Gary_Bettman_speaks

Dès le moment où j’ai rencontré Gary Bettman lors du siècle précédent, j’ai su qu’il serait une personnalité sportive spéciale.

Mais jamais aussi spéciale qu’en ce moment.

Le commissaire de la LNH s’apprête à ajouter une autre réalisation à une liste déjà bien remplie.

Samedi, l’homme de 71 ans natif de Queens, à New York, pourra se targuer du fait d’armes suivant : chef de la direction d’une ligue sportive avec le plus d’ancienneté dans l’histoire de tous les circuits professionnels en Amérique du Nord.

Entré en fonction comme commissaire de la LNH le 1er février 1993, Bettman sera en poste depuis 11 318 jours, soit un de plus que Clarence Campbell, qui a été président de la LNH de 1946 à 1977.

Pour remettre en perspective ses 31 ans à la tête de la LNH, considérez que Bettman a vu 59 pour cent de tous les joueurs de l’histoire de la LNH, 57 pour cent des entraîneurs et des directeurs généraux, 56 pour cent des matchs joués et 52 pour cent des buts marqués.

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La LNH a accueilli plus de 615 millions de partisans depuis qu’il est commissaire, soit une fois et demie la population combinée des États-Unis et du Canada.

Des 28 concessions qui seront en action samedi, 10 n’avaient pas encore joué un match le 1er février 1993. Parmi les 14 arénas où se tiendront les parties ce jour-là, 13 n’avaient pas encore été construits au complet (le seul est le Scotiabank Saddledome de Calgary).

Pour apprécier cet exploit extraordinaire, il faut souligner ses innombrables réalisations.

D’abord, le travail du commissaire a élevé le hockey à des sommets vertigineux. Même les plus anciens dirigeants qui évoluent encore dans le monde du hockey reconnaissent ses réalisations, sans apporter aucun bémol. Aucun doute : Bettman est le meilleur parmi les meilleurs.

Le vice-président principal des Red Wings de Detroit Jim Devellano a remporté la Coupe Stanley avec les Islanders de New York et les Red Wings. Devellano était déjà un vieux routier dans la LNH quand Bettman est débarqué à la tête de la Ligue.

« Quand Gary a été embauché, les propriétaires lui ont donné deux tâches principales », m’a raconté Devellano l’autre jour. « L’une était de développer la présence de la LNH en Amérique, principalement dans le sud et dans l’ouest, afin que nous puissions rattraper la NFL et la NBA sur le plan du nombre d'équipes. Nous voulions aussi que nos matchs soient diffusés à l’échelle nationale.

« Il n’y a aucun doute qu’il y est arrivé. L’autre tâche était de ficeler un budget précis avec les salaires grandissants des joueurs, à un moment où les équipes perdaient des millions de dollars. Le syndicat et les joueurs ont protesté. Mais au final, Bettman a implanté le plafond salarial. Aujourd’hui, la LNH n’a jamais été aussi forte et, ironiquement, les joueurs continuent à prospérer, comme ce doit être. »

L’arrivée de Bettman en 1993 n’a pas immédiatement inspiré l’optimisme chez les observateurs du monde des médias. Avant de faire ses preuves, Bettman a fait face à de nombreuses critiques des deux côtés de la frontière. Certains haut placés au Canada étaient inquiets que le natif de New York avantage les équipes du sud du 49e parallèle. Mais une série d’ingénieuses décisions de Bettman ont assuré le succès des petits et grands marchés canadiens. Les Flames de Calgary évoluent dans l’un de ces marchés; les Canucks de Vancouver dans un autre.

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« L’année où j’ai été embauché pour mon deuxième passage à Vancouver, les Canucks ont perdu 36 millions $ », s’est remémoré l’ancien DG de la LNH Brian Burke dans son autobiographie. « Nous devions composer avec un dollar canadien d’une valeur de 61 cents.

« Mais c’est Gary qui a mis en place le plan d’assistance canadien. Les équipes américaines nous envoyaient un chèque de 3 millions $ par année. Sans ce plan, il n’y aurait pas toutes ces équipes canadiennes aujourd’hui. Certaines d’entre elles auraient été dissoutes. »

Ceux qui martelaient que le hockey n’allait pas survivre dans des marchés non traditionnels ont ravalé leurs paroles. Des équipes comme le Lightning de Tampa Bay, les Ducks d’Anaheim, les Hurricanes de la Caroline, les Stars de Dallas, les Panthers de la Floride et les Predators de Nashville ont développé une base de partisans solide.

« En grande partie grâce au leadership de Gary, nous avons atteint un point, comme ligue et comme entreprise, où nous pouvons nous concentrer à être créatifs et à nous assurer que le produit sur la glace maximise l’intérêt des partisans et les revenus », a souligné le commissaire adjoint de la LNH Bill Daly. « Ça fait en sorte que c’est plaisant de se présenter au travail tous les jours. »

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Quand Bettman a pris les rênes de la LNH, il était déterminé à s’assurer que chaque concession soit bâtie sur des fondations fiscales solides. Comme l’a mentionné un informateur à la couverture de la Ligue, Bettman « a eu son mot à dire dans l’arrivée de 30 des 32 propriétaires de la LNH (les seules exceptions sont la famille Jacobs chez les Bruins de Boston et le clan Wirtz avec les Blackhawks de Chicago). Le résultat est que la Ligue n’a jamais été aussi forte sur le plan fiscal. »

L’annulation de la saison 2004-05 était nécessaire pour régler les problèmes fiscaux qui s’exacerbaient. La Ligue en est sortie plus en santé que jamais. Pour Bettman, c'est la preuve que les difficultés et le progrès sont deux choses inséparables.

Comme un observateur du hockey a dit : « Tu n’annules certainement pas une saison si tu n’as pas le courage et la détermination de créer une meilleure Ligue nationale de hockey. »

Courage est le mot clé ici. Contre toute attente, Bettman a mis sa réputation en jeu dans des expansions qui n’ont pas toujours fait l’unanimité, comme Las Vegas et Nashville par exemple. Les deux endroits sont devenus des villes de hockey, et chaque match là-bas est présenté dans un aréna rempli au maximum de sa capacité.

Bettman est aussi celui qui a poussé l’idée de disputer des matchs en plein air et de l’autre côté de l’océan Atlantique, des succès retentissants chaque année.

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Ses négociations pour les contrats de télévision ont engendré des revenus records pour la Ligue, alors que la couverture du hockey en Amérique du Nord et outre-mer n’a jamais été aussi grande.

« Ses réalisations sont incontestables, a indiqué un observateur. Gary n’est peut-être pas parfait, mais comme Wayne Gretzky ou Bobby Orr, tu ne voudrais pas avoir quelqu'un d'autre quand le match est à l’enjeu. »

Maintenant, combien de temps encore Bettman compte-t-il demeurer commissaire? La réponse que je reçois est simple : « Aussi longtemps qu’il le veut. »

« Les concessions sont plus en santé, le sport est plus compétitif et, grâce à Gary, le hockey est regardé dans plus de maisons en Amérique et au Canada en raison des nombreux contrats de télévision qu’il a négociés », a soutenu le propriétaire des Bruins Jeremy Jacobs. »

« Je continue d’être enthousiaste par rapport aux perspectives de développement du hockey », m’a dit le principal intéressé. « Nous voulons utiliser les plateformes offertes par le hockey afin de faire une différence dans les communautés où nous jouons. »