Jeremie Poirier badge Marcotte

Notre chroniqueur Anthony Marcotte nous parle de l’actualité chez le Rocket de Laval ainsi que dans l’ensemble de la Ligue américaine de hockey (LAH). Il permettra aux partisans de suivre assidûment ce qui se passe dans l’antichambre de la meilleure ligue de hockey au monde.

Jérémie Poirier n’a aucun mal à raconter dans les moindres détails la terrible blessure qu’il a subie en octobre 2023. Une profonde lacération au bras droit avait freiné son bel élan à la ligne bleue des Wranglers de Calgary et pire encore, remis en question sa carrière au grand complet.

L’histoire vous avait été racontée plus tôt cet automne par mon collègue Guillaume Lepage alors que Poirier se préparait à amorcer une autre saison au sein du club-école des Flames, pour qui il a été un choix de troisième tour au repêchage 2020. On est donc retourné prendre de ses nouvelles alors que l’arrière gaucher reprend progressivement son rythme au sein d’une des meilleures formations de la Ligue américaine en ce début de saison. Présentement, les Wranglers occupent le premier rang de la section Pacifique avec 13 victoires en 17 matchs.

C’est un jeune homme souriant, voire soulagé, à qui on a parlé en début de semaine alors qu’il se préparait à affronter les Gulls de San Diego sous le chaud soleil de la Californie.

« Il y a pire que ça dans la vie! », a commencé par dire en riant Poirier à LNH.com, sous quelques palmiers et un ciel bleu à faire rêver.

Le natif de Salaberry-de-Valleyfield est simplement heureux de rejouer au hockey et de contribuer aux succès de son club après une saison de misère qui lui a fait douter de son avenir.

« C’est vraiment l’aspect mental qui est le plus difficile, a-t-il admis. Oui, il y a l’aspect physique aussi parce que ce n’était pas une petite blessure non plus. Disons que ce n’est pas comme si je m’étais tordu une cheville. Il y a eu plein de complications et plusieurs opérations. C’est beaucoup de temps passé avec soi-même à ne pas jouer au hockey.

« Quand toute ta routine quotidienne est virée à l’envers, ce n'est vraiment pas facile. Je n’étais même pas capable de me couler un verre d’eau au début. Alors c’est certain qu’il y a eu des moments difficiles mentalement. Ç’a été l’année la plus dure de ma vie. »

La bonne nouvelle, c’est que Poirier a été en mesure de revenir tard en fin de saison et de participer à six matchs de séries éliminatoires. Il a ensuite trimé dur dans son patelin pour son entraînement estival avec son frère Justin (choix de 5e tour des Hurricanes de la Caroline au dernier repêchage) pour arriver presque au sommet de sa forme au camp des Flames.

Parce que Poirier l’avoue; il ne sera plus jamais le même après ce qu’il a vécu.

« Je me plais à dire que je me sens comme dans un nouveau 100% (au niveau physique), explique-t-il. Je te mentirais si je te disais que mon bras droit est redevenu pareil à celui de gauche. J’ai dû réapprendre complètement à l’utiliser. Je n’ai aucune idée si ça reviendra un jour comme avant. Mais le plus important pour moi, c’est que je me sente bien et suffisamment confortable pour retrouver mon niveau de jeu d’antan. »

La mésaventure du Québécois est survenue quelques jours seulement avant le tragique décès de l’attaquant Adam Johnson lors d’un match en Angleterre, le 28 octobre 2023. Depuis, une prise de conscience majeure sur la dangerosité des coupures au hockey a soufflé partout dans les différents circuits. La Ligue américaine a d’ailleurs été l’une des premières à imposer une protection au cou pour l’ensemble de ses joueurs. De plus, des protections supplémentaires en kevlar sont à la disponibilité des joueurs en tout temps pour protéger les endroits les plus vulnérables, comme les poignets et les jambes.

Poirier ne se fait pas prier pour se faire le porte-parole numéro un en matière de protection.

« On sait comme joueurs qu’on court un risque à chaque fois qu’on met les patins. Mais y a-t-il moyen de mieux se protéger? Probablement. Heureusement, les coupures ne sont pas si fréquentes, mais il est arrivé quelques incidents l’an dernier et le sport a eu une prise de conscience.

« C’est bien évident que je suis en faveur du protège-cou, et j’espère qu’un maximum de joueurs décidera de l’adopter avec le temps. Ce n’est pas grand-chose à ajouter, d’autant plus qu’on a tous déjà joué avec ça dans le hockey mineur. Je comprends que ça peut être tannant pour certains, mais avec le temps, tu finis par ne plus t’en rendre compte. »

Sa longue période à l’extérieur de la patinoire lui a permis de suivre assidûment la saison exceptionnelle de son jeune frère Justin avec le Drakkar de Baie-Comeau l’an dernier, et de vivre en sa compagnie l’expérience du repêchage de la LNH à Vegas en juin. Malgré une saison de 51 buts à l’âge de 17 ans, Justin n’a trouvé preneur qu’au cinquième tour de l’encan.

« Je peux te dire que j’en ai passé du temps à regarder des matchs du Drakkar la saison passée! Je sais que c’est mon frère, mais c’est impossible de ne pas être impressionné par la facilité qu’il a à marquer des buts (51 l’an dernier, et 21 en 21 parties cette année). Mon frère fait tout son possible pour performer sur la glace malgré sa petite stature et les doutes qu’il y a à son endroit. Maintenant qu’il est repêché, je suis convaincu qu’il va faire son propre chemin. »

Ils seront à surveiller, les Poirier. Chacun à leur façon, l’adversité vécue dans leur cheminement à un jeune âge aura forgé leur caractère avec l’objectif commun d’atteindre un jour l’élite de leur sport.