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CHESTNUT HILL, Mass. – Jacob Fowler gravit les marches du Conte Forum pour venir à notre rencontre avec un grand sourire orné d’une moustache dégarnie qui trahit légèrement ses 19 ans. Le jeune gardien est visiblement heureux de voir débarquer de la visite de Montréal dans cette cossue banlieue de Boston.

« Je ne la trouve pas si mal, répond-il en riant lorsqu’on le complimente pour ses efforts pour le Movember. Je dois dire que certains gars réussissent mieux que d’autres dans notre équipe. »

L’exubérance de sa moustache n’est qu’une des nombreuses raisons qui permettent à l’espoir des Canadiens de sourire en ce début de saison. En 10 matchs devant la cage de Boston College, il a signé huit victoires, maintenant une moyenne de buts alloués de 1,39 et un taux d’efficacité de ,949.

« C’est un meilleur départ que ce à quoi je m’attendais, disait-il à la veille de signer, déjà, son quatrième jeu blanc de la saison, vendredi. Il y a beaucoup de choses que je veux améliorer et ajouter à mon jeu, pas seulement pour être bon dans les rangs universitaires, mais pour être prêt à faire le saut au prochain niveau. »

Cette première allusion au « prochain niveau » vient assez rapidement dans la discussion.

Et on se rend compte que c’est la dichotomie dans laquelle se retrouve le choix de troisième tour de l’organisation montréalaise à l’encan de 2023. D’un côté, il y a l’objectif d’un championnat national avec Boston College, et de l’autre, son développement personnel et les attentes qui pèsent déjà sur lui.

Fowler a beau évoluer à quelques centaines de kilomètres de la métropole québécoise, chacun de ses départs est suivi avec attention. Il n’y a pas moyen de s’en sortir quand on a l’étiquette du « prochain » numéro un.

Ses bons coups, comme ses quatre jeux blancs, retiennent autant l’attention que ses mauvais. La nouvelle de sa suspension d’un match pour avoir asséné un coup de bouclier à un adversaire de l’Université du Connecticut a fait le désormais infâme « tour du web », il y a une semaine.

« Ma tante vit encore à Montréal et elle est bien au courant de la passion des partisans, souligne-t-il. Je lui rappelle souvent de ne pas trop se laisser emporter par tout ça. C’est la même chose pour moi. J’ai une belle chance, et le rêve est de jouer pour le Bleu-Blanc-Rouge, mais il y a encore beaucoup d’étapes à franchir. »

La transition chez les professionnels, et le moment qu’il choisira pour la faire, sera la première étape importante. S’il parvient à maintenir le rythme pour dominer dans la NCAA, et qu’il guide éventuellement les siens vers la terre promise, la tentation de signer un contrat avec le Tricolore sera présente.

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Ça ne signifie pas que Fowler pourra immédiatement transposer ses succès dans la grande ligue.

L’entraîneur associé Mike Ayers, spécialiste des gardiens, en sait quelque chose. Il a notamment travaillé avec Thatcher Demko, Joseph Woll et Spencer Knight dans ses 12 années à Boston College – tous des portiers qui ont eu besoin de quelques années avant de s’imposer dans la LNH.

« Le développement des gardiens requiert plus de temps, prévient-il, assis dans son bureau qui surplombe le verdoyant terrain de football de l’université. Jacob a fait de grands pas dans son développement et je sais qu’il sera capable de faire le saut quand le bon moment sera venu pour lui.

« Il connaît un excellent départ. C’est en effet excitant pour lui, et pour notre équipe. Comme entraîneur, je tente de le préparer le plus possible pour le prochain niveau. Mais il ne comprendra pas ce que c’est réellement tant qu’il ne sera pas là à l’expérimenter et à le vivre tous les jours. »

Fowler en est bien conscient. Les discussions qu’il a eues avec Ayers résonnent dans les similitudes de leurs discours. Reste que le jeune homme transpire la confiance. Il a l’intention de mettre toutes les chances de son côté pour déjouer les pronostics.

« Le but est de devenir la meilleure version de moi-même pour être fin prêt quand le temps sera venu, explique-t-il en regardant la patinoire. Je dois comprendre que tout ne sera pas parfait dès le début. Peu importe à quel point tu domines dans la NCAA, ce sera difficile de le faire dans la grande ligue.

« Mais, tu sais, je veux être une exception à cette règle. Quand le jour viendra, je veux être prêt à jouer et à occuper un rôle important. »

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Bâtir tous les jours

C’est la raison pour laquelle il aborde chaque nouvelle journée avec autant d’importance. Il passe beaucoup de temps à étudier les tendances de ses adversaires, à travailler sur l’aspect mental de sa position, et à peaufiner les détails techniques de son jeu. Gare à ceux qui voudraient le déjouer, même à l’entraînement.

« Ses habitudes de travail sont sur la coche, vante l’attaquant Ryan Leonard. Il donne un but et il est furax, même si ce n’est qu’un exercice. Il est dur envers lui-même et c’est la marque de commerce des joueurs élites. Ils ne sont jamais satisfaits. Il veut être le pilier de cette équipe, et il fixe ses attentes en conséquence. »

À Boston College, malgré la présence de nombreux étudiants crinqués, la pression et les attentes viennent surtout de l’intérieur du vestiaire. Fowler et les siens se sont juré de ne pas revivre l’échec qu’ils ont vécu en finale du Frozen Four, l’an dernier, contre l’Université de Denver.

À Montréal, ce sera différent.

Le gardien arrivera à un moment où le noyau de l’équipe entrera dans un cycle de performance – en théorie. Les attentes seront élevées et la pression viendra de partout. Ça ne risque pas d’être un problème, selon ceux qui le côtoient au quotidien.

« Jacob aime les projecteurs, conclut Ayers en se reculant dans sa chaise. Rien ne le rend nerveux, et je pense que c’est une bonne chose. Il a joué sur de grandes scènes, il a gagné des championnats et il a gravi les échelons. Je pense que c’est en grande partie pourquoi les Canadiens l’ont sélectionné.

« C’est du moins ce qui fait que nous l’aimons. Nous voulons des gagnants ici, et il adopte cette attitude tous les jours. Il accueille bien la pression, ce qui est une qualité indéniable à cette position. »