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EDMONTON, Alb. – Peter DeBoer était dévasté.

C’était le 1er septembre 2002. Il était assis devant un restaurant Harvey’s, à Kitchener. Le destin venait de l’assommer. Il touchait le fond du baril.

Sa femme, Sue, allait accoucher de jumeaux dans une semaine à peine. C’est du moins ce qu’il pensait. Lors d’une vérification de routine à l’hôpital, ils ont appris que l’un des deux fœtus venait de mourir de complications. Les médecins ont opéré d’urgence pour tenter de le sauver.

« C’était assurément l’un des pires moments de ma vie », a confirmé l’actuel entraîneur-chef des Stars de Dallas en entrevue à LNH.com, cette semaine. « Je m’en souviens comme si c’était hier. Ma femme était à l’hôpital. Je suis assis là. Ma famille est à Windsor, à quatre ou cinq heures de route.

« Le désespoir… C’était accablant. »

Peter DeBoer avait besoin de quelqu’un pour l’épauler, sur qui se fier, qui peut le sauver du gouffre psychologique dans lequel il était.

C’est un certain Steve Spott qui a joué ce rôle.

Le nom vous est peut-être familier. Spott a été l’adjoint de DeBoer avec les Whalers de Plymouth et les Rangers de Kitchener, équipes de la Ligue junior de l’Ontario (OHL), puis avec les Sharks de San Jose, les Golden Knights de Vegas et maintenant les Stars de Dallas. Ensemble, ils ont aidé ces derniers à s’approcher à six victoires de la Coupe Stanley ce printemps, quête qui se poursuivra vendredi, à l’occasion du cinquième match de la finale de l’Ouest contre les Oilers d’Edmonton. La série, égale 2-2, se transporte à Dallas.

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Il s’agirait d’un dénouement de conte de fées de voir les deux hommes soulever la Coupe Stanley ensemble, mais la relation entre DeBoer et Spott transcende le cadre du hockey. Elle ne s’effritera donc jamais, quoiqu’il advienne du parcours en séries des Stars.

« Nous sommes et nous serons toujours comme des frères, a affirmé Spott. Lorsqu’on vit une tragédie comme celle-là ensemble, il y a un lien spécial qui se crée. Aucun d’entre nous avons un frère, mais nous occupons ce rôle l’un pour l’autre. »

Les deux hommes se connaissent depuis l’adolescence. Ils se sont fait les dents ensemble derrière le banc des Whalers et des Rangers, au début d’un partenariat qui allait durer plusieurs décennies. Ils ont remporté la Coupe Memorial, remise à la meilleure équipe junior au Canada, avec les Rangers en 2003.

Mais c’est surtout la tragédie de l’année précédente qui a solidifié le lien entre DeBoer et Spott.

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C’est ce dernier qui est venu à la rescousse de son ami il y a près de 22 ans. C’est Spott qui l’a découvert devant le Harvey’s, désespéré, en deuil.

« Ce fut l’une des pires journées de nos vies, a mentionné Spott. Je me souviens encore l’avoir vu, assis. Je savais que je devais être là pour lui. »

« C’est difficile d’expliquer à quel point il m’a aidé », a quant à lui dit DeBoer, le trémolo dans la voix. « C’est un moment qui a changé ma vie. Il a été un roc.

« J’étais un jeune entraîneur avec une jeune famille. C’était traumatisant. »

À l’époque, DeBoer avait les chapeaux d’entraîneur-chef et de directeur général des Rangers. Spott était son bras droit pour les deux rôles. Immédiatement, il a pris une grande partie de la charge de travail habituelle de son ami, afin qu’il puisse passer du temps en famille.

« Peu importe ce dont il aurait eu besoin… », a-t-il souligné.

« C’est difficile de voir de l’espoir après un tel événement. »

Mais dans le cas présent, il y avait de l’espoir.

Il était incarné par Matt, le deuxième jumeau. Les médecins ont été en mesure de le sauver après le décès de l’autre fœtus.

Plus de deux décennies plus tard, Matt DeBoer est en santé. Il vient de conclure sa deuxième saison avec l’équipe de hockey de l’Université Holy Cross. Il a été nommé au sein de l’équipe d’étoiles académiques 2023 de l’association Atlantique.

« Il est notre miracle », a indiqué DeBoer.

Et il est le filleul de Spott.

« Nous sommes tous une même famille, a dit ce dernier. Ma femme Lisa, sa femme Sue… Nos enfants sont meilleurs amis, ils font du sport ensemble, ils vont à l’école ensemble. Nous ne faisons pas du ‘’9 à 5’’. Ils se soutiennent mutuellement lorsque Pete et moi sommes occupés au travail. »

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DeBoer et Spott ont toujours été là l’un pour l’autre, depuis qu’ils ont 16 ans. Spott a grandi à Toronto avec l’ancien de la LNH Adam Graves, qui est devenu le coéquipier de DeBoer avec les Spitfires de Windsor à la fin des années 80. Rapidement, ils se sont liés d’amitié.

Lorsqu’ils étaient avec les Sharks de 2015 à 2019, ils ont vécu en compagnie de l’entraîneur des gardiens Johan Hedberg dans la région de San Jose pendant que leurs familles sont demeurées à l’est du continent. La répartition des tâches était la suivante : DeBoer s’occupait du gril et Spott, du ménage.

Lorsque DeBoer a été embauché par les Golden Knights le 15 janvier 2020, il était en vacances en Floride avec sa famille et n’avait pas de complet pour son premier match contre les Sénateurs, à Ottawa. Encore une fois, Spott est venu à la rescousse. DeBoer a pris un vol de la Floride à Toronto, puis son ami l’attendait à l’aéroport. Un aller-retour au magasin de vestons plus tard, DeBoer était de retour dans un avion, cette fois vers Ottawa.

La loyauté de Spott est indéniable, au hockey comme dans la vie. Lorsque Bruce Boudreau est devenu l’entraîneur-chef des Canucks de Vancouver, le 6 décembre 2021, DeBoer a appris l’intérêt de l’équipe à l’embaucher à titre d’entraîneur associé. Pourquoi pas?

« Il est très bon dans ce qu’il fait, a dit l’instructeur en chef des Stars. Il est un bon entraîneur, un bon enseignant. S’il voulait aller voir ailleurs, il aurait un emploi demain. »

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Et pourtant, les deux amis ne se séparent pas.

« Ne pensez toutefois pas qu’on est toujours d’accord, a lancé DeBoer à la blague. Parfois, nous nous chicanons, comme des frères. Ça fait partie de la vie. C’est comme en famille. Mais il y a de la confiance, de l’amour et du respect dans cette relation. »

« Notre relation transcende le travail, a ajouté Spott. Cela dit, je sais et je respecte qu’au travail, c’est lui le patron. C’est lui qui trace les lignes et qui fixe les limites. Mais il ne m’a jamais fait sentir comme un adjoint. Il laisse son personnel être autonome et avoir une voix dans la prise de décisions. Ça facilite grandement notre travail. »

Une conquête de la Coupe Stanley le faciliterait probablement encore plus, Spott en convient. Mais il ne regarde pas trop loin. Il y a encore beaucoup de travail à faire et au hockey, rien n’est certain.

Dans la vie, toutefois, il y a une certitude pour les deux hommes. Ils retourneront au cimetière ensemble afin de se recueillir devant la tombe du fils de DeBoer. Spott l’accompagne depuis des années et continuera de le faire.

Car, après tout, c’est ce qu’un frère ferait.

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