Wedgewood Blackwood badge Thibault

Choix de premier tour des Nordiques de Québec au repêchage de 1993, Jocelyn Thibault a disputé 586 matchs au cours de sa carrière de 15 saisons dans la LNH. Il a porté l'uniforme des Nordiques, de l'Avalanche du Colorado, des Canadiens de Montréal, des Blackhawks de Chicago, des Penguins de Pittsburgh et des Sabres de Buffalo, signant 238 victoires. Il a été entraîneur des gardiens de l'Avalanche pendant deux saisons et il est aujourd’hui actionnaire du Phoenix de Sherbrooke dans la LHJMQ. Il a accepté de collaborer avec l'équipe de LNH.com pour traiter des dossiers chauds devant les 32 filets de la Ligue.

Il est rare de voir une équipe qui est considérée comme une véritable aspirante à la Coupe Stanley procéder à autant de changements drastiques devant le filet en cours de saison comme l’a fait l’Avalanche du Colorado depuis le début du calendrier.

L’Avalanche a amorcé la campagne en faisant confiance à Alexandar Georgiev et à Justus Annunen, et ces deux gardiens ne déballeront même pas leurs cadeaux de Noël au Colorado. Ils ont tous deux été échangés dans des transactions distinctes et ont été remplacés respectivement par Mackenzie Blackwood et Scott Wedgewood.

Je ne peux pas dire que je suis surpris de la décision de l’Avalanche de passer à autre chose devant le filet. La fenêtre de l’équipe est bel et bien ouverte, et si l’état-major de l’équipe en est venu à la conclusion que ce n’était pas avec ce duo que le Colorado allait pouvoir soulever la Coupe Stanley pour la deuxième fois en quatre ans, il n’y avait pas vraiment de temps à perdre.

Ce n’est évidemment pas entièrement de la faute des gardiens si l’équipe a connu un début de saison qui n’était pas à la hauteur des attentes. Cependant, l’équipe jouait mieux depuis quelques semaines, mais les gardiens ne se replaçaient pas vraiment. Ils n’affichaient pas de progression ou de constance.

Ça n’a jamais vraiment fonctionné pour Georgiev au Colorado. Il avait été acquis un peu en catastrophe lorsque le gardien Darcy Kuemper a décidé de se prévaloir de son statut de joueur autonome sans compensation quelques semaines après avoir remporté la Coupe Stanley avec l’Avalanche. Georgiev avait très bien fait en tant qu’auxiliaire avec les Rangers de New York, et le Colorado a pris le pari qu’il avait l’étoffe d’un gardien numéro un. Georgiev n’est pas le premier et ne sera pas le dernier gardien qui n’a pas su faire la transition entre le rôle d’adjoint de luxe et celui de partant incontesté.

Le départ d’Annunen me surprend tout de même un peu plus. Il était encore jeune à 24 ans, son salaire était peu élevé et il allait encore être joueur autonome avec compensation pendant quelques saisons, contrairement à Georgiev, dont le contrat arrive à échéance au terme de la présente campagne et qui pourra alors obtenir son autonomie complète.

J’imagine que Chris MacFarland et Joe Sakic voulaient pouvoir compter sur un gardien d’expérience, et que Wedgewood correspondait à ce critère. Il ne faut pas non plus oublier que personne ne fait de cadeaux dans cette ligue. Tout le monde voyait que la situation n’était pas optimale pour le Colorado devant le filet, et le DG des Sharks Mike Grier en a tiré profit en soutirant un choix de deuxième ronde et l’un des meilleurs espoirs de l’Avalanche, Nikolai Kovalenko.

Sur une note personnelle, je n’ai pas pu m’empêcher d’avoir une sensation de déjà-vu quand l’Avalanche a conclu une transaction impliquant deux gardiens et un dénommé Kovalenko. Les partisans des Canadiens de Montréal doivent aussi se souvenir de l’échange dans lequel j’ai été impliqué. Je suis débarqué à Montréal en compagnie d’Andrei, le père de Nikolai, et de Martin Rucinsky en retour de Patrick Roy et de Mike Keane.

Un pari intéressant

Je trouve que l’Avalanche prend un pari super intéressant en misant sur Blackwood. Il était tellement prometteur quand il a fait son arrivée dans la LNH avec les Devils du New Jersey. Il a toutefois été blessé très souvent, et ces blessures ont fait dérailler sa progression.

À San Jose, il ne se trouvait pas dans une situation facile derrière un club en reconstruction. La brigade défensive des Sharks était particulièrement démunie la saison dernière, ce qui a eu un impact évident sur ses statistiques.

Il affichait cependant des chiffres intéressants cette saison, alors ce sera intéressant de voir ce qu’il pourra faire à titre d’homme de confiance au sein d’une équipe qui se doit de gagner.

Je lui souhaite de demeurer en santé, car c’est toute une occasion qui s’offre à lui. Elle tombe à point en plus, puisqu’il devra négocier une nouvelle entente au terme de la saison. Il se trouve quelque peu à la croisée des chemins.

L’Avalanche a sûrement fait ses devoirs lorsqu’elle évaluait les options qui s’offraient à elle. Blackwood est le prototype du gardien de la nouvelle génération. Il est imposant à 6 pieds 4 pouces et il bouge bien devant son filet, tout en étant très athlétique.

La situation du Colorado demeure toutefois précaire devant le filet à moyen terme. Comme je le disais plus haut, il s’agit de la dernière année de contrat de Blackwood, et Wedgewood n’est probablement pas la solution à long terme. On parle de deux gardiens qui n’ont jamais été identifiés comme des solutions à un tel problème. Deux cerbères qui ont connu une belle carrière dans les rangs juniors, qui étaient considérés comme de beaux espoirs en début de carrière, mais qui n’ont pas encore livré la marchandise en tant que gardien numéro un.

Il est donc difficile de dire si l’Avalanche est en meilleure posture. Ce sera le cas si Blackwood évite les blessures, qu’il montre le même aplomb que celui qu’il affiche depuis le début du calendrier et que Wedgewood lui permet d’économiser ses forces en prenant le relais assez souvent avec des performances solides.

Le plus gros point d’interrogation dans tout ça, c’est qu’en allant chercher Blackwood et Wedgewood, le Colorado a mis la main sur deux cerbères qui totalisent exactement zéro départ en séries éliminatoires. Wedgewood a été appelé en relève à trois occasions pendant le tournoi printanier, tandis que Blackwood n’a jamais déposé un patin sur la glace pendant un match de séries.

Il s’agit d’un risque évident, mais ça prouve que l’Avalanche avait pris sa décision de ne pas y aller avec Georgiev. L’expérience en séries, ça s’acquiert. Tous les gardiens qui gagnent la Coupe ont dû disputer une première partie en séries à un moment ou à un autre.

On doit toutefois souhaiter chez l’Avalanche un dénouement à la Cam Ward à ses débuts avec les Hurricanes de la Caroline, plutôt qu'un scénario à la Andrew Hammond avec les Sénateurs d’Ottawa.

*Propos recueillis par Sébastien Deschambault, directeur de la rédaction LNH.com