Revue 2021 des Canadiens : L'année de tous les extrêmes
Retour sur la rocambolesque dernière année du Tricolore, à la sauce Laflamme
C'est qu'une heure et demie plus tôt, à l'intérieur de l'édifice, Artturi Lehkonen a fait bondir de joie tout un peuple, en marquant le but en prolongation qui a propulsé les Canadiens de Montréal en finale de la Coupe Stanley.
Les Canadiens en finale! Les Québécois ne pouvaient pas espérer de plus beau cadeau pour leur fête nationale, le 24 juin. Il faisait beau et chaud, ils pouvaient bien s'éclater, d'autant que la dernière année avait été éprouvante en raison de « vous-savez-quoi ».
Témoin privilégié des célébrations, j'ai des frissons en imaginant ce que ce serait s'il fallait que…
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(Avance rapide dans le temps)
Ce soir-là, c'est la déprime autour du Centre Bell. Dans quelques heures, les Canadiens reçoivent les Flyers de Philadelphie pour un match en saison régulière. La pluie se déverse sur Montréal et on vient d'annoncer la présentation de la rencontre à huis clos.
En marchant vers l'amphithéâtre, je croise un papa, chandail du CH sur le dos, et son fils. Je l'aborde en lui disant simplement : « Vous savez? » Il me répond par un hochement de tête et un haussement d'épaules. Il n'avait pas besoin de rien dire. Son désarroi disait tout.
En ce 16 décembre maussade, reviennent à mon esprit les images des festivités du 24 juin. Je ne peux pas croire que les deux événements ne sont séparés dans le temps que d'à peine six mois. On dirait plutôt six ans.
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L'année qui s'achève aura été celle de tous les extrêmes. Pas uniquement pour les Canadiens.
On croyait avoir tout vu en 2020, l'année 2021 s'est pointée en disant : « Hé groupe, attendez un peu, tenez mon verre SVP… »
On voit arriver 2022 avec dédain. Qu'est-ce qu'elle peut bien nous réserver celle-là? Allez savoir, mais l'heure n'est pas à l'apitoiement. Adoptons une approche positive. On ne sait pas encore quand, mais on nous dit que « ça va bien aller ».
Il reste que 2021 a procuré des sensations fortes aux amateurs de hockey du Québec. Retour sur une année pour le moins atypique.
Le CH a connu une saison régulière écourtée à 56 matchs en dents de scie dans une section pancanadienne. L'inconstance chronique de l'équipe a même rendu bouche bée le directeur général Marc Bergevin.
« Nous sommes… déroutants », avait-il fait le constat après le passage de la date limite des transactions, le 12 avril.
D'équipe déroutante, les Canadiens sont passés à une équipe qui a tenu la route en séries éliminatoires, après avoir failli se retrouver dans le décor dès la première ronde.
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Ici, faisons une pause. J'ai une anecdote à vous raconter. Je sais que vous adorez les anecdotes.
Les Canadiens se retrouvent en retard 1-3 dans la série contre les Maple Leafs de Toronto et on ne donne pas cher de leur peau. Vous, moi, tout le monde. (Soyez honnêtes…)
On commence même à spéculer au sujet d'un grand ménage qui pourrait balayer le septième étage du Centre Bell.
À ce moment, il y a des barrages routiers entre le Québec et l'Ontario afin de restreindre les déplacements entre les deux provinces en raison de « vous-savez-quoi » (je refuse d'appeler ce satané truc par son nom).
En route donc pour m'acquitter de ma tâche à la couverture de la série, je m'arrête à l'endroit prévu sur le bord de l'autoroute 401.
AGENTE : Quelle est la raison de votre visite en Ontario, monsieur?
MOI : Je vais travailler à Toronto pour le match no 5 de la série entre les Canadiens et les Maple Leafs, madame.
AGENTE (un peu bête, et dont le hockey n'émeut visiblement guère) : On ne parle pas d'un déplacement qui est très essentiel.
MOI (qui cherche à alléger l'atmosphère à l'aide de l'humour) : Vous avez raison, et ça ne vaut sans doute pas la peine de laisser entrer les Canadiens pour le match.
AGENTE (incrédule, après un bref silence qui m'a paru durer 10 minutes) : Vous pouvez y aller.
Je me trouvais bien drôle en reprenant la route, mais moins d'une semaine plus tard la blague avait très mal vieilli.
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Toujours est-il, comme vous le savez, que la magie a opéré pour les Canadiens, et pas à peu près! Trois victoires plus tard, ils prenaient la route de Winnipeg, où les Jets ont perdu la tête et la série dès le match no 1. Trois autres victoires plus tard, on a commencé à y croire en demi-finale contre les Golden Knights de Vegas.
On a vraiment cru à une intervention divine dans la soirée du 24 juin. Il ne manquait qu'une victoire des Islanders de New York dans le match no 7 de l'autre demi-finale contre le Lightning de Tampa Bay, le lendemain, pour un meilleur alignement des astres.
Ça ne s'est pas produit, et les Canadiens sont tombés à court de miracles face au redoutable Lightning, qui a raflé la finale en cinq rencontres.
L'image de cet irrésistible parcours du Tricolore qui restera gravée dans ma mémoire est celle de Carey Price, perdu dans ses pensées plusieurs heures après le match no 5. Il était planté là, à l'entrée de l'hôtel où l'équipe demeurait à Tampa et où je logeais également. Mais à quoi pouvait-il penser? La scène, tout autant poignante que surréaliste, a d'ailleurs alimenté mon dernier blogue.
Avec le recul, on sait maintenant que Price avait beaucoup de choses à décanter. Il se savait blessé et il devait se demander pendant combien de temps il devrait s'absenter. Il devait s'interroger quant à son avenir et aux démons qu'il doit exorciser. Il devait savoir que son pote et capitaine de l'équipe Shea Weber ne jouerait peut-être plus jamais.
Il en savait assez pour savoir que la prochaine saison des Canadiens s'annonçait difficile. Mais sûrement pas à ce point.
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On connaît la suite… Price a été opéré à un genou quelques semaines plus tard et les Canadiens l'ont rendu disponible pour le repêchage d'expansion. On a également fait part de l'absence de Weber pour toute la saison, laissant même entendre que sa carrière était terminée. Price devait être prêt à entreprendre la saison régulière, mais coup de théâtre, il joint le programme d'aide de la LNH, le 7 octobre. On apprend plus tard que c'est pour abus de substances.
Bergevin a connu un entre-saison tumultueux en tentant de colmater les brèches qui se créaient une à la fois. Le comble a été l'offre hostile que les Hurricanes de la Caroline ont tendue au jeune Jesperi Kotkaniemi, le 28 août. C'était clairement un geste revanchard de la part des Hurricanes pour l'offre que Bergevin avait soumise à Sebastian Aho, en 2019.
Le CH n'égale pas l'offre de 6,1 millions $ faite au Finlandais pour cette saison, mais Bergevin retombe vite sur ses pattes en faisant l'acquisition du joueur de centre Christian Dvorak, des Coyotes de l'Arizona.
C'est au travers de tout ce brouhaha que la saison s'est ébranlée, avec Bergevin de surcroît qui est sans contrat pour au-delà de cette saison.
Les Canadiens et le DG font savoir que, d'un commun accord, il n'y aura pas de pourparlers en cours de saison. Ça n'augure rien de bon et le piètre début de saison de l'équipe ramène le dossier à l'avant-scène. Bergevin tente d'éteindre le feu, mais on continue d'enchaîner les performances médiocres sur la glace.
Le 29 novembre, au moment où le CH n'a gagné que six de ses 23 premiers matchs, on procède au congédiement de Bergevin, ainsi que de son bras droit et responsable du recrutement, Trevor Timmins, et du vice-président des communications, Paul Wilson.
Le lendemain, le propriétaire et président des Canadiens Geoff Molson confirme en conférence de presse l'embauche de l'anglophone unilingue Jeff Gorton à titre de vice-président des opérations hockey. L'Américain âgé de 53 ans se voit confier le mandat de dénicher le meilleur candidat bilingue comme successeur de Bergevin.
On en est là, six mois après avoir connu le nirvana. L'équipe continue de s'enliser et la fin de la saison ne sera qu'un long supplice.
Les gestes que poseront Gorton et l'éventuel DG seront plus scrutés que les revirements du défenseur Jeff Petry.
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Là-dessus, mes ami(e)s, je nous souhaite une super bonne année 2022. Beaucoup de santé, que de la santé. Le reste, c'est juste du hockey.