SALT LAKE CITY, Utah – Les yeux d’André Tourigny parlaient plus que les réponses qu’il offrait dans la petite salle de presse du Delta Center pour décrire la défaite de 5-4 en prolongation, dans un match où son équipe menait 4-1 jusqu’à la 55e minute contre les Sharks de San Jose.
« Inacceptable ». Ce fut l’un des mots utilisés par Tourigny après la rencontre. On sentait qu’il bouillonnait. Quatre de ses amis de son village natal de Nicolet avaient fait le voyage à Salt Lake City pour ce match. Ils n’ont pas eu la chance de boire une bière avec lui lundi soir.
« Ils me connaissent, ils savaient que ce n’était pas le temps. J’aurai la chance de me reprendre cette semaine avec eux. À mon retour à la maison, ma femme Mélanie savait aussi que je n’allais pas être trop jasant. C’est comme ça quand je ne suis pas de bonne humeur. »
À peine douze heures plus tard, Tourigny avait regagné son sourire. Il a invité l’auteur de ces lignes dans son bureau à l’ovale olympique, là où a été installé de façon temporaire le centre d’entraînement du nouveau bébé de la LNH, le Club de hockey de l’Utah. Il a ouvert la porte de son bureau pour un peu plus de 30 minutes à LNH.com après sa rencontre avec les médias locaux.
Tourigny avait chaussé ses bottes de travail après le passage des Sharks, qui ont signé un premier gain cette saison à leur dixième match de l’année.
« Je suis arrivé tôt ce matin, il faisait encore pas mal noir. Il était 4 h 45 du matin. J’arrive vers 6 h 30 en temps normal. J’ai dormi pratiquement juste 30 minutes cette nuit. J’étais couché et je jonglais avec plusieurs idées. Mais à mon réveil, je savais où je m’en allais. Ce soir, je dormirai plus, je récupérerai mes heures. »
Quand il a mis le pied à l’aréna, il avait déjà un plan en tête.
« Ce n’est pas comme au Nintendo, je ne peux pas recommencer le match, a-t-il dit. Quand tu prends une décision comme entraîneur, tu dois vivre avec. Mais je ne dois pas faire des gestes irréfléchis.
« Avant d’arriver ce matin à l’aréna, j’ai jonglé avec ce que je voulais présenter à mes joueurs et à la façon dont je désirais le dire. J’ai aussi songé à apporter des changements à ma formation. Les joueurs sont des professionnels, ils ne sont pas des nonos. Je ne pouvais pas juste me tourner vers les émotions, comme à l’époque où je jouais. C’était une autre époque. Avant, on dirigeait avec des émotions et un peu de la peur. »
Assis dans un divan ocre qui donne contre une fenêtre où on peut voir l’anneau olympique pour le patinage de vitesse longue piste, au centre duquel une glace pour le hockey a été construite, l’homme de 50 ans sait qu’il n’aurait pas géré ses émotions de la même façon à l'époque où il dirigeait les Huskies de Rouyn-Noranda (2002 à 2013) dans la LHJMQ.
« Je peux te dire que j’aurais brassé la cage. Pas juste un peu, a-t-il répliqué en riant. Mais c’était une autre époque. Je n’aurais pas survécu à ce moment-là si je n’avais pas été aussi émotif et malin. J’avais besoin d’être dur. Si tu ne l’étais pas, tu ne restais pas dans la ligue. Les joueurs auraient ambitionné contre moi. Tu prends une personne aujourd’hui et tu le fais voyager à cette époque-là, il dirait que nous étions fous. Mais, comme le reste de la société, nous évoluons.
« J’ai changé aujourd’hui, j’ai grandi comme coach et comme homme. Je me suis adapté et je cherche toujours à m’améliorer. Maintenant, il faut que tu t’adaptes à ton groupe, mais aussi à tes 23 joueurs individuellement. »