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Les Sharks de San Jose comme les Penguins de Pittsburgh n'ont pas démérité de leur présence en Finale de la Coupe Stanley. Selon mes calculs, ces deux équipes ont obtenu plus de 60 pour cent des chances de marquer dans leur finale d'association respective, surclassant leurs adversaires à forces égales comme sur les unités spéciales. Les Penguins auront connu une route un peu plus pénible, notamment à cause d'ennuis plus prononcés avec leurs gardiens, mais au bout du compte, ce sont deux formations aux forces et faiblesses remarquablement similaires qui s'affronteront dès lundi.

En défensive
La brigade défensive des Penguins est plus amochée que celle des Sharks, c'est une évidence. Si Trevor Daley n'est pas un grand défenseur, reste que sa présence rendait moins vulnérable la brigade de Pittsburgh lorsque Kristopher Letang est au banc. Les graphiques ci-dessous en témoignent d'ailleurs; les « autres duos », qui comportent à la fois le temps supplémentaire de Letang et les minutes jouées par Daley au cours de la série contre le Lightning, sont rarement à la traîne des deux autres duos réguliers.
L'absence de véritable deuxième paire défensive est certainement là où se situe la plus grande faiblesse des Penguins. Lorsqu'on regarde comment les différents duos défensifs ont, contre le Lightning, contribué à sortir la rondelle du territoire défensif, on constate en effet que tant Ian Cole et Justin Schultz qu'Olli Maatta et Ben Lovejoy ont tiré l'équipe vers le bas.

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J'évoquais, il y a de cela une semaine, le fait que les Penguins avaient mis l'emphase sur les rejets de rondelle en zone ennemie pour enlever du temps et de l'espace à la relance offensive du Lightning, qui aimait revenir sur ses pas pour mieux prendre de la vitesse. Force est d'admettre, à regarder les résultats sur l'ensemble de la série, qu'il y avait aussi là une stratégie de survie. Absent un deuxième duo capable de bouger la rondelle avec efficacité, on a dû se rabattre sur une stratégie plus simple.
Lorsqu'on regarde du côté de ce qu'on donne à l'adversaire comme entrées en zone défensive, le tandem Maatta-Lovejoy s'impose, vaille que vaille, comme la deuxième option préférable. À défaut de pouvoir bouger efficacement la rondelle, ces deux défenseurs semblent en effet capables de limiter les dégâts sur les entrées de zone les plus dangereuses. On n'accorde en effet pas trop d'entrées en possession de rondelle et on ne laisse pas non plus à l'adversaire l'occasion de rejeter un nombre trop important de rondelles dans sa zone.

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Ce dernier détail est important, dans la mesure où Lovejoy et Maatta, tous deux peu mobiles, laissent souvent l'adversaire initier des séquences à la suite des revirements en zone défensive. Schultz et Cole semblent quant à eux peiner à défendre la ligne bleue, une faiblesse qui, couplée à leur incapacité à baser le jeu de transition sur le contrôle du disque, risque de faire les beaux jours de l'attaque des Sharks.
La défensive des Sharks, justement, est beaucoup plus équilibrée (et en santé!) :

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Si le troisième duo, Brenden Dillon et Roman Polak, semble moins efficace que les deux premiers, les 48 sorties de zone défensive en contrôle du disque par heure jouée à 5 contre 5 les place sous la moyenne d'équipe des Penguins (53), largement en avance sur les 2e et 3e duos de Pittsburgh. Leur inefficacité est donc fort relative. Notez aussi à quel point, pour peu qu'une des trois paires stables soit sur la glace, on tend moins à dégager le territoire défensif.
Là où les choses deviennent fascinantes, du moins à mes yeux, c'est lorsqu'on constate à quel point la défensive des Sharks vise avant tout à enrayer la capacité de l'adversaire à franchir sa ligne bleue en contrôle du disque. Plus on descend dans la hiérarchie, moins on accorde de ces entrées de zone, mais plus on donne de rejets en fond de zone et plus on laisse l'adversaire créer des revirements à la suite de ceux-ci.

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On pourra se surprendre de voir que je classe, dans ces graphiques, le tandem Paul Martin - Brent Burns comme deuxième paire. Au cours de la série de six matchs contre les Blues de St. Louis, Marc-Edouard Vlasic et Justin Braun n'ont donné, à 5 contre 5, aucune chance de marquer à l'adversaire lorsque Vladimir Tarasenko n'y était pas, soit pour un peu plus de la moitié de leur temps de glace. Et quand Tarasenko y était? Cinq chances en 45 minutes de jeu; la deuxième paire en aura concédé autant en 20 minutes, la troisième, quatre en neuf minutes. Du simple au double et au triple. L'expression « défenseur défensif » est trop souvent utilisée pour désigner des joueurs de second ordre. Le tandem Vlasic-Braun mérite pleinement l'appellation.
On ne compte probablement pas cinq de ces duos à l'échelle de la ligue. La chose n'est pas qu'anecdotique : comment s'ajuster, sur le plan tactique, à une réalité si rare qu'elle est, la plupart du temps l'indice d'une faiblesse chez l'adversaire?
En attaque
N'ayons pas peur des clichés : l'attaque des Sharks est une machine bien huilée. Comme fer de lance, le trio de Joe Thornton, qui crée une quantité astronomique de chances de marquer, plus de 27 par heure jouée. Le graphique ci-dessous se concentrant sur la production offensive, il masque le fait que Joe et ses sbires sont aussi les plus généreux, concédant 14 chances à l'heure, alors que les trois autres trios se tiennent autour de 8.
Pour ce qui est du reste, la symétrie des portions des deux graphiques est frappante. Plus on descend dans la hiérarchie, plus le jeu de transition se simplifie.

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L'impact des transitions sur la capacité d'une équipe à garder le contrôle du match ne doit pas être sous-estimé.
Lorsqu'on s'attarde au côté défensif du jeu de transition, on constate que le trio de Thornton est, là aussi, le plus efficace des Sharks. Aucune autre unité ne sort plus souvent en contrôle du disque, aucune n'accorde moins de rejets dans sa zone et ne laisse l'adversaire y récupérer le disque aussi peu.

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Et pourtant, c'est ce trio qui donne le plus de chances de marquer ! Une fois l'adversaire installé, Thornton, Joe Pavelski et Tomas Hertl ont bien de la misère à ne pas y laisser quelques morceaux. On accepte cet état de choses parce qu'ils sont immensément productifs et qu'ils jouent systématiquement contre les meilleurs. Si on doit chercher une faiblesse chez les Sharks, c'est là où on peut la trouver. Suffis d'une blessure ou, plus simplement, d'un gardien qui connaît une séquence exceptionnelle et, soudain, le fer de lance peut devenir un point faible. Pas simplement parce que les buts cessent de s'accumuler, mais aussi parce que les buts de l'adversaire, eux, vont continuer à s'accumuler. Et Martin Jones n'est pas Andrei Vasilevskiy.
À l'échelle d'une saison, c'est un problème bénin. Mais dans une série quatre de sept, si la malchance frappe de manière momentanée, le temps vient rapidement à manquer.
La recette est un peu différente chez les Penguins. On a beaucoup joué avec les combinaisons lors des cinq premiers matchs de la série, avant de se fixer sur des trios qui ont au bout du compte bien servi l'équipe. Ce que ces graphiques montrent, en fait, c'est à quel point l'équilibre a été long à trouver. Ça n'est nulle part plus évident que dans les résultats du trio de Sidney Crosby, qui n'a vraiment accordé ses violons à ceux de Conor Sheary et Patric Hornqvist qu'au septième match.

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Autre élément à considérer ici, c'est à quel point l'association entre Evgeni Malkin, Bryan Rust et Chris Kunitz a finalement été payante. L'avantage des Penguins, s'il semble quelque peu précaire parce que basé sur des combinaisons récentes, se trouve dans la force de frappe rassemblée sur ses trois premiers trios.

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Il sera intéressant de voir quelle direction prendra le trio de Crosby. S'il peut créer suffisamment de pression, Peter DeBoer lui assignera plus souvent Vlasic, ce qui ouvrira alors le chemin à Malkin et au trio de Phil Kessel. Mais dans l'état actuel des choses, les Sharks ne peuvent ignorer Malkin. Le grand Russe a dominé les deux derniers matchs de la série contre Tampa Bay, ce qui laisse entendre qu'il est maintenant pleinement rétabli de cette blessure qui devait, à l'origine, le tenir à l'écart du jeu jusqu'à la fin du mois de mai. Il a aidé son équipe à générer une quinzaine de chances au cours de ces rencontres décisives et il n'est pas dit qu'on n'essayera pas d'envoyer Vlasic voir un peu plus souvent de son côté.
Je ne sais jamais quoi penser des gardiens. Martin Jones me semble, à vue de nez, avoir l'avantage sur Matt Murray. Mais le jeune gardien des Penguins s'est montré capable, au cours des premières rondes, de séquences sensationnelles. Je doute par contre qu'on revoie Marc-André Fleury. Ainsi va la vie dans les séries.
Parce que les Sharks ont une meilleure défensive, mais aussi parce que leur gardien me semble plus stable, je pense qu'on verra, pour la première fois, la Coupe Stanley à San Jose. Sharks en 7.