce tournoi n’est pas aussi relevé que le Mondial junior, il reste que la formation canadienne avait inscrit pas moins de 34 buts en cinq matchs.

Calum Ritchie (10), Brayden Yager (9) et Ethan Gauthier (7) avaient mené cette équipe offensivement. La chimie a donc déjà opéré. Mais ils ont respectivement été limités à deux, trois et aucun point dans ce tournoi.

« Nos succès aux niveaux inférieurs devraient être des indicateurs des succès à venir au Mondial, a opiné Salmond. On doit creuser un peu plus pour voir pourquoi ça ne s’est pas transposé cette année. C’est une bonne question. On doit se la poser et faire notre petite enquête. »

Cameron pointé du doigt

L’une des pistes avancées par plusieurs est l’incapacité de Dave Cameron, qui n’avait jamais travaillé avec ce groupe, à mettre en marche la puissante machine qu’il avait sous la main.

On lui a reproché son manque d’ajustements, son refus de tenir des entraînements et son système de jeu trop rigide, qui a empêché tous ces joueurs de talent de s’exprimer librement. Il n’a pas non plus tenu ses joueurs responsables pour leur criante indiscipline et les choses ont continué de déraper jusqu’en quarts.

La Tchéquie a d’ailleurs marqué le but de la victoire sur le jeu de puissance, avec 39,4 secondes à faire.

« Dave est un homme de caractère, a argué Salmond. Le poste qu’il a accepté en est un difficile. Dès le premier jour du camp, il a mis en place une identité et une manière de jouer et il y a tenu fermement. Il a poussé les joueurs comme il sait le faire, et il les a mis au défi.

« Au final, Dave ne marque pas les buts. C’est son travail de placer les joueurs dans une position pour le faire et je pense qu’il a rempli sa part du mandat. »

Les chiffres mentent rarement, et ils tendent pourtant à démontrer le contraire. Manifestement, le travail d’introspection ne fait que commencer chez Hockey Canada.