Trevor Linden, un coéquipier des jumeaux Daniel et Henrik Sedin chez les Canucks de Vancouver à l'époque, disait que quand vous étiez appelé à compléter un trio avec les frangins, c'était comme si vous deveniez un membre de la famille.
Pas peu fier de ses «deux frères»
Les jumeaux Daniel et Henrik Sedin n'ont pas de secret pour Alexandre Burrows
Dans quelques jours, Alexandre Burrows aura le sentiment de voir « deux frères » faire leur entrée dans le cercle des immortels au Temple de la renommée du hockey.
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« Oui, un peu… », répond timidement l'ancien attaquant québécois, pour qui les célèbres frères suédois n'ont plus aucun secret.
Burrows a été le troisième lien le plus productif des jumeaux au cours de leur carrière dans l'uniforme des Canucks, entre la fin des années 2000 et le début des années 2010.
Le style papier sablé de Burrows tranchait avec celui tout en finesse des frères, mais il représentait le « troisième frère » tout désigné pour eux. Les jumeaux ne se font d'ailleurs jamais prier pour proclamer le pugnace ailier droit comme ayant été leur meilleur complément.
« Ça montre à quel point ils sont gentils », réagit avec modestie l'athlète natif de Pincourt, sur L'Île-Perrot au sud-ouest de Montréal, qui a fait sa place dans la LNH contre vents et marées. « Dans le temps, nous avions une très bonne équipe à Vancouver, et les frères étaient au sommet de leur carrière, entre l'âge de 27 et 31 ans. J'ai profité de ça et, en plus, j'étais moi aussi dans mes plus belles années. »
Un jumelage inattendu
Burrows s'anime quand on lui demande de raconter comment s'est fait le jumelage avec les Sedin. Il conserve un souvenir très vif de la scène.
« Je n'étais aucunement prêt pour ça », avoue-t-il, avec de grands yeux. « Je jouais sur le troisième trio à l'époque. Un soir de match à St. Louis, après la deuxième période, l'entraîneur Alain Vigneault est venu dans le vestiaire annoncer des changements de trios. J'étais sous le choc, je me retrouvais avec les jumeaux. Je les avais beaucoup observés avec d'autres ailiers depuis mes débuts avec les Canucks, mais là, c'était mon tour. Ça me stressait. Ils étaient venus me dire de simplement jouer mon match.
« J'avais marqué un but en troisième période, et l'équipe était venue de l'arrière pour l'emporter. »
Au-delà de ce soir-là du 10 février 2009, Burrows allait inscrire 15 autres buts, sur son total de 28 pour la saison, dans les 29 derniers matchs des Canucks.
« Je me disais : 'Donne-leur la rondelle le plus souvent possible et dirige-toi au filet'. Je pensais que s'ils avaient 30 touches de rondelle chacun par match, qu'ils les rentabiliseraient.
« Ils étaient tellement bons, bien qu'ils n'étaient pas les plus rapides, les plus forts, les plus costauds ou les plus dynamiques. Ils se démarquaient par leur intelligence au jeu supérieure à la moyenne. Ils jouaient comme au soccer européen, en mettant l'accent sur la possession de la rondelle et sur l'utilisation des espaces libres.
« Ils multipliaient le passe-et-va, comme au soccer », poursuit l'adjoint de l'entraîneur Martin St-Louis chez les Canadiens de Montréal. « Ils étaient des maîtres dans l'art de créer des surnombres dans les espaces restreints, que ce soit derrière le but ou près de la bande à la hauteur des cercles dans la zone grise entre les défenseurs et les ailiers.
« Avec mes qualités, nous avons développé une grande cohésion. Ça nous a permis de connaître du succès. »
Lui qui n'avait réussi que 34 buts dans ses 258 premières rencontres dans la LNH avant de croiser leur chemin, il a enchaîné les saisons de 35, de 26 et de 28 buts grâce à leur complicité.
« Ils possédaient une telle intelligence au jeu et un niveau d'exécution hors du commun, souligne Burrows. Leurs passes soulevées étaient les meilleures que j'avais jamais vues. Du côté fort ou du revers, la rondelle retombait directement sur la lame de mon bâton. Ils étaient sûrement à ce moment-là les deux meilleurs à faire ça. »
Comme des dauphins
S'immiscer entre des jumeaux identiques en communion sur la glace n'est pas en apparence une mince affaire. Mais heureusement pour Burrows, les Sedin étaient très inclusifs.
« En aucun temps, je ne me suis senti dénigré, même si ma feuille de route était pas mal moins reluisante que la leur, a-t-il mentionné. Ils m'ont toujours fait sentir l'égal d'eux. Même que ce n'était jamais ma faute quand le trio allait moins bien. Ils prenaient toujours le blâme. Après un mauvais match, ils me disaient : 'Ah non, Alex, ce n'est pas ta faute, nous n'avons pas été bons'. Ils ne pointaient jamais personne du doigt. Ça les rend encore plus spéciaux à mes yeux. »
Sur la patinoire, les Sedin avaient une façon de communiquer entre eux plutôt particulière. Burrows la décrit avec humour.
« Ils ne se parlaient pas vraiment. Ils communiquaient avec des sons qui ressemblaient à des bruits de dauphins », image-t-il à la blague.
St-Louis admet qu'il était fasciné par le phénomène des jumeaux, qu'il épiait à la moindre occasion. Leur haut niveau de connivence relevant presque de la télépathie lui rappelait la complicité qu'il a eue avec son comparse Éric Perrin dans le hockey mineur jusque dans les rangs universitaires américains.
« Pendant 13 ans, Éric et moi avons joué comme les Sedin », a soumis l'entraîneur des Canadiens. « J'aimais beaucoup les voir à l'œuvre. Je surveillais leurs déplacements sur la glace et leurs tendances. Ils ne jouaient pas aux dames, ils jouaient aux échecs. »
St-Louis dit avoir pigé quelques trucs dans l'arsenal des jumeaux, comme la maîtrise de l'art de la passe du revers.
« Je n'avais jamais vu ça et j'ai essayé de les imiter. Ils étaient d'excellents passeurs. Ils étaient menaçants avec leur revers, tant à cinq contre cinq qu'en supériorité numérique. »
Pour Burrows, la grande créativité des jumeaux a certainement contribué à l'évolution du sport.
« Ils sont les inventeurs de jeux qu'on voit encore dans la Ligue nationale, comme la passe haute qu'on fait dévier au 'bumper' (joueur-tampon ou pivot) en supériorité numérique, a-t-il expliqué. Plusieurs équipes utilisent la stratégie.
« Il y a aussi la longue passe par la bande en fond de territoire adverse, a-t-il renchéri. Ils se synchronisaient. Henrik projetait la rondelle et Daniel battait de vitesse le défenseur en plein pivot pour éviter le dégagement illégal et se donner une chance de marquer. C'est un autre jeu qu'ils ont créé de toutes pièces. »