Philippe Boucher a disputé 17 saisons dans la LNH, récoltant 94 buts et 300 points en 748 matchs. Le défenseur natif de Saint-Apollinaire a notamment connu deux saisons de 40 points et plus. Il a participé au Match des étoiles en 2007, en plus de soulever la Coupe Stanley avec les Penguins de Pittsburgh à sa dernière saison dans la LNH en 2009. Choix de première ronde (13e au total) des Sabres de Buffalo en 1991, il a successivement porté les couleurs des Sabres, des Kings de Los Angeles, des Stars de Dallas et des Penguins. Au terme de sa carrière de joueur, il a occupé des postes de direction chez l'Océanic de Rimouski, les Remparts de Québec et les Voltigeurs de Drummondville dans la Ligue de hockey junior Maritimes Québec (LHJMQ). Philippe a accepté de collaborer avec l'équipe de LNH.com afin de traiter de divers sujets de l'actualité du hockey.
Lundi dernier, on apprenait que seulement trois joueurs francophones – dont deux Québécois – se trouvaient dans la liste des 32 invités au camp d’Équipe Canada junior en vue du championnat mondial.
Deux jours plus tard, Samuel Montembeault devenait le seul joueur québécois à se tailler une place sur l’équipe canadienne en vue de la Confrontation des 4 nations, qui aura lieu en février 2025.
La représentation de joueurs québécois est plus faible qu’elle ne l’a jamais été dans les tournois internationaux. Et au lieu d’accuser Hockey Canada d’avoir un préjugé défavorable envers les joueurs québécois ou francophones, il faudrait se regarder dans le miroir et regarder ce qu’on peut mieux faire.
L’exercice a été tenté récemment. Marc Denis et le Comité québécois sur le développement du hockey ont déposé un rapport en 2022. Quelques mois plus tard, Marc a lui-même lancé un cri du cœur quant à l’application du rapport, alors que les choses ne semblaient pas avoir bougé.
Et deux ans plus tard, je suis d’avis que les choses n’ont pas encore bougé suffisamment. J’ai l’impression que ce rapport, pourtant très intéressant, et façonné par des gens hautement compétents, a été commandé pour faire un coup politique. Et vous souvenez-vous du sommet sur le hockey? L’approche que prend le Québec, que ce soit notre gouvernement, nos fédérations, ou nos organisations, face à notre sport national se doit d’être changée, pour le bien de nos jeunes joueurs et joueuses. En temps et lieu, nous pourrons alors critiquer cette fameuse sous-représentation québécoise, qui touche notre province aux dires de certains dans les tournois d’envergure.
On doit changer la base de la pyramide pour que chaque étape vers le sommet soit de plus en plus solide.
La base, c’est l’adhésion des plus jeunes au hockey. C’est le définir comme un sport de masse, accessible à tous. Oui, à tous. Il faut redonner une connotation positive envers notre sport, le hockey. Il faut ériger des infrastructures adéquates pour faciliter une pratique agréable, intérieur et extérieur. À Saint-Apollinaire, on m’a fait l’honneur de créer l’espace Philippe-Boucher, un endroit magnifique où les jeunes peuvent s’initier au hockey en plein air. Cet endroit devrait être la norme et non une exception. Il n’y a présentement pas assez de milieux attrayants et accessibles comme celui-ci pour s’adonner à notre sport national au Québec.
Une fois que les jeunes commenceront à jouer au hockey dans un environnement adéquat, ils devraient être pris en charge au sein d’une structure claire, définie et encadrée.
D’abord, limitons les entités qui s’arrachent les meilleurs joueurs de chaque groupe d’âge et les meilleurs entraîneurs d’ici. Il faut cesser de mettre en opposition le hockey scolaire au hockey civil : lorsque les jeunes sont à l’école secondaire, toutes les ligues peuvent être dites « scolaires ». Il y a moyen de concilier l’école avec le hockey dans une structure indépendante où un jeune peut cheminer dès ses débuts dans une région jusqu’à son arrivée vers les plus hautes sphères du hockey québécois – s’il y parvient.
Avant, la majorité des meilleurs joueurs d’une région jouaient dans la même équipe. Maintenant, ils jouent au sein de deux, trois ou même quatre équipes différentes en raison des nombreuses alternatives qui s’offrent à eux et de la complexité des décisions à prendre pour les parents. Certaines régions parviennent à regrouper leurs meilleurs joueurs, mais un peu partout, lorsque l’entonnoir se resserre, regrouper l’élite ressemble parfois à placer tous les jours à l’entraînement un joueur de calibre M18 AAA avec un joueur qui occuperait un rôle de soutien dans une équipe dite locale.
Idem pour nos meilleurs entraîneurs, qui prennent plusieurs avenues différentes pour accéder aux hautes sphères. Nos entraîneurs passionnés et qualifiés qui rêvent de gravir eux aussi les échelons devraient surtout être concentrés dans les groupes élites de 14 à 16 ans afin de partager leurs connaissances avec ces jeunes joueurs.
On s’améliore à jouer, à côtoyer et à diriger avec et contre les meilleurs.
Il suffit de regarder la progression des programmes suédois et finlandais pour réaliser qu’un modèle centralisé fonctionne. Leurs meilleures équipes professionnelles ont chacune une structure de développement à laquelle souscrivent tous les joueurs, dont les meilleurs joueurs. Au fil des saisons, tous les participants obtiennent leur chance, et on se donne le temps de bien évaluer et faire progresser tout le monde jusqu’à ce que l’entonnoir se resserre. Ces pays forment plus de joueurs de la LNH que jamais.
Parlant de programme d’excellence, aux États-Unis, la méthode est différente, mais force est d’admettre qu’elle porte ses fruits. Le programme national de développement amène, lui aussi, plusieurs joueurs vers la grande ligue. Les Tkachuk et le remarquable Lane Hutson en sont de très bons exemples.
Et dans le reste du Canada, la baisse de représentativité au sein des équipes nationales ne s’observe pas à aussi grande échelle, qu’importe la province. Nos voisins font probablement quelque chose de mieux que nous. Il n’y a qu’à jeter un coup d’œil vers l’est (Maritimes) pour réaliser qu’ ils sont souvent mieux représentés que nous dans les équipes de haut niveau.
La nouvelle réglementation entre la Ligue canadienne de hockey (LCH) et le circuit universitaire américain (NCAA) permet maintenant aux joueurs d’ici d’évoluer chez eux, dès leur entrée dans le hockey mineur jusqu’au niveau junior sans ruiner leurs chances de faire le saut, plus tard, vers une université américaine. Le jeune d’ici qui rêve d’aller à Boston College ou Harvard va pouvoir se développer chez lui, dans sa ville.
Mon rêve n’est pas que le Québec copie ce qui se fait de mieux ailleurs, mais bien que nous trouvions une façon, notre façon, de permettre à tout un chacun de s’initier au hockey, et de le pratiquer de façon plaisante, sécuritaire et encadrée. Il faut que ce soit le cas pour la personne qui veut jouer en solitaire un soir donné de décembre sur une patinoire extérieure, ou pour la jeune fille ou le jeune garçon qui rêve un jour de porter les couleurs de la Victoire ou des Canadiens de Montréal.
*Propos recueillis par Gabriel Duhamel, pupitreur LNH.com