PLYMOUTH, Michigan- Dans un univers où les victoires règnent sur tout le reste et définissent les succès ou les ratés d'une équipe, un village d'irrésistibles Gaulois situé dans les lointaines contrées (ou pas) du Michigan résiste à la tentation de tout miser sur les « deux points ».
NTDP: L'adversité avant les victoires
La philosophie du programme américain détonne avec celle que l'on retrouve partout ailleurs en Amérique du Nord
Au Programme de développement de l'équipe nationale de USA Hockey (NTDP), vous ne trouverez pas de fiches ni de classements sur les murs. Facile de tout dénicher sur internet, vous croyez? Seulement si vous disposez de longues minutes pour compiler manuellement les résultats de chaque match de la saison.
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Au NTDP, l'objectif est assurément de gagner le plus souvent possible. Mais les défaites font partie du processus d'apprentissage dans lequel on immerge la majeure partie des meilleurs espoirs au pays. C'est par là que sont passés les Auston Matthews, Jack Eichel, Patrick Kane et Jack Hughes, entre autres.
« Notre philosophie au programme est de plonger nos joueurs dans l'adversité et dans une quantité phénoménale d'échecs, mais surtout d'enseigner à travers ça, a expliqué Seth Appert, l'entraîneur de l'équipe des moins de 18 ans. Les joueurs le voient dès la première de leurs deux années avec nous.
« Avec les moins de 17 ans, ils affrontent des équipes de la USHL majoritairement formées de gars âgés de 18 à 20 ans, alors qu'ils ont tous 16 ans. Chez les moins de 18 ans, nous jouons une série de matchs contre des équipes de la NCAA et des joueurs âgés de 19 à 24 ans. »
On peut imaginer l'ampleur du défi. Ils ont beau former un regroupement des plus beaux talents de leur groupe d'âge, la marche est haute quand vient le temps d'affronter des hommes physiquement plus matures à seulement 17 ans.
À preuve, la troupe de Appert n'a remporté que quatre de ses 16 matchs (4-10-1-1) contre les équipes universitaires jusqu'ici cette saison, alors qu'elle maintient une fiche fort respectable de 11-2-0 contre les formations de la USHL, l'équivalent du hockey junior majeur aux États-Unis. L'an dernier, elle a terminé l'année avec un dossier complet de 18-30-5-5. Oui, nous avons sorti la calculatrice.
« C'est sûr que c'est une adaptation, a expliqué l'attaquant québécois Thomas Bordeleau. Contre les équipes juniors, on a une petite marge d'erreur que l'on n'a pas contre les équipes universitaires. C'est simplement d'être plus rapides, plus alertes et de jouer plus vite. »
Malgré le fait que les victoires viennent plus rarement contre les équipes de la NCAA, les poubelles du vestiaire sont demeurées au plancher et Appert n'a pas eu à demander à nounou de décrocher le chandail de son meilleur joueur. L'équipe retourne à l'entraînement sans même s'attarder aux détails qui ont cloché lors du match précédent, que ce soit les unités spéciales ou le jeu défensif. L'accent est mis sur le développement individuel.
« Nous voulons gagner le match de vendredi, a insisté Appert. Mais le résultat de ce match ne définit pas le succès de notre programme. Nous avons donc le luxe de pousser nos joueurs à l'entraînement et dans le gym tout au long de la semaine sans trop nous soucier de leur niveau de fatigue.
« Nous voyons plus à long terme. Au lieu de mettre l'accent sur les résultats des matchs de vendredi ou de samedi, nous le mettons sur les joueurs. C'est une approche très différente, mais nous croyons qu'en faisant ça, le succès et les résultats vont éventuellement venir. »
Équilibre délicat
L'objectif des dirigeants est de trouver l'équilibre parfait entre la victoire, la défaite et le développement des jeunes. Il est donc important de mettre les bonnes personnes en place pour s'assurer qu'ils comprennent et qu'ils respectent la mission du programme.
« Nous faisons confiance à des entraîneurs qui veulent gagner, mais qui comprennent aussi que nous ne voulons pas gagner tous nos matchs à tout prix, a fait valoir le directeur des opérations Scott Monaghan. Nous voulons utiliser certains concepts appris en cours de semaine et les appliquer au match suivant.
« Tout ça pour être prêt pour les évènements internationaux qui priment dans notre calendrier, comme le tournoi des cinq nations en février et le Championnat mondial des moins de 18 ans en avril. C'est là que nous pouvons voir si l'apprentissage s'est fait et que nous voulons absolument la victoire. »
Les joueurs ont donc amplement le temps de vivre leurs échecs et de se relever à maintes reprises avant de se mesurer aux meilleurs de leur âge au niveau international. Et c'est exactement l'objectif derrière cette philosophie.
« C'est important qu'ils soient tannés de la défaite, a conclu Appert. Ça fait partie du processus. Mais ils ne peuvent pas ressasser trop longtemps le sentiment négatif qui y est associé, sans quoi les entraînements vont devenir une montagne et ils ne s'amélioreront pas. C'est l'équilibre délicat que nous devons trouver. »
Photos : Rena Laverty / USA Hockey's NTDP